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Publié dans Jeunes du Maroc le 06 - 09 - 2006


de Gidéon Lévy (Haaretz)
L'épouse et sept des enfants du Dr Nabil Abou-Salmiya, professeur de mathématiques et militant du Hamas, ont été tués avec lui dans l'explosion de leur maison. Une grand-mère, Hayariah Al-Atar et son petit-fils ont été tués sur leur charrette tirée par un âne sur le chemin du verger de figuiers. "Pluies d'été" à Gaza. Témoignages des survivants.
Hôpital Shifa à Gaza, quatrième étage : deux frères, sauvés des flammes. Leurs parents et leurs sept frères et sœurs ont été tués dans leur sommeil. Seuls, les deux frères ont été sauvés de l'enfer. Deux missiles ont été lancés sur la maison par un avion, au milieu de la nuit. Awad, 19 ans, est grièvement blessé ; Mohamed, 20 ans, sorti indemne, assiste son frère alité. Leurs parents et tous leurs jeunes frères et sœurs, dont une fillette handicapée, ont été tués. Vous imaginez ?
Les signes du traumatisme et du deuil sont sensibles chez les deux frères orphelins. Le regard abaissé vers le sol, la parole faible, le visage pâle et sans vie, six semaines après la nuit sanglante. Sur le mur de la chambre d'hôpital, ils ont collé une photo de leur père où l'on voit celui-ci en compagnie du Premier ministre, Ismaïl Haniyeh, auquel il ressemblait extérieurement très fort. Le Dr Nabil Abou-Salmiya était professeur de mathématiques à l'Université islamique de Gaza et militant du Hamas. Mohamed Deif, un homme recherché, était venu en visite au milieu de la nuit dans la maison familiale. La force aérienne a lancé deux missiles sur la maison. Mohamed Deif a été blessé mais a survécu. Une famille a été presque entièrement anéantie. C'était le jour où a éclaté la guerre au Liban et nul n'a prêté attention à la mort semée dans le sud.
A Shifa, blessés et tués continuent d'affluer. Ambulance après ambulance, la semaine a déversé les victimes de l'activité de l'armée israélienne. Cette fois dans le quartier de Sajiyeh, et à leur suite arrivent les membres des familles, tout retournés. L'ambiance était dure et menaçante. Des dizaines de soldats armés du Hamas assurent la sécurité de l'endroit, en treillis bleu tacheté, Kalachnikov armées, sur les toits des alentours, dans la cour de l'hôpital et dans les couloirs. Des membres des familles sont étendus par terre, dans les chambres. Le seul hôpital de Gaza est plein à craquer.
Une lourde puanteur remonte des rues de la ville : les ordures n'ont pas été ramassées depuis bien des jours, suite à la grève des employés municipaux qui n'ont pas été payés depuis des mois, et l'odeur pénètre jusque dans les chambres des malades. Il n'y a d'électricité que quelques heures par jours, à cause du bombardement par la force aérienne de l'unique centrale électrique de la Bande de Gaza et la chaleur est pénible, elle aussi. L'ascenseur est à l'arrêt ou bien se traîne. Awad Abou-Salmiya est étendu, paralysé et les deux jambes bandées, dans un lit près de la fenêtre. Seul un petit vent venant de la mer apporte quelque soulagement.
Non loin de là, à Beit Lahya, Ahmed Al-Atar, un adolescent de 17 ans, est assis dans un fauteuil roulant. Son père supplie Israël et le monde pour que quelqu'un se préoccupe de jambes artificielles pour son fils. Mohamed a été blessé lorsque la force aérienne a fait sauter à l'aide d'un missile la charrette tirée par un âne, sur laquelle il se déplaçait avec sa mère et son neveu pour aller cueillir des figues dans le verger familial, près de la mer. La mère et son petit-fils ont été tués sur le coup ; Mohamed a perdu les deux jambes. Cela aussi s'est passé au cour de l'opération « Pluies d'été » dont nul ne voit la fin et à laquelle personne en Israël ne porte le moindre intérêt ni ne demande quel est son objectif.
L'armée israélienne tue et tue encore, neuf membres de la famille Abou-Salmiya, deux membres de la famille Al-Atar. 11 des 212, dont une cinquantaine d'enfants et d'adolescents, tués depuis l'enlèvement de Gilad Shalit, fin juin, jusqu'à la fin du mois d'août.
