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ENQUÊTE : Des drogues dans les prisons marocaines
Publié dans La Gazette du Maroc le 27 - 10 - 2007

Une règle universelle dans le monde carcéral voudrait que la drogue soit le meilleur allié contre la captivité. Selon une enquête de l'OMS réalisée en 2006, on consomme plus de drogue dans les prisons qu'en liberté. Facile à comprendre : pour pallier la liberté, il faut annihiler la conscience du moment. Là aussi de nombreuses études psychiatriques réalisées dans pas moins de 120 prisons aux quatre coins du monde, révèlent que les drogues agissent comme un anesthésiant contre la perte de la liberté. Au Maroc, la règle est simple et les drogues sont aussi des plus basiques, avec quelques variations sur le thème de l'ivresse bon marché. Haschich, Karkoubi, antidépresseurs, anxiolytiques, Maâjoune, Kif, alcool à brûler, vin rouge, bière, whisky, Gin, Vodka et Mahia pour les plus nantis. Dans plusieurs prisons marocaines, le trafic est bien organisé. Les familles des détenus y participent, souvent avec la complicité de quelques gardiens ou même de hauts gradés, à qui l'on graisse la patte. Pratiques courantes étayées par des gardiens que nous avons rencontrés, des familles de prisonniers et d'ex-détenus.
C'est une ènième tentative d'introduction de drogue dans la prison civile d'Aït Melloul à Agadir qui vient d'être avortée par le gardien ce mercredi 24 octobre. Une femme qui tentait d'introduire plus d'un 500 g de hachich à la demande d'un membre de sa famille. Le phénomène est désormais classique. Ce n'est pas un phénomène nouveau, mais les drogues dans les prisons marocaines existent depuis que la notion d'incarcération existe. Et c'est là aussi un fait normal, voire banal. Reste que dans les rouages des trafics de drogues dans le milieu carcéral marocain, il y a les à-côtés. Abus de pouvoir, maffia à petite échelle, gangs, trafic d'influence, coups fourrés, vengeance, crimes et dégâts collatéraux?: «il n'y a pas que le trafic, la vente de haschich, du karkoubi et même de l'alcool, il y a aussi des bandes qui se forment et qui se font la guerre. Et là, notre travail en tant que gardien prend très vite d'autres tournures. On rend compte de la situation, on entre dans une guerre ouverte avec des criminels qui n'ont rien à perdre et jurent de faire la peau aux matons, ou on ferme les yeux, et là, nous sommes à la merci des salopards. Je ne dis pas que je suis plus honnête qu'un autre. Je veux juste que l'on comprenne qu'à l'intérieur, c'est pire et plus dégueulasse que dehors. Ici, les codes changent et la vie n'a pas beaucoup de valeur». A. S est un gardien qui a déjà derrière lui quinze ans de métier. À Oukacha où il bosse depuis plusieurs années, il en a vu de toutes les couleurs. Grâce à son concours, nous avons pu rencontrer d'autres gardiens, ces fameux matons, qui ont accepté de témoigner à visage couvert pour illustrer la vie dans les prisons marocaines.
«J'ai vendu du haschich en prison durant mes deux années d'incarcération à Casablanca. J'ai d'ailleurs été arrêté pour trafic et détention de stupéfiants. Ce n'était pas là ma première affaire, j'en ai eu d'autres où j'ai séjourné au pénitencier d'El Ader, près d'El Jadida et à Aïn Ali Moumen, pas loin de Settat. Je savais comment les choses se déroulaient. Il suffit d'avoir deux ou trois appuis de l'intérieur et les choses peuvent marcher sans problème. Le haschich arrivait de l'extérieur et je le liquidais à l'intérieur avec la complicité des gardiens qui avaient leur paie chaque semaine. Ni vu, ni connu. À Oukacha, j'ai dealé durant deux ans et je me suis refait une santé. Il suffit d'avoir l'oeil dans une prison, et ce n'est pas donné à tout le monde.» Idriss est un récalcitrant. Ecroué pour trafic de stupéfiants, au moins six fois, il a toujours fait fructifier ses mois de détention. Et selon lui : «il vaut mieux vendre en prison que dehors. On contrôle mieux, même si les mouchards pullulent partout, mais la protection des gardiens est un atout solide». Depuis sa sortie en 2004, il n'a pas revu le trou, mais cela ne saurait tarder, Idriss vit et respire pour la vente de haschich. C'est tout ce qu'il sait faire. Natif d'un Douar en plein centre de la métropole (douar célèbre pour son pourcentage de trafiquants notoires), il a écumé des zones comme Derb Moulay Chérif, Sidi Moumen, Fouarat, Hakam et autres Mabrouka. Son diagnostic est infaillible?: «il y a ceux qui se lancent dans le trafic sans le savoir. Et il y a ceux qui savent