Pour mettre en garde contre ce qu'endurent les travailleuses agricoles, un mémorandum de justice a soulevé la nécessité d'une intervention urgente afin de « réduire la discrimination pratiquée à leur encontre qui les expose au risque de marginalisation et d'exploitation de toutes sortes ». Ce mémorandum de plaidoirie résulte d'un travail de terrain réalisé par le groupe « Jeunes femmes pour la démocratie » auprès des ouvrières agricoles, pour définir leurs revendications et besoins fondamentaux dans la région d'Inezgane, Ait Melloul, Agadir. Il s'inscrivait également dans le cadre de la campagne « Youda », qui « couvrait la région de Sous-Massa, ciblant notamment les ouvrières agricoles employées à Inezgane Ait Melloul, dans une première phase, en attendant expansion sur l'ensemble de la région et le reste du Royaume ». Le document indique que le secteur agricole au Maroc contribue à 14% du PIB national et à 38% de l'emploi total au Maroc, selon un rapport publié en 2019 par la Direction des études financières et des prévisions du ministère de l'Economie, des Finances et de la Réforme de l'Administration. La note citait également un rapport du Haut-Commissariat au Plan, publié lors de l' exercice en cours (2020), qui indique que le secteur de l'agriculture, de la sylviculture et de la pêche emploie une présence féminine importante, d'environ 47% du nombre total de femmes actives au Maroc. Le mémoire de plaidoirie liait la souffrance des travailleuses agricoles au « contexte législatif marocain ». Il a évoqué la carence du « texte juridique » et « l'obligation de respecter son application » , ce qui conduit à « une discrimination persistante dans le droit des femmes dans le travail agricole en termes de salaire, de type de travail , d'horaire », et au maintien « d'emploi des mineurs dans des travaux agricoles dans des circonstances très difficiles ». L'emploi des travailleuses pendant des périodes longues et illégales « pouvant aller jusqu'à 14 heures par jour, dans des conditions qui ne respectent pas les conditions de santé et de sécurité ». De plus le travail s'effectue sans respect du droit aux congés payés, avec dans de nombreux cas un licenciement, y compris pendant la grossesse ou après l'accouchement. Le document enregistre que l'emploi des travailleurs agricoles se fait sans les assurer contre les accidents du travail et les maladies professionnelles, leur non-déclaration à la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS), et leur transport dans des conditions qui les rendent vulnérables aux accidents de la route et à de nombreuses maladies, y compris le non-respect du nombre autorisé à être transporté, sans compter les pratiques dégradantes des conducteurs ou des « cabranes », (courtiers d'exploitations). Le mémorandum a également mis en lumière l'exposition de ces travailleuses à divers types de violences sexuelles, du harcèlement à la tentative de viol et de viol, sachant qu'elles ne peuvent pas signaler « par peur de perdre leur travail, par manque de preuves ou par manque de confiance dans le cours de la justice, en plus de la peur de jugements de valeur sociétale et diffamation de la réputation professionnelle et familiale ». Le rapport recommandait une révision des dispositions du Code du travail et de leur compatibilité avec les obligations internationales du Maroc, notamment dans la partie relative aux travailleuses et au travail saisonnier en général et ce avec nécessité d'ouvrir des ateliers nationaux pour rédiger une loi-cadre pour l'emploi dans le secteur agricole, similaire à la loi n°19.12 sur les travailleurs domestiques. Le mémorandum a également recommandé « d'assurer une assurance contre les accidents du travail et la retraite », avec l'imposition de l'agrément des travailleurs agricoles auprès des fonds de protection sociale, et « d'imposer un livret de responsabilité aux investisseurs des secteurs agricole et industriel, qui garantit le renforcement de l'aspect social qui considére les travailleurs ruraux comme un groupe socialement vulnérable». En outre il suggère de prendre des mesures comme « la construction de pépinières dans les établissements agricoles ou les quartiers industriels». La note insiste sur la nécessité d'assurer la sécurité et la protection des travailleuses agricoles au « mouqaf », (lieu de rassemblement pour un emploi donné), en temps opportun et par étapes, avec l'imposition aux employeurs de fournir des moyens de transport. Le mémorandum faisait état également de la nécessité pour « les inspecteurs du travail d'assumer leurs responsabilités » par « un contrôle continu des employeurs des exploitations agricoles, afin de garantir les droits des travailleuses », avec « des sanctions sévères à l'encontre des contrevenants ». Le document préconise également « d'affecter des instituts de formation professionnelle agricole et des stagiaires pour qualifier les travailleurs agricoles et renforcer leurs capacités professionnelles ». Il convient de noter que le groupe « Jeunes femmes pour la démocratie » a été fondé en 2013 par des femmes marocaines de toutes les régions du Royaume, avec l'intention de « contribuer à la réalisation d'une égalité complète et à la réalisation d'un état de droit garantissant tous les droits et libertés sans discrimination fondée sur le sexe et la forme ». La campagne Youda, qui signifie « Assez », quant à la discrimination pratiquée contre les travailleuses agricoles, plaide pour « assurer le respect des droits et de la dignité de ce groupe marginalisé et absent de la prise de décision économique et politique aux niveaux local et national ».