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Entretien : Les vérificateurs noyés dans les textes
Publié dans Finances news le 05 - 06 - 2014

Le manque de développement du système d'information des services de la DGI, et la faible documentation mise à la disposition des agents du fisc rendent la tâche du contrôleur une mission des plus ardues. 300 vérificateurs est un chiffre très faible eu égard à l'ampleur des dossiers. Cherif El Hilali, professeur à l'Université Mohammed V de Rabat, pointe du doigt les anomalies du contrôle fiscal et préconise des pistes de réflexion.
Finances News Hebdo : Quelles sont les contraintes qui entravent les missions de contrôle fiscal au Maroc ?
Cherif El Hilali : Le contrôle fiscal est l'une des missions les plus importantes de l'administration fiscale. C'est le corollaire indispensable du système déclaratif adopté par le Maroc depuis les années quatre-vingt du siècle dernier. Ce système comporte, par la force, des choses des risques d'erreurs, d'omissions, d'insuffisances et ne peut limiter les tentatives de fraude. Ce qui montre, à ce niveau, le rôle que peut jouer le contrôle fiscal. Toutefois, en réalité, ledit contrôle souffre de plusieurs contraintes. Celles-ci peuvent être réparties en deux catégories : d'une part, les contraintes liées aux moyens du contrôle fiscal et, d'autre part, celles liées à l'environnement de l'exercice de ce contrôle. En ce qui concerne le premier type de contraintes, elles peuvent se résumer comme suit : tout d'abord, les contraintes humaines qui consistent dans l'effectif très faible de vérificateurs avoisinant actuellement les 300, ce qui est insignifiant par rapport au nombre de dossiers à contrôler. Par ailleurs, ces moyens humains ne bénéficient pas des sessions de formation permanente pour être plus aptes à l'exécution de leurs tâches, en parfaite connaissance de la législation en vigueur et des procédures mises en place.
Ensuite, des contraintes matérielles, qui méritent d'être consolidées, notamment l'outil informatique qui facilite la détection rapide et le suivi automatique des contribuables, surtout ceux non transparents, et aussi la disposition de toute la logistique nécessaire pour faciliter la tâche de vérification, surtout au niveau local : l'amélioration du cadre de travail des contrôleurs, les moyens de leur déplacement, le matériel informatique, l'Intranet, l'accroissement progressive des locaux..., etc.
Enfin, des contraintes techniques dues à l'insuffisance des renseignements et des recoupements fiscaux du fait du manque de développement du système d'information des services de la DGI, doublé de la faible documentation mise à la disposition des agents du fisc. Quant au second type de contraintes du contrôle fiscal, elles sont liées à son environnement d'exercice.
Ce dernier peut prendre deux formes :
- un environnement juridique : on constate à ce niveau la complexité des textes fiscaux (inintelligibilité et instabilité dues aux modifications annuelles de la Loi de Finances), la faiblesse des sanctions et l'inadaptation des démarches du contrôle (procédures qui durent longtemps) ;
- un environnement socioéconomique : là on note l'ampleur de la fraude et l'évasion fiscales et le problème de l'informel.
F.N.H. : D'aucuns prétendent qu'entre autres difficultés entravant la vérification fiscale, il y a la complexité des textes fiscaux et l'inadaptation des démarches de contrôle. Que pouvez-vous répondre à cet effet ?
C. E. H. : Effectivement, parmi les sources d'inefficacité du contrôle fiscal, on trouve la complexité et l'instabilité de la législation fiscale et le problème de procédures.
En effet, malgré les efforts fournis pour simplifier la législation fiscale, elle reste encore complexe. Cette complexité découle autant de la multiplicité des impôts et taxes, qu'en raison des modifications annuelles de la législation fiscale.
En ce qui concerne la multiplicité des impôts et taxes, on peut souligner la multitude des exonérations, des abattements et des taux d'imposition. C'est ce qui rend le travail du vérificateur plus difficile et exige de lui une grande connaissance des textes en vigueur. Quant aux modifications annuelles de la législation fiscale, elles consistent en la mouvance des textes fiscaux. Chaque année des amendements surviennent rendant la législation fiscale de plus en plus complexe. En effet, la modification annuelle de la législation fiscale, dans le cadre des lois de Finances, rend le travail des vérificateurs plus difficile, ce qui exige d'eux un niveau élevé pour maîtriser les textes fiscaux.
Aussi, faut-il ajouter la lenteur des procédures et dont les délais peuvent aller jusqu'à plusieurs mois. A cet effet, on note que les opérations de vérification de comptabilité peuvent durer jusqu'à 6 mois pour les entreprises dont le chiffre d'affaires est inférieur ou égal à 50 millions de dirhams et jusqu'à 12 mois pour les entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur à 50 millions de dirhams. Les délais de 6 et 12 mois ne tiennent pas compte des suspensions de la vérification pour défaut de présentation des documents comptables obligatoires ou refus de se soumettre au contrôle.
