Briser le silence au sein même de la communauté juive mondiale. C'est, semble-t-il, l'un des principaux objectifs du premier « congrès juif antisioniste », récemment organisé à Vienne, du 13 au 15 juin. Faiblement médiatisé et vivement combattu par la propagande sioniste, il s'agit, en fait, d'un évènement capital quant à la dénonciation de la guerre génocidaire menée actuellement à Gaza. Et si, à l'instar de l'Afrique du Sud, mais aussi à l'instar d'autres Etats multiculturels, multiethniques et plurinationaux, tels le Canada, l'Australie ou le Brésil, la solution pour une paix juste et durable était la construction d'un Etat réellement démocratique, binational, fondé avant tout sur le respect de la dignité humaine et sur l'égalité de tous les citoyens, femmes et hommes, quelque soit leur confession ? C'est la voie que prônent dans le monde de nombreux juifs qui se déclarent antisionistes et dénoncent l'instrumentation idéologique et politique de l'antisémitisme pour occulter la vraie nature coloniale et raciste du projet de l'extrême droite sioniste actuellement au pouvoir en Israël. En effet, le 1er congrès juif antisioniste, organisé à Vienne du 13 au 15 juin, est une illustration vivante de cette tendance médiatiquement invisibilisée qui gagne du terrain partout dans le monde. Le 1er jour de ce congrès a coïncidé avec l'attaque armée israélienne contre l'Iran qui est avant tout une agression condamnée en tant que telle par le droit international. Cette agression est perçue surtout comme une tentative du gouvernement d'extrême droite sioniste de détourner l'attention de ce qui se passe à Gaza et d'ouvrir un autre front beaucoup plus dangereux pour la paix et la sécurité internationale, en impliquant les alliés historique d'Israël, en particulier les Etats Unis d'Amérique. Lire aussi | Australie-Palestine: le sens profond d'une reconnaissance A l'ouverture des travaux du congrès qui a réuni des centaines de juifs venus du monde entier, mais aussi des partisans pour une solution juste et durable en Palestine, Dalia Sarig, militante juive antisioniste, a tenu à rappeler que les délégués présents sont réunis en Autriche, « dans le pays où Herzl a lancé le sionisme en tant qu'idéologie coloniale raciste », laquelle idéologie est à la base du processus génocidaire actuel, en Palestine, et surtout à Gaza. Ce qui place, depuis longtemps, de nombreux Etats dans le monde, et surtout en Europe, « du mauvais côté de l'histoire », voire les rend complices d'un processus bien ancien, depuis tout au moins le début du 20ème siècle, qui a mené vers la situation génocidaire en cours. Au mois de décembre 2024, 10 000 à 12 000 personnes de la communauté juive dans le monde avaient déjà signé une déclaration antisioniste, où l'on pouvait lire : « le judaïsme n'est pas synonyme du sionisme ». Le 1er congrès juif antisioniste de Vienne a été organisé pour donner un nouveau souffle à la lutte contre le retour des mouvements fascistes d'extrême droite, partout dans le monde et contre les séquelles du colonialisme, tout en mettant l'accent sur l'héritage antinazi articulé à la mémoire de la Shoah et en dénonçant la manipulation de l'histoire et de la mémoire collective. Lire aussi |Palestine: entre victoires diplomatiques et guerre génocidaire Dans leurs analyses, les congressistes vont même plus loin, en considérant que le gouvernement d'extrême droite sioniste est la véritable source actuelle de l'antisémitisme de par la pratique ouverte et explicite du suprématisme juif en Palestine et des objectifs génocidaires actuellement mis en œuvre. En fait, pour les juifs du monde, il est surtout question d'une prise de conscience radicale en vue d'une rupture avec une idéologie manipulatrice dont la force première réside dans l'exploitation de l'ignorance, de la peur et d'une fausse réinterprétation de la mémoire, ce qui permet d'annihiler la raison et les capacités critiques individuelles et collectives. Sarig a d'ailleurs fait référence au serment de Mauthausen, un engagement pris par les survivants du camp de concentration le 16 mai 1945, qui stipule notamment : « Fidèles à ces idéaux, nous faisons le serment solennel de continuer à lutter, fermes et unis (...), contre l'incitation à la haine entre les peuples. [...] Nous voulons ériger le plus beau monument que l'on puisse dédier aux soldats tombés pour la cause de la liberté de la communauté internationale sur une base solide : un monde d'hommes libres. » Lire aussi | Gaza: là où l'espoir peut renaitre Ainsi, la question de la Palestine apparait de plus en plus dans toute sa réalité et sa nudité : une question qui concerne toute l'humanité, une humanité unie dans toute sa diversité, prête à mettre fin à toutes les souffrances en s'attaquant aux préjugés et aux vraies causes, prête à se réconcilier avec elle-même et avec toute la nature. C'est la seule voie qui devrait permettre d'éviter de retomber dans une nouvelle barbarie beaucoup plus meurtrière que les précédentes.