On célèbre ces temps-ci, avec l'amertume dans l'âme, ce qu'on appelle le XXème anniversaire de la réouverture des frontières entre le Maroc et l'Algérie. Comble de la dérision que les esprits raisonnables ne parviennent pas à admettre. Le terme «réouverture», relevant d'une littérature sidérante, nous rappelle qu'elles ont été fermées des années durant entre deux pays voisins, si proches géographiquement et imbriqués historiquement et humainement... Mais,voilà ! Jamais, on ne le répétera pas assez, frontière n'a été fermée si longtemps entre deux pays. Au total, ce sont 46 ans de fermeture et quelque 8 années seulement d'ouverture sur les 52 ans de l'histoire contemporaine de l'Algérie ! Il ne sert à rien de gloser sur ce chapitre où, machiavélisme et cynisme obligent, ce sont les peuples marocain et algérien qui en pâtissent à l'évidence. Les années d'ouverture, disons de normalité, se résument à 8 ans : de 1962, date de l'indépendance de l'Algérie arrachée après huit ans de guerre contre la France, à 1963, date à laquelle l'armée algérienne a envahi la région de Figuig et s'est – déjà - emparée de quelques localités que le Maroc avait été obligé de déloger. Fermée en 1963 jusqu'aux années 1970, soit un an après le traité d'Ifrane signé en janvier 1969 par Feu Hassan II et feu Boumediène, portant justement sur les frontières, traité que le parlement marocain – fort heureusement – n'a jamais adopté, ni entériné. De 1970 à 1975, la frontière maroco-algérienne a vu une fragile éclaircie, mais la Marche verte qui avait pris de court les dirigeants algériens et mis en échec leurs calculs dans l'affaire du Sahara, a débouché de nouveau sur la fermeture des frontières terrestres, cette fois-ci non sans hargne... Entre 1975 et 1994, une chape de plomb s'est abattue sur les relations entre les deux pays, une guerre diplomatique, une guerre tout court a pris le pas et les frontières terrestres en ont subi le contrecoup sur fond d'une grande méfiance voire d'une hostilité. On nous rétorquera que fermeture ou pas, le fil entre les deux pays n'a jamais été définitivement rompu, et que de part et d'autre des ambassadeurs sont nommés et maintenus contre vents et marées. C'est un truisme, car la mission des ambassadeurs est fort justement d'assurer une présence au beau milieu de la vacuité et des crises, et pas seulement d'inaugurer des chrysanthèmes. L'espoir, fragile pourtant, est revenu en 1994 du temps de Chadli Bendjedid, général de son état, originaire d'Oran qui a su nouer de fructueuses relations avec le Roi Hassan II et de faire preuve de dépassement à la barbe des irréductibles ennemis de la normalisation ! Les deux gouvernements avaient donc rouvert solennellement les frontières au grand bonheur des deux peuples, et on a assisté à la merveilleuse affluence des milliers de ressortissants algériens au Maroc. Le vent de fraternité avait soufflé sur les deux pays qui ont vite découvert leur communauté de destin, mais aussi vite déchanté...Car, cette réouverture n'a duré que le printemps d'hirondelle...Ce qui devrait en principe constituer le symbole de rapprochement et d'unité, s'est transformé en «no man's land» des horreurs et des trafics en tous genres...