Donc, pour surmonter ces entraves, il faut adopter des textes plus adaptés à la réalité socioéconomique (flexibilité) et des procédures du contrôle plus efficaces (simples et à durée courte).
F.N.H. : La fraude fiscale est un phénomène international. Quel rôle peut jouer la coopération internationale, dont le Maroc, pour y remédier, voire l'atténuer ?
C. E. H. : La fraude fiscale est effectivement un phénomène qui concerne tous les pays du monde. Donc, pour y faire face, la coopération entre ces pays s'impose avec acuité. Dans ce sens, et à titre d'illustration, une Convention a été élaborée par le Conseil de l'Europe et l'OCDE en 1988 et a été amendée en 2010 par un protocole. La Convention est un instrument multilatéral de coopération fiscale pour combattre l'évasion et la fraude fiscales.
Pour répondre à l'appel lancé par le G20 en avril 2009 au Sommet de Londres, la Convention a été alignée sur la norme internationale d'échange de renseignements sur demande et, le 1er juin 2011, elle a été ouverte à tous les pays.
A l'heure actuelle, plus de 60 pays l'ont signée et elle a été étendue territorialement à plus de 10 juridictions . Ceci représente un large éventail de pays comprenant tous les pays du G20, les BRIICs, presque tous les pays OCDE, les centres financiers les plus importants et un nombre croissant de pays en voie de développement.
La Convention a pris une importance croissante avec l'appel récent du G20 pour que l'échange automatique de renseignements devienne la nouvelle norme fiscale internationale en matière d'échange de renseignements. La Convention constitue l'instrument idéal pour mettre en oeuvre rapidement l'échange automatique et l'instrument multilatéral de premier plan en matière de coopération fiscale, donnant ainsi une impulsion supplémentaire aux efforts internationaux de lutte contre la fraude et l'évasion fiscales.
Il s'agit de la Convention concernant l'assistance administrative mutuelle en matière fiscale élaborée par l'OCDE, et qui témoigne ainsi des efforts déployés au niveau international pour lutter contre la délinquance fiscale, renforcer la coopération et la transparence et mettre en oeuvre un système international équitable pour tous les contribuables.
Donc on peut dire que dans un contexte où les activités des contribuables s'internationalisent de plus en plus, les administrations fiscales passent d'une coopération bilatérale à celle multilatérale et d'un échange de renseignements sur demande à d'autres formes de coopération, telles que l'échange automatique de renseignements. La Convention, qui offre un cadre multilatéral à cette coopération, s'inscrit en complément d'autres initiatives comme le formulaire normalisé pour l'échange automatique multilatéral en cours d'élaboration par l'OCDE et le G20, ou les efforts actuellement menés au sein de l'Union européenne pour améliorer l'échange automatique.
La Convention prévoit également des échanges de renseignements spontanés, des vérifications fiscales simultanées et une assistance en matière de recouvrement de l'impôt. Jouant un rôle précieux pour aider les Etats à lutter contre la fraude fiscale internationale, elle garantit le respect des législations fiscales nationales et protège les droits des contribuables en assurant la confidentialité des renseignements échangés. Le Maroc a signé la Convention concernant l'assistance administrative mutuelle en matière fiscale le 21 mai 2013. C'est ce qui marque une nouvelle étape dans la volonté du pays de bénéficier des avantages d'une coopération multilatérale accrue.
Désormais, le Maroc pourra profiter d'une coopération étroite avec les autres Etats signataires pour améliorer son cadre fiscal et la collecte des impôts. Cela lui permettra de mieux combattre l'évasion et la fraude fiscales qui, nous le savons, constituent de véritables freins au développement économique et social de nombreux pays.
F.N.H. : Dans quelle mesure le télépaiement et la télé-déclaration pourraient remédier à la problématique de la fraude à travers la disponibilité des données sur Internet et le développement des autocontrôles ?
C. E. H. : La télédéclaration et le télépaiement sont des télé-procédures adoptées par la DGI dans le cadre de l'amélioration des services rendus aux contribuables.
L'entrée en service des télédéclarations (notamment pour la TVA, l'IS et l'IR) et télépaiements (TVA et IS) constitue un tournant pour l'administration fiscale. Elle ouvre la voie à de nouvelles relations avec ses usagers. L'objectif étant de transformer cette administration en une «administration multi-accès» de sorte que pour toutes leurs démarches fiscales, les usagers aient le choix entre les supports directs (papier) et les nouveaux canaux (l'Internet notamment).