Un terrain vide, dans le quartier Cheikh Redouane. Il y avait là une maison de deux étages. C'est maintenant un terrain. Ici, contrairement aux autres maisons détruites, on a déjà évacué les décombres. L'arrière de la maison avait été complètement démoli et la partie avant penchait de côté. Deux missiles. Mohamed et Awad dormaient à l'avant, du côté de la rue, les autres membres de la famille à l'arrière, où ils ont été tués. La plupart d'entre eux dormaient. Peut-être le père était-il le seul éveillé, avec l'homme recherché, Mohamed Deif. Personne ne sait, personne ne le dira. Il était trois heures du matin. Le voisin, Ibrahim Samour, était encore allé le soir avec le Dr Abou-Salmiya prier à la mosquée puis ils avaient bavardé un peu devant la maison. Il était neuf heures quand ils se sont quittés. Personne n'a vu Deif, évidemment. Au petit matin, les voisins terrorisés ont été réveillés par une puissante explosion immédiatement suivie par une seconde. Ils disent que le choc les a fait tomber de leur lit. Les maisons, ici, sont proches les unes des autres.
Dans un bureau loué au rez-de-chaussée de la maison adjacente et qui fait office de tribunal populaire pour la résolution des litiges au niveau du quartier, photo de Abdel Aziz Rantisi au mur avec, dessous, un distributeur d'eau israélien de la compagnie Eden, Abdallah Samour, un étudiant de 18 ans, raconte ce qui s'est passé chez les voisins. Les enfants rassemblés dehors portent le polo du camp d'été du Hamas et l'un d'entre eux un T-shirt avec Yassin.
Abdallah était allé dormir à minuit pour se réveiller à trois heures au bruit d'un avion. Il habite au troisième étage. C'était la nuit du 12 juillet, quelques heures avant que n'éclate la guerre au Liban. La détonation a fait voler Abdallah hors de son lit, les fenêtres ont volé en éclats et les portes sont sorties de leurs gonds. La maison a été envahie par la fumée de l'incendie de la maison des voisins. Les parents criaient aux enfants de fuir la maison. Dehors, Abdallah a vu la maison détruite et fumante de la famille voisine. Il les connaissait très bien. Le Dr Nabil et son épouse Salwa et tous les enfants des voisins avec lesquels il a grandi : Nasser, 6 ans, Aya, 7 ans, Ouda, 8 ans, Iman, 11 ans, Yihieh, 13 ans et Basma, 15 ans.
Il y avait aussi Soumiya, une fille de 12 ans handicapée, qu'une voiture spéciale venait chercher chaque jour pour l'amener à l'école spéciale qu'elle fréquentait. Elle aussi a été tuée. Abdallah avait encore rencontré Awad et Mohamed dans l'après-midi et ce sont justement les seuls rescapés. Cette nuit-là, Abdallah a dégagé les corps avec son père. Ils ont trouvé Awad, le corps roulé dans un tapis. Mohamed Deif ? « Je ne le connais pas du tout », dit-il. Dans les journaux, en Israël, on a pu lire que Deif avait été dégagé, blessé, des décombres et qu'il avait été emmené à l'hôpital Shifa. Selon les comptes-rendus, le véhicule de secours aurait lui aussi été touché par un missile tiré d'un avion.
L'oncle d'Abdallah, Ibrahim Samour, dit lui aussi n'avoir jamais vu Mohamed Deif et ne pas même savoir à quoi il ressemble. Il habite au deuxième étage. Mouataz, son fils de trois ans, a été légèrement blessé par des éclats, de même que son épouse. Il s'est empressé de les emmener à Shifa, pendant que la maison des voisins brûlait. Depuis lors, tous les enfants dorment dans la chambre des parents. Mouataz pleure dès qu'il entend un avion. « C'était un homme bien », dit-il de son voisin, le Dr Abou-Salmiya. « Il militait au Hamas mais pas dans la branche armée. C'était un professeur qui aidait ses voisins pauvres ». Il dit que lors de leur dernière conversation, en revenant de la mosquée, ils n'ont pas parlé de politique. Et Abou-Salmiya n'avait évidemment fait mention d'aucune rencontre devant avoir lieu pendant la nuit.
Le porte-parole de l'armée israélienne : « Lors d'une opération conjointe de la force aérienne et de la Sécurité générale [Shabak], une attaque a été menée le 12 juillet à l'aube contre une maison du nord de la Bande de Gaza. La maison servait de refuge à des militants importants de la branche armée du Hamas qui concevaient et lançaient des actions terroristes et des tirs de roquettes Qassam. Au moment où la maison a été touchée, ceux qui étaient présents s'occupaient de la poursuite de l'action militaire du Hamas. Parmi eux, il y avait aussi Mohamed Deif qui a été blessé sans qu'on sache le degré de gravité de ses blessures. »
On donne maintenant à cette rue sablonneuse le nom de Nabil Abou-Salmiya qui y a été tué. Avant que nous ne le quittions pour aller à l'hôpital afin de rencontrer les deux frères, Ibrahim Samour mentionne un autre nom : Nissim Mizrahi. Nissim Mizrahi de « Rosh Indiani » a fait faillite, laissant à l'atelier de couture d'Ibrahim, aux dires de celui-ci, une dette de 130 000 shekels [ 23 000 €]. L'atelier est maintenant fermé.
