Les banques sont à la recherche de profils. Les annonces publiées depuis l'année dernière en témoignent. Le marché fait écho de passages massifs d'une banque vers une autre. Les responsables réfutent l'information. Des ententes sont-elles en train de voir le jour ? C'est dénué de tout fondement», c'est la réplique des principales banques de la place, lorsqu'elles sont interrogées sur les départs massifs que certaines d'entre elles connaissent. De nombreux profils font dans la transhumance. Ils quittent une banque pour en intégrer une autre. Qu'a-t-il de si particulier, ce secteur, pour que les principaux intéressés formulent des réponses aussi catégoriques? Selon Abdellah Jennane, de la direction exécutive de Diorh IRH (Institut des Ressources Humaines) : «ce secteur est un peu particulier. Il se distingue actuellement par des recrutements massifs, puisque le réseau des agences bancaires se développe à une vitesse considérable. Effectivement, il y existe des problématiques inhérentes aux ressources humaines que l'on retrouve plus particulièrement dans ce secteur». Il est vrai que pour 2007 seulement, près de 300 agences ont ouvert leurs portes, réparties sur l'ensemble du territoire. C'est ainsi qu'une moyenne de quatre agences voit le jour chaque semaine, ce qui se traduit en termes d'effectifs par le recrutement de trois à quatre personnes par agence. Dans l'année, le besoin s'élève à 100 agents. Par ailleurs, notre intervenant continue à décortiquer le secteur en apportant davantage de précisions. «Ce secteur se distingue également par une certaine frustration du personnel. En effet, ceux qui sont recrutés depuis 5 à 6 ans ne connaissent pas d'améliorations en termes de revenus, ils voient les nouveaux arrivés d'un mauvais œil. Ces dernières intègrent l'entreprise avec les mêmes salaires que ceux ayant à leur actif 5 à 6 ans d'ancienneté». Et pour cause. Il se trouve qu'en moyenne, un chargé de comptes touche entre 6.000 et 7.000 DH, un directeur d'agence entre 8.000 et 11.000 DH. Quant au préposé au guichet, son salaire est de l'ordre de 5.000 DH. Ces montants sont à considérer, sachant que les employés des banques bénéficient des 13ème et 14ème mois, des avantages sociaux et de taux préférentiels en matière de crédits. Ceci étant, ce sont ces mêmes sentiments de frustration qui avaient animé beaucoup de cadres de la Wafa, suite à la fusion entre la Wafa et la BCM. À tort ou à raison, ils ont estimé que les gens de l'ex-BCM avaient été privilégiés. Même configuration lorsque la CDG a absorbé la BNDE, il a fallu gérer les départs et dénicher certains profils. C'est ce dernier aspect qui suscite actuellement l'inquiétude. Comment les banques arriveront-elles à combler le manque de compétences dont pourraient souffrir certaines d'entre elles ? Un autre professionnel de la place, Philippe Montant, directeur général de Rekrute.com, intervient à ce sujet : «il est fort probable que les choses deviennent plus difficiles avec le temps. Toutefois, il ne faut pas oublier qu'il s'agit de grandes institutions. Elles possèdent un certain nombre de profils qui, par des formations, deviendront assez compétents pour intégrer d'autres postes et s'atteler à d'autres fonctions». Mais il est indéniable que le besoin pour certains profils est manifeste. Ne serait-ce qu'au regard de la conjoncture internationale. «La réorganisation touche les marchés financiers mondiaux avec la régulation imposée par Bâle II. Il y a une grande demande de personnes qui possèdent une expertise en matière informatique. Ces personnes sont destinées à travailler sur des systèmes d'information vieux de trente ans», souligne à ce sujet M. Montant. La position des uns et des autres Les banques marocaines n'échapperaient pas à cette situation. Toutefois, elles maintiennent leur position. «Les informations selon lesquelles des cadres «nombreux» de la Société Générale postuleraient pour des postes à la BMCE et sur l'existence d'un projet de gentlemen agreement (entre les deux banques) sont dénuées de tout fondement», tient absolument à préciser Latifa El Amrani, de la direction de la communication à la Société Générale Maroc. Même son de cloche chez BMCE Bank. Toutefois, on apprend de source interne que de «nombreux candidats se présentent spontanément, ils sont majoritairement originaires de la SGMB. Ils