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«Le système n'a plus besoin des pauvres»
Publié dans La Gazette du Maroc le 03 - 10 - 2008

Larabi Jaidi, économiste dirigeant du Centre marocain de conjoncture et cadre USFP, est l'un des commentateurs les plus respectés de l'actualité économique. Dans cette interview, l'analyste insiste sur la centralité de la démocratie.
La Gazette du Maroc : Pensez-vous que les plans mis en place par les différents pays réussiront à endiguer la crise ?
Larabi Jaidi : Face à l'aggravation de la crise issue des subprimes, l'administration Bush avait annoncé qu'elle envisageait de créer une structure de cantonnement de l'ensemble des actifs à risques inscrits au bilan des banques américaines. L'idée d'un tel projet avait été évoquée dès l'automne 2007, mais, elle avait été très mal accueillie par les milieux financiers, qui s'étaient inquiétés de la création d'une « bad bank », assimilée à une poubelle. Conscients qu'il fallait frapper plus fort, et s'attaquer aux racines du mal ; le Trésor américain et la Réserve fédérale (Fed) ont donc décidé de soumettre au Congrès, l'idée d'une prise en charge publique des créances douteuses du secteur bancaire. Le rejet du Plan par le Congrès tend à créditer l'idée que ces plans ne sont pas le moyen idéal pour s'attaquer aux problèmes des actifs non liquides dans les bilans des banques, qui sont la source profonde des tensions actuelles des institutions financières sur les marchés financiers. La création d'une structure dédiée à cette mission de sauvetage, avait déjà été expérimentée aux Etats-Unis lors de la crise des Caisses d'épargne américaines à la fin des années 1980. Elle s'était traduite par des pertes pour les finances publiques. Dans le cas de la crise des subprimes, les montants en jeu risquaient d'être beaucoup plus élevés. Au delà des difficultés techniques que présente l'élaboration d'un tel plan, c'est la taille de la structure qui risque de poser problème. Comment le budget américain sera-t-il en mesure d'absorber ce choc ? Le crédit du Trésor américain ne risque-t-il pas d'en être affecté, avec tous les problèmes que cela pourrait poser en termes de financement des comptes extérieurs pour les Etats-Unis ? Ce sont ces questions qui ont conduit le Congrès à exprimer son refus d'une telle démarche. Il faut réfléchir et agir plus en profondeur. Dans cette crise, les agences de notation sont sur la sellette. De simples intermédiaires, les agences de notation, sont ainsi devenues des quasi-régulateurs de la titrisation et des produits structurés, alors même qu'elles pouvaient être sujettes à des conflits d'intérêt entre les émetteurs, leurs clients, qui supportent le coût de cette notation, et les investisseurs, utilisateurs des notations. Les autorités publiques doivent se pencher sur leur rôle.
Par ailleurs, depuis quelques années, les banques ont développé des structures hors bilan. Leur particularité est de se situer hors du champ d'intervention de la régulation et donc, ne pas être soumis aux normes comptables de consolidation. Les superviseurs devront réfléchir à la prise en compte éventuelle de ces véhicules dans le périmètre des banques, pour le calcul des exigences en fonds propres. Dans ce contexte, les banques centrales ont su diversifier leurs instruments, renforcer leur coordination, améliorer leur capacité à agir de manière souple et flexible. Mais la crise a montré la nécessité de renforcer encore plus leur capacité dans ces domaines et à réagir plus rapidement.
Qu'en est-il du système bancaire marocain ?
