■ Au Maroc, le coût du foncier dans un projet immobilier représente près de 50% du coût de l'investissement, alors que les normes internationales se situent entre 10 et 13%. ■ La politique de l'Etat en matière d'habitat est toujours focalisée sur les villes, délaissant le monde rural. ■ Eclairage de Driss Effina, expert en immobilier. ✔ Finances News Hebdo : Est-ce qu'il y a un lien entre l'immatriculation foncière et le prix des terrains ? ✔ Driss Effina : La question d'immatriculation et d'enregistrement au Maroc présente un grand handicap. Le prix du foncier commence à nuire au niveau du coût de l'investissement. Notre pays a dépassé les normes en la matière. Aujourd'hui, le foncier représente près de 50% du coût de l'investissement. Selon la norme internationale, ce coût se situe entre 10 et 13%. Quelqu'un qui achète un logement paye entre 40 et 50% le coût du foncier. Celui qui vend le foncier est celui qui gagne le plus, et non pas le promoteur. Cette faiblesse d'immatriculation participe activement à la hausse du coût du foncier. Il y a aussi le problème du morcellement des terrains, surtout en périphérie des villes. ✔ F.N.H. : La population rurale ou périurbaine ne trouve pas de lots de terrain pour construire. Il faut, selon la loi, au moins 10.000 m2, ce qui n'est pas à la portée de tout le monde. Il n'y a aucune offre produit dédiée à ces personnes ? ✔ D.E. : Il est vrai que la loi interdit la construction sur un terrain de moins de 10.000 m2, cela afin de ne pas trop morceler les terrains et garder leur vocation agricole. Mais en l'absence d'alternative et de textes adéquats, les gens se dirigent vers l'habitat clandestin. Il faut avouer que toute la politique de l'Etat en matière d'habitat est urbaine. Les ruraux viennent en ville soit pour y travailler, soit pour se loger. Depuis un certain temps, on parle de centres ruraux, ou de villages et où on encourage des lotissements. Mais ces centres n'ont pas atteint les objectifs escomptés. Il n'y a pas une volonté explicite de l'Etat pour encourager ce créneau et les communes rurales n'ont pas les moyens techniques nécessaires pour remédier à cette situation. Il n'y a pas d'intérêt également de la part des promoteurs. Dans la périphéries de Casablanca, il y a beaucoup de petits centres qui émergent, généralement aux alentours des souks hebdomadaires. Sous certaines conditions ces lieux peuvent atténuer la pression sur le logement dans le centre. Il y a plusieurs partis politiques qui, dans leur campagne, ont insisté sur ce sujet. Il y a des études dans ce sens. La solution du logement dans le monde rural va résoudre une bonne partie de l'habitat dans les villes. Il y a 30 à 40.000 ménages qui viennent des campagnes vers la ville pour y chercher emploi ou logement. Mais si on fait une offre dédiée aux ruraux, on va résoudre la problématique dans les villes. ✔ F.N.H. : Pourquoi faut-il donc réformer la loi sur l'immatriculation foncière ? ✔ D.E. : Il y a un problème dans la titrisation foncière. Les terrains disposant d'un titre foncier sont assez faibles. Il faut créer une agence spéciale pour résoudre ce problème et faciliter l'investissement. ■ Propos recueillis par Charaf Jaidani Le peu d'intérêt des promoteurs C'est la loi du marché, les promoteurs s'orientent vers les créneaux où il y a une demande et où la marge est assez attractive. La problématique du logement dans le milieu rural c'est que la quasi-totalité de la population travaille dans l'agriculture et de ce fait le revenu n'est pas stable et est irrégulier, ce qui la rend inéligible à la bancarisation et au crédit. La plupart des projets immobiliers autorisés dans la campagne sont soit des résidences secondaires pour les citadins, avec un prix similaire à celui du haut standing, soit des lotissements pour le logement économique dont le coût reste également hors de portée. C'est l'un des chantiers sur lesquels le prochain gouvernement doit se pencher pour inciter à l'investissement dans ce créneau, à travers des exonérations fiscales ou une offre de la plateforme foncière. Il est question de simplifier les procédures et d'encourager les communes et les préfectures à trouver une formule spécifique pour chaque région.