comment s'y prendre. Les consommateurs sont nombreux en prison. Presque tout le monde fume et avale des pilules. C'est connu. Même ceux qui ne fument pas, deviennent accros aux joints et au kif. Tout le monde le sait. Mais pour vendre en prison, il faut avoir une bonne couverture. D'abord à l'entrée, il faut que les sacs de la semaine passent sans être fouillés. Puis dans le parloir, il faut aussi avoir deux matons de ton côté. Dans le quartier, c'est à toi de gérer avec le responsable du pavillon, les autres matons, et les autres sous-directeurs. C'est toute une organisation à mettre en place». Idriss raconte les déboires de tant d'autres détenus qui ont fait plonger leurs parents dans des galères parce qu'ils n'avaient pas le coup de main qu'il fallait : «Imagine que ta femme ou ta mère fasse passer 25 grammes de haschich dans le pain ou n'importe quel autre aliment. Si elle est coincée, tu feras quelques mois de plus et ta mère aussi. Et c'est arrivé au moins cent fois en prison». Mais pour que les affaires tournent sans encombre, il faut faire une étude du marché, avoir fait le tour des probabilités de réussite et d'échec, choisir les bons associés et surtout être né dans l'acier. «Il y a des gardiens qui vivent de ce trafic et il y a ceux qui refusent ce type de complicité. Comme partout, il y a des fils de pute et des gens bien. Mais ceux qui participent aux trafics en prison savent avec qui il faut s'associer. Parfois, ce sont quelques gardiens qui te choisissent pour le business».
Les techniques du trafic
Khadija est une jeune femme qui a vécu un gros drame dans sa vie. Un jour, elle a cédé devant l'insistance et le désespoir d'un frère, détenu pour détention de haschich. Elle accepte de lui ramener lors d'une visite, de quoi tenir le cap durant quelques nuits dans la chambrée. Lors des fouilles, un gardien démasque la jeune femme. Elle sera poursuivie et transférée devant le juge pour trafic de stupéfiants et fera de la prison durant quatre mois. Le frère passera deux mois supplémentaires et Khadija se voit répudiée par son mari. Un véritable drame qui résume à la fois la connerie des uns, la faiblesse des autres et les rouages d'un système très rôdé où il faut savoir comment gérer les impondérables. Si Khadija s'est fait prendre, d'autres hommes, femmes, jeunes, moins jeunes savent à qui il faut s'adresser, dans quelle main mettre le billet de vingt dirhams et où cacher la drogue. B.K, un gardien de la prison centrale de Kénitra, résume bien la situation : «Les familles finissent par avoir des repères. Et cela va dans les deux sens. Les gardiens qui trafiquent savent à qui il faut s'adresser et les familles misent sur quelques têtes. Parfois, cela opère, des fois, il y a des surprises. Mais généralement, il y a des gardiens qui te disent où il faut cacher le haschich, le Karkoubi et même le vin. Il suffit de suivre les recommandations à la lettre, et il n'y a pas de pépin». Comme pour toutes les magouilles, on se donne rendez-vous dehors. On briffe le membre de la famille supposé au sale boulot, et on conclut l'affaire. On se présente, genre un mardi matin, il y a un gardien devant la porte à qui il faut donner ce qu'il faut, puis un autre lors des fouilles des sacs de provisions. Quand on passe ces deux passerelles, il reste le parloir. Là, il y a généralement deux types ou même trois qui font le va-et-vient, une espèce de guet pour surveiller les magouilles.
On glisse le billet en faisant passer les sacs par l'ouverture en bas du mur qui sépare les deux bords du parloir, et le tour est joué. Mais ce n'est pas tout. «À l'intérieur, quand la visite est terminée, on passe par d'autres fouilles. Et là, il faut ouvrir l'oeil. Si on tombe sur un type qui ne joue pas le jeu, on est cuit, si on a bien négocié le coup avant la visite, on passe comme une lettre à la poste. Une fois dans la chambrée, on fait attention pour que les mouchards ne te vendent pas en flagrant délit. Les choses finissent par se savoir, mais ce n'est pas bon de se faire prendre les sacs pleins le premier jour. Il faut avoir suffisamment de temps pour distribuer la marchandise et assurer sa liquidation totale. Sans jamais garder une miette sur soi, ni dans les sacs, ni sur la couchette, ni dans les affaires. Le vide complet et un bon bizness en prison est celui qui ne fume pas et ne prend aucune drogue. »
On le comprend bien, mieux vaut avoir toute sa tête pour garer la tension. Une ciboulette dans les vapeurs éthérées de la drogue est un danger ambulant pour tous.
