Depuis vingt-cinq ans, la High Atlas Foundation (HAF) multiplie les vergers et pépinières communautaires dans les campagnes marocaines afin de sauvegarder les variétés fruitières et oléagineuses indigènes, d'améliorer les revenus ruraux et de soutenir l'émancipation des femmes, rapporte le média spécialisé Food Tank. Créée en tant qu'organisation de développement communautaire, la HAF oriente son action vers la conservation des cultures patrimoniales – caroubier, amandier, arganier, olivier – en poussant les familles agricoles à préférer aux céréales de subsistance des productions à forte valeur marchande. «Nous avons vu les revenus agricoles ruraux croître de façon multiple grâce à nos vingt-cinq années de plantation d'arbres», souligne son président, Yossef Ben-Meir, cité par Food Tank, en évoquant la hausse marquée des prix de l'huile d'olive et de la caroube. Une planification portée par les communautés La création de pépinières commence par des ateliers d'«empowerment» où, explique M. Ben-Meir, «les habitants renforcent leur confiance, découvrent leurs aptitudes et analysent les aspects sociaux, émotionnels et essentiels de leur vie». Cette démarche participative, estime-t-il, «accroît la viabilité des projets et confirme la primauté de la décision locale». Les semences proviennent de variétés endémiques soigneusement choisies par les communautés elles-mêmes, ce qui, ajoute-t-il, «témoigne d'une réelle reconnaissance de la valeur de la biodiversité». Parallèlement aux arbres fruitiers, la HAF encourage la culture de plantes médicinales et aromatiques locales, issues d'un savoir-faire transmis de génération en génération pour la cueillette, le séchage et la commercialisation. «Cette expertise est enracinée dans leur héritage», rappelle M. Ben-Meir. Un rôle accru des femmes dans l'agriculture arboricole Si l'agriculture fruitière a longtemps relevé du domaine masculin, les femmes restent dépositaires d'une connaissance fine des plantes médicinales sauvages. De plus en plus impliquées dans la gestion des pépinières et la production fruitière, elles bénéficient du soutien de diplômées d'université revenues dans leur région pour créer, avec leurs consœurs, des entreprises agricoles. «C'est essentiel pour notre avenir», assure M. Ben-Meir. Le défi majeur de l'eau L'accès à l'eau demeure, selon lui, «de loin le poste de dépense le plus élevé» pour les communautés et la Fondation. Le manque d'irrigation limite la transition vers des cultures plus rentables. La HAF appelle à investir dans des infrastructures hydrauliques – puits, bassins, panneaux solaires, pompes, canalisations – et dans la formation pour en assurer la maintenance. Pour préparer les campagnes marocaines aux crises futures, M. Ben-Meir insiste sur la nécessité de préserver les ressources génétiques qui fondent l'agriculture durable, comme le rappelle l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO). Les boutures fournies par les familles constituent le socle initial des pépinières locales. La HAF bénéficie aussi de partenariats originaux, notamment avec la communauté juive marocaine, qui met gracieusement à disposition des terrains attenants à ses cimetières historiques. «Ce type de coopération interconfessionnelle, déterminé par les besoins des populations locales, renforce à la fois le lien entre confessions et la préservation de ces lieux patrimoniaux», conclut M. Ben-Meir, pour qui la sauvegarde des variétés marocaines «relève d'une priorité identitaire partagée par les associations, coopératives et communautés agricoles».