Le niveau des créances en souffrance du système bancaire est relativement élevé et une proportion importante de leur encours appartient à la dernière catégorie prévue dans les règles de classification et est, dans une large mesure, irrécouvrable. Ce niveau de créances n'est pas entièrement attribuable à la détérioration de la qualité de ces actifs, car elle traduit en partie le renforcement des règles de classification introduites en 1993, dont la mise en application s'est poursuivie depuis cette date. Afin de se conformer à ces nouvelles règles, les banques commerciales ont sensiblement augmenté leurs provisions. La BAM a procédé à une importante rénovation du cadre réglementaire en adoptant les règles reconnues à l'échelle internationale. L'exposition actuelle des banques marocaines au risque de liquidité, est relativement limitée et l'expansion du crédit au cours des années récentes a été modérée. Les banques sont soumises à un coefficient de liquidité minimum et doivent également maintenir une réserve monétaire sous forme de dépôts non rémunérés auprès de la BAM. Le portefeuille des valeurs du Trésor des banques marocaines ne constitue pas une source importante et constante de liquidités. Dans l'ensemble, les banques commerciales ont une faible vulnérabilité immédiate aux fluctuations à court terme des taux d'intérêt. Il est évident en contrepartie que, vu l'importance des dépôts à vue dont le rendement implicite augmente avec la hausse des taux, la marge nette des banques résultant des produits et des charges d'intérêt diminuera sensiblement dans un contexte de baisse continue des taux d'intérêt, alors qu'elle augmentera dans la situation inverse. L'exposition au risque de change des banques marocaines est limitée, moins de 2% des crédits et dépôts bancaires étant libellés en devises.
Partout on fait appel à l'Etat, quel rôle voyez-vous a celui-ci dans l'après crise ?
Le rôle de l'Etat est encore plus significatif à l'intersection de l'espace national et de l'espace transnational. En dépit de tous les écrits récents, nous continuons à vivre (heureusement) dans un monde d'Etats nationaux chargés de protéger les intérêts de leurs citoyens. Plus l'économie mondiale est soumise aux agissements d'entreprises transnationales et d'opérateurs sur les marchés financiers échappant à tout contrôle, plus les responsabilités des Etats augmentent : ils doivent s'atteler à la double tâche d'amortir les impacts négatifs de la mondialisation et de saisir les occasions qu'elle offre. En parallèle, il faut repenser le système international, de plus en plus déséquilibré au profit des institutions de Bretton Woods (Banque mondiale et Fonds monétaire international) et de l'Organisation mondiale du commerce, au détriment du système onusien. Ce dernier, sans qu'on se fasse pour autant d'illusions sur son efficacité actuelle, demande à être renforcé et réorienté vers ses fonctions essentielles de maintien de la paix et de promotion du développement. L'échec des négociations menées dans le passé en vue d'un nouvel ordre économique international doit être interprété comme une incitation à chercher des solutions nouvelles à des problèmes de plus en plus aigus : l'absence de régulation efficace des marchés financiers et des marchés de matières premières, la réduction de plus en plus scandaleuse de l'aide internationale en faveur d'un financement automatique du système onusien, pour n'en citer que quelques-uns.
Aujourd'hui, l'idée a fait son chemin : il n'y a pas de lien direct entre l'étendue de l'Etat en tant qu'employeur et l'efficacité de son action, eu égard aux buts qu'il peut se fixer. Construire un Etat stratège et régulateur, qui produit peu mais réfléchit beaucoup, est devenu l'objectif. Mais ce recentrage des missions de l'Etat répond aussi à la pression de l'idéologie du libéralisme économique, qui veut réduire la place de l'Etat au profit du secteur privé et limiter le poids des prélèvements obligatoires. Une évolution qui, au nom de l'efficacité, des bienfaits supposés de la concurrence, conduit souvent à oublier ce que doivent être les missions du service public. Or, la privatisation générale des activités publiques, si elle ne s'accompagne pas d'un renforcement du pouvoir de l'Etat régulateur, est toujours un facteur d'accroissement des inégalités, qui menace la cohésion sociale, que ce soit dans le domaine de l'Education, de la Santé ou des Retraites.