C'est ce qui fait dire à notre gardien que jamais les matons ne peuvent travailler avec des drogués en prison. «C'est suicidaire. Ils sont nombreux, les gardiens qui ont été saqués à cause d'une mauvaise association. C'est archi-connu, demandez à qui vous voulez, à Oukacha, à El Ader, à Salé, c'est arrivé plusieurs fois. Non, la règle d'or est de bosser avec des gens qui font des affaires et qui ne sont pas faibles devant la drogue».
Normal, un camé est un poison pour tout le monde et les matons connaissent tellement la nature et les variations humaines que jamais ils ne mettent leurs destins entre les mains d'un type sujet à la dépendance, sauf celle du fric. «Un autre moyen pour ne pas se faire prendre en prison est de choisir deux ou trois types pour vendre la marchandise à ta place. Les meilleurs bizness de la prison fonctionnent de la sorte. C'est plus sûr et jamais, on ne peut remonter au chef, malgré les aveux et tout le baratin. En prison, pour que l'on te coffre pour détention et trafic de drogue, il faut qu'on en trouve sur toi. Les témoignages ne valent rien».
Et ce n'est que justice, puisque les directions dans les pénitenciers savent que la prison est le meilleur milieu pour les règlements de comptes, les pièges, la délation mensongère, les coups bas, la vengeance et autres dérives humaines.
Comment la drogue entre en prison ?
Les technicités sont multiples. Mais de l'avis de plusieurs gardiens que nous avons rencontrés, il y a des basiques, les incontournables de la «passation des drogues» en milieu carcéral. S.B. de la prison d'Oukacha revient sur quelques classiques du genre?: «C'est simple, le plus commun, c'est le haschich dans le pain. Les familles font du pain traditionnel et fourrent quelques morceaux mis sous cellophane à l'intérieur dans la mie. J'en ai trouvé à plusieurs reprises. Et combien de fois, j'ai évité la merde à des femmes qui pleuraient à chaudes larmes quand elles ont été prises. Des fois, on trouve le haschich, on le prend et on leur fait savoir qu'on a tout découvert et que cela tient lieu d'avertissement. On trouve du Karkoubi dans la bouffe, un tagine de poulet où l'on fourre un petit sac en plastic rempli de pilules avec la farce. Des fois, on casse le poulet en deux, des fois, non. Mais il arrive que l'on trouve de la drogue. D'autres ont recours à des méthodes plus sophistiquées. Parfois, on a dû mettre la main dans un plat de couscous bouillant pour vérifier si on n'a pas dissimulé de la drogue au fond. On en a trouvé, et pas une fois. D'autres mettent le haschich sous cellophane dans des boîtes de lait. Ils ouvrent, remplissent, et recousent avec du fil de nylon très fin. Ils ont recours à des machines de confection, on le sait. D'autres mettent la drogue dans du Lben, des gâteaux marocains, de la harira chaude, les boîtes de sardines ou d'autres conserves, d'autres dans les légumes. Une fois, j'ai trouvé deux sachets de Karkoubi dans de la pomme de terre. C'est inimaginable, ce que l'on peut voir ici. Chacun y va de son savoir. Des fois, on tombe dessus, mais souvent, on rate le coup. Autrement, comment expliquer la vente de haschich et de Karkoubi en prison ? Non, les astuces sont nombreuses, et on ne les connaît pas toutes». D'autres gardiens parlent de plats sophistiqués comme une pastilla truffée de plaques de haschich. On a même tenté de faire passer de la drogue dans les fringues d'un nouveau-né qu'on a voulu, soi-disant, présenter à son oncle ou son père lors d'une visite privée. D'ailleurs, tout se monnaie en prison, même les visites dites privées. Et celles-ci qui ne coûtent pas bonbon, facilitent beaucoup les choses : « Les gens se touchent, se prennent dans les bras, ils ont tout le temps de faire passer des choses. On le sait, mais souvent ce sont d'autres gradés qui entrent en jeu. On le sait, mais ce ne sont pas nos affaires ». Quoi qu'il en soit, selon les témoignages d'au moins une bonne douzaine de gardiens, il n'y a pas une seule prison au Maroc qui n'ait pas son lot d'histoires de passage de drogues. «Nous avons des amis qui travaillent dans d'autres prisons, à Safi, à Salé, à Tanger, et ce qu'ils racontent est parfois surprenant. Au-delà de la drogue, on a même tenté de faire passer des couteaux, des tournevis, des radios et mêmes de petits postes de télévision. Des réchauds aussi pour faire cuire la marmite. Tout a un prix en prison, un surplus de cigarettes et même de l'argent en espèces qui, souvent, transitent par les parloirs. Il y a des télévisions, des postes de radio, des walkmans, des cassettes et tout le bazar, mais les couteaux de boucher, cela est plus dangereux, et des fois, cela nous échappe, comme tant d'autres choses ». Les plus courants des drogues restent le haschich et le Karkoubi. Ce sont les plus demandés. Mais il y a l'attirail qui va avec. Le trafic des feuilles à rouler, le zigzag et autres marques, qui, souvent, font la richesse de quelques malins.
