Pourquoi le nucléaire civil peut être un réel levier de croissances énergétique et économique L'énergie nucléaire répond à deux enjeux énergétiques clés pour le Royaume, le premier étant la production de l'électricité, particulièrement utile pour les ménages et le secteur industriel, on sait que le nucléaire civil produit de l'électricité à grande échelle. En outre, l'énorme quantité de chaleur produite par les centrales nucléaires peut servir, via le procédé de distillation à détente étagée (ou MSF), à dessaler l'eau de mer et, donc, répondre à l'urgence du stress hydrique au Maroc. Ce procédé thermique est utilisé dans les pays du Golfe dans les procédés de dessalement. L'énergie nucléaire civile est, par conséquent, une opportunité stratégique pour le Maroc, qui peut utiliser ses propres réserves d'uranium contenues dans la roche phosphatée en vue d'asseoir sa souveraineté énergétique et de résoudre l'un de ses problèmes les plus critiques: la raréfaction progressive de l'eau douce. Lire aussi | Nucléaire civil : quelles ambitions pour le Maroc Actuellement, l'urgence du stress hydrique fait que le Maroc multiplie le lancement d'usines de dessalement, notamment à Casablanca, Dakhla et El Jadida. L'utilisation de l'énergie nucléaire permettrait, à la fois, un gain en puissance et une réduction des coûts. Le Maroc, membre historique de l'AIEA, scelle des partenariats à la fois avec la Russie et l'Union européenne Le Maroc est membre de l'AIEA depuis la fin des années 1950 et s'est doté d'un Centre national des sciences et techniques nucléaires (CNESTEN), qui collabore activement avec l'agence internationale. Le Royaume a signé, début 2024, un accord à Vienne qui renforce sa coopération avec l'AIEA, ce partenariat qui s'étale sur 5 ans, s'articule autour des axes suivants : – Développement du nucléaire civil et des techniques non destructives – Radioprotection et la sûreté nucléaire – Agriculture et la sécurité alimentaire – Utilisation des ressources en eau – Recherche dans le secteur du nucléaire civil et de la santé Le Royaume s'est, par ailleurs, rapproché de la Russie en ce qui concerne le nucléaire civil, en concluant depuis 2017 de multiples accords dont un protocole de coopération initialement signé en 2017 et ratifié par Moscou en octobre 2022. Lire aussi | OCP Green Water atteint l'autonomie hydrique du Groupe OCP avec deux ans d'avance Les axes de partenariat Maroc-Russie couvrent : – La conception de réacteurs nucléaires – La construction à l'avenir de sites de dessalement de l'eau de mer – L'exploration de gisements d'uranium – Le monitoring de déchets radioactifs – La formation des salariés de l'AMSSNuR, autorité marocaine de sûreté nucléaire – La maintenance d'infrastructures nucléaires (civiles) et la gestion du cycle du combustible – L'accélération de particules Lors du forum Russie-Afrique, qui a eu lieu à Saint-Pétersbourg en juillet 2023, Rosatom (à travers sa filiale Rusatom Smart Utilities) et l'entreprise marocaine Water & Energy Solutions ont signé un protocole d'accords concernant l'utilisation de l'énergie nucléaire pour le dessalement de l'eau de mer. Ce partenariat avec la Russie peut s'avérer dangereux et risque de créer une dépendance énergétique car les combustibles russes ont des formats bien spécifiques, différents de ceux produits ailleurs dans le monde. En outre, la Russie, bien qu'en avance sur la technologie et les procédés nucléaires, est en forte tension avec les pays membres de l'OTAN (dont certains sont des alliés et amis stratégiques du Maroc) du fait de la guerre en Ukraine. A noter également que le secteur nucléaire est un outil puissant utilisé consciemment par le kremlin pour peser sur l'échiquier mondial et ce malgré les lourdes sanctions économiques imposées par les pays occidentaux. Lire aussi | L'option nucléaire proposée par la France pour décarboner l'économie marocaine est-elle vraiment viable? Par ailleurs, le Maroc, qui l'a-t-on bien constaté, prône une politique visiblement très pragmatique, s'est également rapproché de l'Union européenne dans le cadre du développement de son industrie nucléaire civile. Avec le programme Euratom-Maroc, il a pour objectif d'améliorer les dispositifs de sécurité nucléaires en les alignant sur les standards internationaux. Ce programme vise également à gérer des déchets radioactifs. L'Uranium flambe et l'OCP se lance dans la production de «yellow cake» Le groupe OCP a lancé, à travers la start-up Uranext rattachée à l'Université Mohammed VI Polytechnique (UM6P), un projet d'extraction d'uranium à partir du phosphate, précisément d'acide phosphorique. Le processus d'extraction utilise la technologie «Continuous Ion Exchange» ou CIX. Avec un investissement de 100 millions de dollars et la présence des plus importantes réserves de phosphate à l'échelle de la planète (70% des réserves mondiales), le Maroc ambitionne de produire massivement du « yellow cake » (soit le solide U3O8). La flambée du cours de l'uranium au cours de l'année 2023 avec un pic dépassant 100€ participerait à améliorer la rentabilité financière du processus de production et notamment de couvrir les coûts d'extraction à partir d'acide phosphorique. Source : BoursoBank La production d'uranium faciliterait pour le Maroc la mise en place d'infrastructures nucléaires civiles utiles pour les besoins en électricité et pour le dessalement de l'eau de mer.