L'instruction par le Conseil de la concurrence d'une plainte déposée auprès de ses services a révélé que le «Conseil national de l'Ordre des experts-comptables a adopté, le 17 décembre 2019, une directive relative à l'application de la norme budget-temps et honoraires fixant un taux moyen horaire minimum de 500 dirhams hors taxes, pour le calcul des honoraires des expertscomptables lors de la réalisation des missions d'audit comptable et financier légal ou contractuel», expliquait ce 6 décembre le Conseil de la concurrence dans un communiqué. Cette directive a été diffusée et rendue obligatoire pour l'ensemble des experts-comptables à compter du premier janvier 2020. Elle permet, en d'autres termes, de fixer un prix plancher pour les prestations d'audit légal. Après examen approfondi des dispositions de ladite directive, de leur conformité avec les dispositions de la loi 104-12 et de l'impact de leur mise en œuvre sur la concurrence dans le marché de l'audit légal et contractuel, les services d'instruction du Conseil de la concurrence considèrent que cette directive est contraire aux dispositions de la loi relative à la liberté des prix et de la concurrence. Une pratique qui protège «les petits cabinets» La profession se désole de l'interprétation du Conseil de la concurrence et, contrairement à ce qu'on pourrait penser de prime abord, ce sont les petits cabinets qui se préoccupent le plus de l'issue de cette affaire. «Le barème a été instauré par l'Ordre pour protéger les petits et moyens cabinets», explique un expert-comptable qui a requis l'anonymat. Un sentiment largement partagé par les professionnels qui se sont exprimés sur le sujet de manière publique sur les réseaux sociaux. L'un d'eux rappelle que la guerre des prix dans l'audit légal est initiée par les grands cabinets, notamment dans les appels d'offres en cassant les prix pour asphyxier les autres. De nombreux experts-comptables interrogés pour les besoins de cet article estiment que le Conseil de la concurrence aurait pu voir ce barème comme une protection des petits cabinets en vue d'instaurer un équilibre dans le marché et converger vers un meilleur état de concurrence parfaite, dans un contexte où ce marché souffre actuellement, selon les professionnels, d'une concentration avérée. L'article 8 comme ligne de défense Les services d'instruction du Conseil de la concurrence ont adressé une notification des griefs à l'Ordre des experts- comptables. Cet acte d'instruction ouvre la procédure contradictoire et garantit l'exercice des droits de la défense par la partie en cause. Concrètement, le Conseil de la concurrence reproche à ce barème de «limiter l'accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par d'autres entreprises…. et de faire obstacle à la formation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse…». Mais, pour leur défense, les expertscomptables comptent faire valoir l'article 8 de la loi qui stipule : «sont prohibées les offres de prix ou pratiques de vente aux consommateurs abusivement bas par rapport aux coûts de production, de transformation et de commercialisation, dès lors que ces offres ou pratiques ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'éliminer à terme un marché, ou d'empêcher d'accéder à un marché une entreprise ou l'un de ses produits …». La procédure est lancée et il est important de préciser que la notification des griefs ne saurait préjuger de la décision finale du Conseil. En effet, seuls les membres du collège du Conseil de la concurrence peuvent, rappelons-le, après une instruction menée de façon contradictoire, dans le respect des droits de défense des parties concernées et après la tenue d'une séance orale du Conseil, statuer sur le bien-fondé des griefs en question. A suivre !