Les services Simpl (Services d'impôts en Ligne) sont mis en place pour faciliter les démarches des contribuables, améliorer la qualité des services, renforcer la transparence et réduire les coûts de gestion. Mieux encore, faut-il ajouter que ces services peuvent contribuer à la lutte contre la fraude fiscale, notamment si l'on pris en compte que l'administration fiscale sera en mesure de disposer d'informations pertinentes, fiables et exploitables, de mettre en place les ressources et outils nécessaires à l'analyse des risques et au ciblage de la fraude et d'optimiser et de massifier les contrôles. Dans ce sens, on souligne que l'obligation de télédéclaration et de télépaiement, à partir de 2010 pour les entreprises réalisant un chiffre d'affaires de 100 MDH et 50 MDH à partir de 2011, a donné des résultats non négligeables. Mais, de manière globale, la mise en oeuvre du Simpl souffre d'insuffisances auxquelles les dirigeants de l'administration devront faire face pour qu'il devienne un outil performant en matière de vérification fiscale.
F.N.H. : La pression fiscale n'est-elle pas le facteur déterminant de cette évasion. Comment se situe le Maroc à l'échelle internationale et comment peut-on améliorer la position du marché dans ce cadre ?
C. E. H. : La concentration de l'assiette fiscale sur un nombre limité de contribuables illustre l'incivisme fiscal qui subsiste dans notre pays.
A ce titre, il convient de noter qu'au Maroc 82% des recettes de l'IS proviennent uniquement de 2% des sociétés et 73% des recettes de l'IR sont perçues sur les salariés du secteur public et privé. Quant aux personnes physiques non salariées (commerçants, entrepreneur exerçant à titre individuel, professions libérales), leur contribution reste très faible. Dans d'autres pays, en Tunisie par exemple, l'IR sur les salaires contribue à hauteur de 39% du total des impôts directs contre 11% pour les autres revenus soumis à l'IR et 50% pour l'IS. Par contre en France, les grandes entreprises ont contribué au titre de la TVA de 30% et au titre de l'IS de 40% du total national des recettes.
Par ailleurs, en ce qui concerne la structure des recettes fiscales, elle s'est caractérisée, contrairement à la tendance observée entre 2006 à 2008, par une augmentation de la part des impôts indirects par rapport aux impôts directs à partir de 2009. En effet, la part des impôts indirects est passée de 51,7% en 2009 à 56,8% en 2010, et à 56,4% en 2011. Cette répartition marquée par la dominance des impôts indirects est conforme à la tendance observée dans certains pays développés ou en développement, comme la France et la Tunisie. En effet, en France, la TVA à elle seule représente près de 51% des recettes fiscales. En Tunisie, les impôts indirects s'élèvent à environ 60% des recettes fiscales. Enfin, reste à noter que la pression fiscale dans ces pays est d'environ 21% en Tunisie et 43% en France.
Quant au Maroc, elle a connu des taux variés selon les années. Ainsi, par exemple, si l'on prend en compte les années de 2008 à 2011, la pression fiscale est passée de 26,9% en 2008, à 22,8% en 2009 et 2010 et à 23% en 2011. Donc, pour améliorer la compétitivité des entreprises marocaines (environ 95% des PME et TPE), il est fondamental que la pression fiscale soit atténuée. Mais en contrepartie, il faut élargir l'assiette fiscale par l'appréhension de nouveaux contribuables, l'intégration de l'informel et la rationalisation des dépenses fiscales.
F.N.H. : Comment les contrôles fiscaux peuvent-ils assurer des conditions de concurrence entre les différents intervenants sur le marché ?
C. E. H. : Pour assurer des conditions de concurrence entre les différents intervenants sur le marché, plusieurs actions devraient être menées :
- en premier lieu, revoir la politique du contrôle en vue d'améliorer le climat des affaires et créer une concurrence plus saine entre les contribuables. Dans ce sens, l'administration devra prévoir des contrôles fiscaux ponctuels et simplifiés. Elle doit également réactiver le droit de constatation qui a pour objectif de rechercher les manquements à la facturation, et de l'exercer conjointement avec d'autres administrations, notamment l'ADII et l'Office des changes ;
- en deuxième lieu, améliorer la programmation du contrôle en se basant sur le système d'analyse risque. En effet, l'idée d'opter pour la sélectivité des contribuables à vérifier vise à orienter le contrôle vers les cibles à risques, c'est-à-dire vers les dossiers qui présentent le plus d'indices de fraude ;
- en dernier lieu, l'administration doit veiller au raffermissement de l'organisation et de la qualité du contrôle fiscal en s'appuyant sur des vérificateurs expérimentés et bien formés et bénéficiant de la logistique nécessaire à l'accomplissement de leur mission.


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