Robert Assaraf, fondateur du Centre de recherche sur les Juifs du Maroc. La consolidation de l'unité de la communauté nationale rend tout maintien de la déviation de groupes communautaires inutile, sinon dangereux. Les terribles événements du vendredi soir, 16 mai 2003, suivis d'une réaction populaire sans égale, dans le monde, “ne touche pas à mon pays”, doit nous donner à réfléchir et à tirer les leçons pour l'avenir. Il est incontestable que les misérables parmi les extrémistes religieux, manipulés de l'étranger, ont perverti des jeunes Marocains, dans la détresse matérielle et morale. Il était facile, dans un monde en crise dans ses convictions et dans ses croyances, de convertir au suicide et au meurtre – c'est-à-dire au mépris de la vie humaine, la sienne et celle des autres – des jeunes perdus dans le fanatisme. En réalité, dans la haine contre tous les hommes d'une religion différente ou d'origine étrangère : en un mot, les Juifs marocains et les Chrétiens étrangers, sont tous deux, des ennemis dans une pratique religieuse détournée. Tout cela pour expliquer que l'avenir doit être maîtrisé, grâce à l'éveil courageux, fier et réaliste du peuple marocain : jeunes ou plus vieux, femmes et hommes. Pour changer les choses, il faut combattre l'erreur. Les Juifs sont des citoyens marocains à part entière, dans les droits et dans les devoirs. Certes pour la plupart, ils ont des relations avec Israël ; ils sont proches d'Israéliens par leurs familles ou des amis. Mais ils n'en sont pas moins des citoyens attachés, avant tout, à leur pays et à son peuple. Ils respectent la religion islamique de leur pays, dans une convivialité historique avec des amis ou des voisins musulmans. Ils souhaitent, pour la très grande majorité, une solution équitable au problème des Palestiniens, en rejetant les excès de certains extrémistes israéliens, par la création de l'Etat de Palestine, viable et indépendant. Aujourd'hui, il faut aller plus loin encore. Les Juifs peuvent se faire accepter dans leurs différences, mais ils doivent pour cela, respecter les préoccupations de la société nationale. S'ils veulent être réintégrés dans cette société civile, ils doivent s'intégrer aux exigences de la communauté nationale, en leur qualité de citoyens dans tous les droits et dans toutes les obligations. La notion de “Communauté” minoritaire est archaïque et dépassée. Car il suffit d'une communauté nationale pour regrouper tous les citoyens, tout en préservant la communauté religieuse ou les communautés linguistiques ou culturelles. Une différence, même fondamentale, est à établir dans ses réalités, dans ses besoins et dans ses limites. Certes les Juifs pouvaient se sentir “à part” réduits à leur activité économique ou commerciale, rejetés du monde politique ou de la communication populaire. Dans leurs craintes, développées de jour en jour, ils se sont enfermés dans leur “communauté” avec des présidents de comité ou des chefs de la communauté juive (créant une sorte de “mellah national” sur le plan politique et civil…). Sauf pour quelques-uns très rares. Nécessité du retour à nos réalités historiques Aujourd'hui les Juifs – tous – doivent prendre leurs responsabilités, ils doivent “ouvrir les yeux”, car une communauté pour rassembler, voire enfermer, les Juifs du Maroc, n'existe plus depuis longtemps. Depuis l'indépendance créée par Sa Majesté Mohammed V, depuis le Maroc moderne construit par Sa Majesté Hassan II et avec un Roi du XXIe siècle, Sa Majesté Mohammed VI. En conséquence, les Juifs sont des Marocains à part entière, des citoyens, membres de la société constitutionnelle, civile et nationale. Ils sont les sujets de Sa Majesté Mohammed VI, Amir Al Mouminine, Souverain du Royaume du Maroc. Toutes ces précisions sont nécessaires pour rejeter, ce que l'on appelle – dit-on parmi les Juifs du Maroc – des inquiétudes, des préoccupations, ou simplement ce qui est plus grave, des incompréhensions. Une fois encore, les Juifs doivent s'éveiller aussi, pour comprendre et intégrer la nouvelle société nationale, en qualité, chacun, de citoyen indépendant et libéré. La situation du Maroc est différente depuis le drame du vendredi soir. Le peuple marocain a montré, immédiatement, sa lucidité, son courage et sa fidélité – une tradition séculaire de la Nation. Toutes les couches de la société civile doivent accepter ce retour à nos réalités historiques. Cela coûtera, peut-être, à certains dans leurs intérêts personnels, mais cela constitue notre patrimoine commun, dont la préservation et la consolidation méritent des efforts ou des sacrifices personnels d'avantages acquis le long des années. Les détenteurs de fonctions ou de responsabilités de fait doivent s'asseoir, réfléchir et tirer des conséquences pratiques, individuelles ou communes. Il s'agit d'une “feuille de route” à tracer face à des problèmes de base qui sont levés et à des objectifs clairement définis. D'autant que la sensibilité et la générosité traditionnelle de Sa Majesté le Roi, de la Famille Royale et de l'ensemble du peuple marocain sont là pour aider l'application de tous nos espoirs dans l'unité de la communauté nationale.