« La préparation de la loi de finances 2026 s'effectue dans un environnement particulièrement complexe tant sur le plan international que national », explique l'économiste Mohamed Jadri. Il précise qu'au niveau international, la visibilité reste faible, et le contexte mondial est marqué par des conflits et tensions à divers endroits. À cela s'ajoute une nouvelle guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine, qui impacte l'économie globale. Par ailleurs, la croissance de l'Union européenne, principal partenaire commercial du Maroc, reste faible, oscillant entre 1 et 2 %, ce qui limite la demande adressée à l'économie marocaine. Sur le plan national, Jadri note que des mouvements sociaux interpellent sur des besoins fondamentaux : l'amélioration de l'éducation, l'accès aux soins et la lutte contre la corruption. À cela s'ajoute le message fort du Roi, lors du discours du 30 juillet à l'occasion de la fête du Trône, rappelant l'urgence de dépasser le modèle d'un Maroc à deux vitesses et de préparer une supervision stratégique vers 2035. Dans ce contexte, Il faut également tenir compte que cette année marque la dernière étape du mandat du gouvernement en place, qui doit accélérer la mise en œuvre des engagements du programme gouvernemental 2021-2026. Priorités sociales Le PLF 2026 se distingue par sa forte coloration sociale, plaçant la Santé et l'Education au sommet des priorités. Une enveloppe historique de 140 milliards de dirhams est prévue pour ces deux secteurs, et près de 37 000 postes budgétaires seront créés, dont 13 000 pour le ministère de l'Intérieur, 8 000 pour la Santé et 5 500 pour la Défense nationale. Mohamed Jadri souligne l'importance de ce choix stratégique : « L'économie marocaine fait face aujourd'hui à de nombreuses contraintes, tant sur le plan international que national. Les besoins sociaux, notamment l'amélioration de l'éducation et l'accès aux soins, sont cruciaux pour répondre aux attentes de la population. » Des investissements massifs pour une croissance soutenue Le PLF 2026 prévoit un niveau d'investissement public record de 380 milliards de dirhams, mobilisé pour financer grands projets d'infrastructure et programmes territoriaux intégrés. Sur l'efficacité des investissements publics, Jadri précise : « Pour un point de croissance, le Maroc mobilise actuellement près de 10 à 11 % du PIB, alors que des pays comparables comme l'Egypte n'en mobilisent que 3 %, ce qui souligne la nécessité de mieux calibrer l'efficacité de nos investissements. » Il insiste également sur l'importance de l'investissement dans les services sociaux : « Pour l'éducation et la santé, le budget atteindra 140 milliards de dirhams — près de 15 milliards de dollars — ce qui est énorme pour une économie comme celle du Maroc. » Réduire les disparités territoriales Le PLF 2026 consacre 20 milliards de dirhams pour soutenir le développement économique des régions reculées et des zones rurales, en accompagnant les coopératives, associations et collectivités locales. Ces programmes visent à réduire le déséquilibre entre un Maroc urbain dynamique et le Maroc profond encore en retrait. Jadri explique : « Certaines régions contribuent fortement à la création de richesse et d'emplois, mais le Maroc profond reste en retrait. Le PLF prévoit des programmes territoriaux intégrés, pilotés par le ministère de l'Intérieur, pour renforcer le tissu économique local et créer de la valeur ajoutée. » L'économiste affirme qu'aujourd'hui, les agrégats macroéconomiques sont favorables : le déficit budgétaire est passé de 5,5 % en 2021 à 3 % prévu en 2026, l'inflation reste maîtrisée entre 1 et 2 %, et l'endettement est en recul. Mais pour atteindre les ambitions du Nouveau Modèle de Développement et la vision 2035 — doubler le PIB pour atteindre 260 milliards de dollars, soit 16 000 dollars par habitant — il est indispensable, selon lui, de créer davantage de richesse et de réduire les inégalités territoriales. Consolidation de l'Etat social et aides aux ménages Le projet de loi prévoit la généralisation des pensions de retraite, l'instauration de l'indemnité de chômage, ainsi qu'une augmentation progressive de l'aide directe aux ménages. « L'aide directe contribue à soutenir la demande intérieure. L'augmentation prévue entre 50 et 100 dirhams en 2025 sera reportée en 2026 pour assurer un impact maximal », précise Jadri. Le PLF 2026 maintient également le soutien à l'acquisition du logement principal et le financement des infrastructures routières, afin de désenclaver les territoires et renforcer la cohésion sociale et économique. Enfin, le PLF 2026 s'attaque aux réformes structurelles : modernisation de la LOLF, restructuration des Etablissements et Entreprises Publics, et extension de la retenue à la source au secteur privé. Ces mesures visent à améliorer la gouvernance, la performance des entreprises publiques et l'efficacité du système fiscal.