Ahmed Al-Atar est assis dans un fauteuil roulant, ses moignons de jambes encore pansés. La douleur le tourmente et il presse ses moignons pour la soulager. Le 24 juillet, Ahmed se rendait, comme chaque jour, avec sa mère et son neveu, au verger familial de figuiers, près de la mer, pour y cueillir des figues. C'était dans l'après-midi, aux alentours de trois heures, et ils avançaient lentement sur la charrette tirée par un âne. « Tout à coup, nous avons attrapé un missile », dit-il. « Après ça, je n'ai plus rien vu. Je me suis réveillé dans un hôpital et c'est alors qu'on m'a dit que maman et Nadi avaient été tués et que mes jambes avaient été coupées. »
Après trois jours passés à l'hôpital Shifa, il a été transféré à l'hôpital Ichilov de Tel Aviv mais là non plus, ils n'ont pas réussi à sauver ses jambes et elles ont été amputées entièrement. Il a aussi été brûlé à d'autres endroits du corps et à la tête, et les zones brûlées sont encore couvertes de pansements. Ahmed Al-Atar est un étudiant de 12e qui a épousé une jeune fille de 16 ans, Zeina, deux mois avant la tragédie. Sa mère, Hayariah, était âgée de 58 ans et son neveu Nadi, petit-fils de sa mère, avait 12 ans. Ahmed a appris que Nadi avait volé à des dizaines de mètres de la charrette et que le corps de Hayariah avait été déchiqueté, des suites du coup direct et précis à l'attelage.
Le porte-parole de l'armée israélienne : « Le matin du 24 juillet, deux tirs de roquettes Qassam ont été repérés comme provenant des abords de l'école d'agriculture de Beit Hanoun. Les deux roquettes ont été tirées en direction de Sderot et l'une d'elles est tombée à proximité d'une école de la ville. Plus tard dans la même journée, les forces de l'armée israélienne ont repéré deux terroristes qui arrivaient sur place et qui chargeaient les lanceurs de roquettes sur une charrette tirée par un âne. L'armée israélienne a exécuté un tir de précision vers le point où se trouvaient les terroristes et la charrette avec les lanceurs, et s'est assurée d'avoir bien atteint sa cible. Au moment du tir, ni femme adulte ni petit-fils n'ont été repéré sur la charrette. S'ils y étaient néanmoins, ce sont les organisations terroristes qui n'ont pas épargné leurs vies et qui se sont occupés d'opérations terroristes visant des civils d'Israël sous le couvert de personnes non impliquées, en les employant comme bouclier humain. »
Hayariah laisse derrière elle neuf enfants et une cinquantaine de petits-enfants. Elle était marchande sur le marché de Jebalya où elle vendait des produits de la ferme, figues, raisins, fraises et du fromage qu'elle faisait elle-même. Au mur est fixée une photo du cousin Mohamed, 23 ans, qui a été tué par la balle d'un soldat alors qu'il était à la fenêtre de sa maison, trois semaines exactement avant la tuerie de la grand-mère et du petit-fils. Sur la photo commémorative qui est accrochée dans la rue, ont voit le visage de Nadi avec, derrière lui, le chef assassiné du Front Populaire, Abou Ali Moustapha. Pourquoi le Front Populaire ? « Parce qu'ils ont procuré la nourriture pour la famille pendant les quatre jours de deuil », explique le père. Le dessin d'une rose rouge remplace la photo de Hayariah sur l'affiche. Ici, on ne donne pas à voir de photos de femmes, même après leur mort. On ne nous montrera pas non plus une photo de la fête du mariage d'Ahmed, pour que nous ne voyions pas sa jeune épouse.
Le père, qui s'appelle lui aussi Nadi, a appris la tragédie par la radio, alors qu'il était en ville. Ce matin, il est pour la première fois retourné pêcher avec son filet mais, de cinq heures du matin jusqu'à maintenant, il n'a pas pris le moindre poisson. Quelqu'un apporte une photo de la scène de la tragédie : un âne étendu mort sur le sable, en couverture du rapport hebdomadaire du Centre palestinien pour les Droits de l'Homme à Gaza, le rapport numéro 29 de l'année 2006. A l'arrière-plan de la photo, on voit une ambulance dans laquelle est étendu, apparemment, Ahmed, blessé, à moins que ce ne soit sa mère et son neveu, tués. Le cadavre de l'âne traîne dans le sable, au pied de la charrette. Dans le mille. Texte proposé par Assid


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