La crise franco-algérienne franchit un nouveau seuil avec la remise en cause du principe d'inviolabilité de la valise diplomatique, l'un des piliers les plus anciens et universels des relations entre Etats, au risque de créer un précédent dangereux bien au-delà du face-à-face entre Paris et Alger. Rarement les tensions entre Paris et Alger auront atteint un niveau aussi symptomatique d'une dégradation profonde. La récente polémique autour de l'acheminement de la valise diplomatique illustre un basculement inquiétant : un principe universellement respecté, codifié par la Convention de Vienne et considéré comme intangible même au cœur des conflits les plus violents, se retrouve instrumentalisé dans une querelle bilatérale. La sacralité de la valise diplomatique a survécu à la guerre froide entre Washington et Moscou, à la guerre Iran-Irak, aux rivalités indo-pakistanaises, aux crises persistantes entre l'Iran et les monarchies du Golfe, ou encore aux tensions historiques entre le Maroc et l'Algérie. Même aujourd'hui, alors que la Russie et les puissances occidentales s'affrontent sur le dossier ukrainien, ce canal de communication demeure respecté tant que les relations diplomatiques ne sont pas formellement rompues. Lire aussi : La justice française émet un mandat d'arrêt international contre un diplomate algérien soupçonné d'enlèvement Dans le cas franco-algérien, la décision de restreindre ou de soumettre à des contrôles discriminatoires l'acheminement de la valise diplomatique ne relève pas seulement d'un geste politique : elle s'apparente à une violation de l'un des rares piliers de confiance résiduelle entre Etats. En s'aventurant sur ce terrain, Alger démontre non seulement une incompréhension des usages diplomatiques les plus élémentaires, mais aussi une volonté d'instrumentaliser des mécanismes qui, jusqu'ici, échappaient aux manœuvres coercitives. Le droit international prévoit deux voies claires : maintenir des canaux diplomatiques ouverts ou rompre formellement les relations. Tout ce qui s'écarte de ce schéma, notamment l'entrave à la valise diplomatique, rapproche les protagonistes des pratiques attribuées aux Etats voyous. Ce qui se joue entre la France et l'Algérie dépasse leur contentieux bilatéral : il s'agit d'un précédent dangereux pour l'ensemble des membres de l'ONU, exposant à terme toutes les représentations diplomatiques au risque d'arbitraire. En fragilisant ce mécanisme, Alger contribue à éroder l'une des dernières garanties de dialogue en période de crise, renforçant l'image d'un pays prompt à transgresser les usages multilatéraux lorsque ses intérêts politiques immédiats priment sur le respect des règles qu'il a lui-même ratifiées.