En outre, le monopole public n'est pas toujours la pire façon de délivrer un service.... Au fond, face au choix qui consiste à confier une mission à une structure privée plutôt qu'à une structure publique, la collectivité se trouve dans la même position qu'une entreprise qui doit décider de faire ou de faire faire. Il n'existe pas de réponse toute faite à ce dilemme. Il demeure plus que jamais possible de défendre un haut niveau de dépenses collectives, pour autant que les contreparties sont au rendez-vous. Il ne s'agit certainement pas de réhabiliter un étatisme outrancier et souvent corrompu, se traduisant dans les faits par la privatisation de l'Etat mis au service d'intérêts particuliers. La lutte contre le néopatrimonialisme est inséparable de la démocratisation du régime politique. Il faut résister à la tentation autoritaire suggérée par la croissance forte de certains pays dotés de régimes antidémocratiques. La démocratie est une valeur fondamentale à la lumière des expériences tragiques des totalitarismes qui ont ensanglanté notre siècle. De surcroît, elle est au coeur de la notion même de développement, que l'on peut exprimer en termes d'appropriation effective de tous les droits de l'homme par l'ensemble de l'humanité : droits politiques, civils, mais aussi économiques, sociaux et culturels. Ainsi défini, le développement se confond avec l'élargissement de la démocratie.
Votre engagement à gauche est connu, pensez-vous que le débat sur la cohésion sociale, la redistribution soit d'actualité ?
Le nouveau commence dans l'état où le siècle dernier s'est achevé : dans le scandale du mal-développement. Portée par un puissant courant d'innovations techniques, la production mondiale connaît depuis plus d'un demi-siècle une croissance supérieure à celle de la population. Le niveau atteint permettrait aisément d'assurer des conditions de vie raisonnables à chaque habitant de la planète si les conditions de partage étaient équitables. Mais, au contraire, la croissance se fait dans l'inégalité et par l'inégalité. On estime qu'environ un milliard d'habitants de la planète vit dans un confort sans précédent et qu'un autre milliard est relégué dans une pauvreté et une violence que les riches ont du mal à imaginer. Les autres, c'est-à-dire près de quatre milliards d'hommes, vivent à un niveau proche du seuil de pauvreté. Mais si un gouffre continue à séparer le Nord du Sud, les pays nantis des pays pauvres, la ligne de partage entre le Nord et le Sud traverse toutes les sociétés : il y a un Nord dans le Sud -la minorité riche vivant dans un luxe hollywoodien -, mais aussi, un Sud dans le Nord. Les exclus, les chômeurs et nos nouveaux pauvres se comptent par millions. Le système n'a plus besoin d'eux. Il faut faire de la distribution des revenus et de l'emploi les points d'entrée dans la stratégie du développement plutôt que de les considérer comme les résultantes d'un processus axé sur la maximisation de la croissance et des profits. Horst Mahler, ancien directeur général de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), avait raison de s'insurger contre la primauté de l'économique et la poursuite incontrôlée du profit sans égard pour les coûts humains : « Si vous évaluez le succès sur la seule base de l'économie pure et dure, alors tuez les vieux, tuez les faibles, tuez les invalides. Débarrassez-vous de la pathologie sociale en éliminant ses victimes !». La correction après-coup par la redistribution d'une partie du revenu, nécessaire pour assister les laissés-pour-compte, ne saurait suffire à rééquilibrer le système. Il n'est pas question de nier le rôle et l'importance des filets de sécurité sociale. Cependant, aussi longtemps que la distribution primaire inscrite dans le mode de production ne sera pas corrigée, l'aide aux exclus, de plus en plus nombreux, constituera un véritable travail de Sisyphe. Le paradigme social-démocrate n'a vraiment fonctionné d'une façon satisfaisante que dans les conditions d'une croissance rapide et de plein-emploi. Or, ces conditions ne sont plus satisfaites et il y a peu de chances qu'elles soient rétablies dans un avenir proche, à moins de s'engager résolument dans la recherche de nouvelles voies de développement. ■


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