On l'attend comme d'autres attendent Godot : il s'agit de l'instauration de l'Assurance maladie obligatoire, projet qui n'en finit pas de mûrir dans les cerveaux de nos stratèges. Ceci sur fond de malaise au sein de la CNSS, à l'heure où les espoirs d'un monde meilleur, attentif à la détresse des plus démunis, n'ont jamais été aussi forts. Un monde où le mot “solidarité” est enfin sorti des dictionnaires pour investir la place publique. Ici et maintenant. Triste constat : au Maroc, les personnes à revenu limité, comme on les appelle dans les documents officiels, c'est-à-dire les plus démunis, n'ont peu ou pas accès à la santé. Un simple coup d'œil sur les chiffres suffit pour comprendre : la dépense globale réservée à la santé plafonne péniblement à 4,5 % du PIB et à 5% du budget général de l'Etat quand, parallèlement, la contribution des ménages représente 59% de la consommation médicale, alors que l'Assurance maladie ne touche que 16% de la population. L'injustice est flagrante : habitants des villes ou des campagnes, artisans, ouvriers ou agriculteurs, ils sont légion ceux pour qui l'accès aux soins demeure une oasis improbable, voire inaccessible. Il y a donc urgence. Il est grand temps que ce qui, à l'évidence, est l'un des tout premiers droits de l'Homme soit enfin respecté. Sinon, inutile de tirer des plans sur la comète et de parier sur un développement durable. Oui, il y a urgence pour l'Etat de jeter les bases d'une politique sanitaire équitable. Ne désespérons pas : l'Assurance maladie obligatoire, élément fondamental du plan de développement économique et social 2000-2004, devrait bientôt être instaurée dans notre pays, un projet de loi étant en passe d'être concrétisé comme l'a affirmé à “ La Gazette du Maroc ”, Abdeljalil Greft Alami, membre du comité d'experts chargé du dossier. Il s'appuie sur une vision à long terme, s'appuyant sur deux principes fondamentaux, deux mots qui ne nous ont pas été jusqu'à présent très familiers : la solidarité et l'équité. Une couverture médicale pour tous Solidarité, parce que les besoins fondamentaux des citoyens en matière de santé doivent être pris en charge collectivement, notamment par le secteur public. Le projet de loi, qui devrait être bientôt soumis au Parlement, propose en effet « l'instauration d'un système d'assistance médicale en faveur des plus démunis» et «déterminera les sources de financement de ce système, ainsi que les modalités de sa gestion». Ce qui devrait garantir la gratuité totale ou partielle des soins médicaux dans les établissements publics et une plus grande égalité des citoyens devant le droit à la santé. En instituant ainsi un ou plusieurs systèmes d'assurance maladie, ayant chacun leurs spécificités, mais reposant sur des principes et des bases communs, le gouvernement entend contribuer à l'indispensable lutte contre la pauvreté. Ainsi, grâce au système de cotisations obligatoires, la communauté prendra-t-elle en charge le financement de l'assurance maladie. Ce qui n'empêchera pas pour autant les citoyens de compléter leur couverture en ayant recours à des assurances privées ou des mutuelles. Progressivement, ce seront toutes les couches socio-professionnelles, et pas seulement les salariés et les retraités, qui bénéficieront de cette couverture médicale. Bien entendu, cela doit s'accompagner, pour éviter tout dérapage, de la création d'un organisme de contrôle. La gestion des ressources du système de l'assistance médicale serait donc confiée à une Agence nationale d'assurance sanitaire. Même si on ignore encore aujourd'hui qui, de la Mutualité, des assurances privées ou de la CNSS (hypothèse la plus probable), aura la responsabilité de cette gestion, il n'en demeure pas moins que la volonté du gouvernement de jeter les bases d'un véritable système de santé équitable et généralisé est indéniable. Un pas en avant considérable A. Youssoufi, dans la note de présentation du 6 décembre 2001, n'affirmait-il pas lui-même que la solidarité pour tous est l'affaire de tous ? «C'est une promesse, affirmait-il en substance, que nous faisons aux citoyens de ce pays, et qui sera présentée devant les deux chambres du Parlement. Un grand pas dans la réalisation du programme de développement économique et social sera ainsi franchi, en accord avec les engagements pris avec nos partenaires de l'Union européenne, de la Banque arabe de développement et de la Banque mondiale». Il semble qu'il ne reste aujourd'hui aux membres du comité d'experts qu'à finaliser ce projet. Souhaitons que cela ne soit pas indéfiniment retardé et que nous nous engagions résolument dans une politique de réduction des inégalités. La balle est dans le camp du gouvernement d'alternance, espérons qu'il saura la saisir dans les plus brefs délais.