désirent généralement intégrer le siège. Ce qui les attire, c'est d'abord la politique de gestion des ressources humaines, le niveau des salaires et l'ambiance de travail». Les experts du recrutement n'en sont guère étonnés. «Aujourd'hui, face aux réajustements que traverse le marché, les flux se font dans un sens comme dans un autre. Une personne quitte le service et elle pousse au départ ses collègues», explique Philippe Montant. Cette situation prend une certaine dimension. Il semblerait que le GPBM soit sur le point de réactiver une sorte de «pacte» tacite pour ne pas chasser sur les plates-bandes d'autres banques. «Nous n'avons pas connaissance d'une démarche du GPBM visant à réguler le marché de l'emploi dans le secteur bancaire», réplique à ce propos Mme El Amrani. «Il est tombé depuis presque deux années. On a vu certaines banques ne plus respecter cet accord», reconnaît notamment Abdellah Jennane. Plutôt que de noyer le poisson, quelle démarche les banques doivent-elles suivre pour remédier à la situation ? Philippe Montant estime pour sa part, «qu'elles doivent fournir des efforts en termes de fidélisation : en faisant participer le personnel à la stratégie de l'entreprise en toute transparence et en mettant fin aux guerres intestines entre les différents départements. En outre, les banques doivent développer une image attrayante pour les candidats. C'est d'ailleurs le cas pour tous les secteurs d'activités». Philippe Montant, directeur général de Rekrute.com «Toute la difficulté résiderait aujourd'hui à réguler le flux» Quelle analyse pouvez-vous formuler sur la forte demande en ressources humaines que connaît actuellement le secteur bancaire ? Il y a certainement des stratégies de changement. Certaines banques fusionnent et les employés sont quelque peu dépassés par les événements. Pendant très longtemps, les institutions bancaires ont représenté des lieux de travail avec beaucoup d'avantages sociaux. Aujourd'hui, les banques sont en train de vivre une concurrence accrue, par conséquent les tensions sur les ressources humaines augmentent et inexorablement la hausse des salaires s'ensuit. Les salariés n'assimilent pas tous les éléments du changement. Quels sont les profils les plus recherchés et surtout, sont-ils disponibles sur le marché marocain ? Les profils pointus, et j'entends par là les chargés d'affaires, ceux qui opèrent sur le marché financier et qui ont des fonctions qui sont liées aux nouvelles régulations au niveau du marché bancaire. Au niveau des postes de direction centrale, les banques sont à la recherche de profils capables d'être en relation avec la banque centrale et les banques étrangères. Par ailleurs, l'intérêt porte également sur des profils pouvant gérer le développement international, avec la multiplication des implantations des banques nationales notamment dans les pays d'Afrique. Il y a toute une réorganisation des marchés financiers internationaux qui est en cours. Ces types de candidats sont rares en nombre et en volume. Aussi, les institutions bancaires mettent en pratique des politiques de formation et de développement des compétences en interne. Par ailleurs, ceux que l'on pourrait qualifier de «hauts profils» n'existent pas en grande quantité. Il y a ceux qui désirent regagner le Maroc, qui par exemple travaillent aux Etats-Unis, notamment dans les activités liées à la banque d'affaires. Le niveau de rémunération qui leur sera proposé décidera de leur retour. De nombreux cadres passent d'une banque à une autre, le phénomène s'est-il particulièrement accentué ces derniers temps ? À votre sens, quelles en sont les raisons ? En désertant certaines banques, les salariés manifestent un réel sentiment de mal-être au sein de la structure. Ne serait-ce qu'au niveau des salaires, ils veulent des augmentations sérieuses. C'est vrai que par le passé, en règle générale, les personnes qui intégraient une banque en début de carrière y restaient jusqu'à son terme. À cette époque, les banques faisaient preuve d'une certaine réticence à recruter chez la concurrence. Au sein du GPBM, une sorte d'accord tacite avait posé des limites. Ce «gentlemen agreement» a dû tomber. Mais ce n'est toujours pas une situation de «chasse» aux profils. Ils partent d'eux-mêmes. Toute la difficulté résiderait aujourd'hui dans la régulation du flux.