Et l'alcool dans tout ça ?
Là, nous sommes dans une autre sphère de trafic et de magouilles. C'est une chose de faire passer quelques grammes de haschich et quelques plaques de Karkoubi. Souvent, les odeurs sont calfeutrées dans du cellophane, mais de la bière, quelques litres de vin rouge, blanc ou rosé (selon les goûts des uns et des autres), un whisky, du Gin, de la Vodka, du Pastis ou de la Mahia, les odeurs sont difficiles à contrôler. Ce qui explique d'autres technicités, toujours mâtinées de quelques grandes complicités. «J'ai vu du vin dans quelques quartiers à Oukacha. Le quartier européen, par exemple, ou d'autres quartiers où il y a des gens plus riches, incarcérés pour des affaires de sous. Ils se débrouillent avec quelques gardiens pour avoir leurs bouteilles chaque jour. C'est plus compliqué, mais c'est courant. », explique H. B. maton à Oukacha. On raconte que pour certains clients, il y a des traitements très spéciaux. Bouffe spéciale, arrosée de bon vin, l'apéro chaque soir et des fois, quelques fêtes bien dosées. Il suffit d'y mettre le prix. On parle même de certains riches prisonniers qui commandent des plats dans des restaurants casablancais, qui leur sont livrés avec les honneurs. «Oui, tout peut exister. N'attendez pas de moi de vous dire qui le fait, qui commande et où, c'est vous le journaliste, mais on le sait. Il y a des prisonniers qui vivent comme chez eux. Ils ont tout ce qu'ils veulent. J'ai même entendu dire qu'il y a des types qui reçoivent des filles dans le cadre de la visite conjugale. On entend des tas de choses. Certaines sont vraies, d'autres fausses, mais pour la nourriture commandée dans un resto à Casablanca, c'est vrai, avec le vin et tout le reste». Mais le traitement de l'alcool n'est pas celui du haschich. Pour un travail dur, le tarif est plus conséquent. Là, non plus, le gardien n'infirme pas : «Bien sûr que si tu fais passer un litre de vin ou de whisky, tu prends de gros risques. Il faut bien que le jeu en vaille la chandelle. Le prisonnier le sait, le maton aussi, et le reste suit. Ce qui fait que la bouteille de rouge revient dix fois plus cher, mais c'est la loi de la prison. Chaque chose a un prix, et les tarifs de la détention sont différents ». Autrement dit, le paysage économique carcéral a des lois et des marchés qui obéissent à des règles qui défient les schémas habituels du négoce.
D'autres clients veulent avoir des extras, en dehors du haschich ou du maâjoune. Un bon verre de mahia ou de bière. On le demande à l'épouse qui le sert dans une boîte de lait, mais souvent, elle se fait pincer. Le traitement équivaut à celui du passage des autres drogues : «J'ai trouvé de la mahia mélangée à de la limonade dans une bouteille en plastique. Du vin blanc à la place d'une limonade, et même du whisky avec du coca. On ose tout en prison jusqu'au jour où l'on se fait prendre ». Et tout ce marché parallèle fait vivre des tas de gens. Ceux qui vendent et trafiquent, les quelques gardiens qui se sucrent sur les magouilles des autres, certains gradés, mais souvent quand le pot aux roses est découvert, seul le prisonnier et sa famille trinquent.


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