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Le Moyen-Orient à l'horizon 2020
Publié dans La Gazette du Maroc le 12 - 01 - 2004

Etude du Conseil national américain du renseignement
Le monde en général et le Moyen-Orient en particulier à l'horizon 2020 ont fait l'objet d'une étude prospective faite par le Conseil national du renseignement (NIC). Il s'agit d'un centre d'études stratégiques au sein du gouvernement américain. Il rend compte directement au directeur de la centrale de renseignement, fournissant des études et des analyses sur les questions de politique étrangère destinées au locataire de la Maison-Blanche et aux grands décideurs politiques américains.
L'étude en question est édifiante à plus d'un titre. Rendue publique récemment par le NIC, seule la probabilité d'une confrontation israélo-syrienne avec le recours éventuel aux armes nucléaires et de destruction massive, a retenu l'attention des médias internationaux.
LGM vous présente la traduction de la partie consacrée au Moyen-Orient.
Les influences majeures ou “les conducteurs” identifiés dans le rapport “Tendances globales 2015” affectent les événements au Moyen-Orient pour quelque temps et continueront à le faire à des degrés divers au cours des 15 prochaines années. Les effets de ces influences à l'échelle planétaire, et moyen-orientale en particulier, entre aujourd'hui et l'an 2020 seront façonnés par la pesanteur de l'histoire propre à la région avec son cortège de conflits, de suspicions et de comportements que cette histoire a laissés.
La démographie affectera le Moyen-Orient principalement avec la croissance rapide et continue de la population dans plusieurs Etats de la région avec les contraintes qu'elle impose aux services urbains et à l'économie en général qui devra fournir les emplois nécessaires.
“Les poussées de la jeunesse” persisteront probablement dans plusieurs pays moyen-orientaux et le chômage et le sous-emploi parmi les jeunes adultes se traduiront par un mécontentement susceptible de conduire à une radicalisation politique. Un petit nombre d'Etats entreprendra partiellement des efforts pour contrôler la croissance démographique - imitant les pays comme l'Iran, qui ont déjà enregistré des progrès dans ce domaine - mais la maîtrise nécessaire à de tels efforts est trop complexe pour qu'un contrôle efficace des naissances soit entrepris à l'échelle régionale.
Une abondance de combustibles fossiles et la rareté de l'eau ainsi que la sauvegarde de l'environnement constituent la partie majeure de l'histoire moyen-orientale qui le restera encore, au moins pour les deux prochaines décennies. Le pétrole et le gaz seront le socle de l'économie de la région en l'absence de moteurs alternatifs de croissance et de revenu pour l'avenir. D'ici 2020, les conséquences pour l'économie de chaque pays en termes de différences dans les réserves énergétiques seront plus manifestes qu'aujourd'hui. Les intérêts de ceux ayant des réserves qui s'épuiseront rapidement (tel que le pétrole iranien et bahreïni) divergeront de plus en plus de ceux ayant des ressources plus durables (tel que le pétrole saoudien et le gaz qatari). La consommation accrue de l'eau en raison de la croissance démographique sera source de conflits entre ceux qui se partagent des nappes phréatiques (tels qu'Israël et les Palestiniens) ou bien les fleuves (l'exemple de la Turquie, de la Syrie et de l'Irak).
La science et la technologie auront une influence accrue au Moyen-Orient en raison principalement du rôle des nouvelles technologies de l'information facilitant la propagation des nouvelles, de l'information et des idées. Cette évolution affectera les tendances et la versatilité politiques de plusieurs manières avec les réactions populaires aux événements chargés d'émotions et la diffusion des idéologies dont celles des extrémistes. D'autres avancées technologiques et scientifiques telles que la biotechnologie et la technologie des matériaux auront moins d'effets sur les peuples du Moyen-Orient qu'ailleurs.
L'impact de la mondialisation sur le Moyen-Orient sera difficile à distinguer des marchés de l'énergie, le principal lien entre la “ressource naturelle” et la région. La croissance économique soutenue dans d'autres régions aura un effet négatif indirect sur la politique de plusieurs Etats du Moyen-Orient instituant un déséquilibre défavorable et alimentant ainsi convoitise et irritation des élites dirigeantes.
Dans certains pays cependant, cela pourrait être un encouragement pour les élites plus assurées et disposées à prendre des risques plus grands dans la poursuite de réformes économiques. Les contacts interculturels croissants accompagnant la mondialisation engendreront potentiellement déstabilisation, émulation et amertume.
La gouvernance nationale et internationale est à certains égards le “conducteur” qui porte le plus grand poids du Moyen-Orient, parce que la crise dans cette partie du monde continuera à alimenter largement une histoire de gouvernance inefficace. Plus spécifiquement, cela signifie l'échec des systèmes politiques dans la réalisation d'une unité de points de vue et d'intérêts et l'échec des régimes d'aller au-delà d'une politique abrutissante au lieu d'accepter les adaptations nécessaires pour conserver le pouvoir. Dans la plupart des pays du Moyen-Orient, l'appareil d'Etat demeurera l'acteur dominant dans les affaires publiques avec la tribu et la famille gardant une influence significative à l'échelle locale.
Une société civile digne de ce nom sera plus évidente dans certains Etats du Moyen-Orient en 2020 mais elle continuera à être dominée par l'Etat. Le futur conflit dans les affaires moyen-orientales au cours des 16 prochaines années se traduira par une croissance d'animosités et de rivalités autour des ressources énergétiques de la région. Ces mêmes ressources fourniront également les moyens à ces Etats de s'équiper avec davantage d'armes perfectionnées parallèlement à la progression de la technologie militaire. Il est probable qu'il pourrait s'agir d'armes de destruction massive dont la prolifération constitue un problème pour le Moyen-Orient. Le renforcement des arsenaux des Etats de la région constituera une menace pour les Etats en question, et pourrait engendrer des conflits auxquels les Etats-Unis ne manqueront pas de se mêler. Le rôle des Etats-Unis sera critique dans le modelage des événements moyen-orientaux entre aujourd'hui et 2020. Les Etats-Unis représentent la puissance militaire dominante dans la région et selon les plans de l'actuelle administration, ils comptent le rester pour un avenir indéterminé.
Washington, comme par accord universel, est le seul intermédiaire susceptible de mettre un terme au conflit entre les Arabes et les Israéliens. C'est l'initiateur d'un nouveau système économique et politique en Irak. Il est le principal garant de la sécurité de plusieurs Etats moyen-orientaux et la bête noire principale de plusieurs autres. Et il est la source principale d'une culture étrangère admirée par de nombreux moyen-orientaux et méprisée par d'autres. Comment les peuples de la région voient-ils les conséquences de la crise qui affecte cette partie du monde ? Comment, se
demande-t-on, les Orientaux tendront à “nous” distinguer d'“eux”? Sur la base de la religion, de l'ethnie, de la classe, de la tribu, ou sur quelque chose d'autre ?
La religion et spécifiquement l'Islam est devenue de plus en plus le premier identificateur au cours de ces dernières années. Qu'il continue dans ce rôle (voir plus bas) ou pas, la question de l'identité sera d'une influence majeure dans les événements régionaux. Une définition de l'Islam attribut identifiant influencerait les politiques régionales, définirait de possibles changements majeurs de régimes, établirait des limites aux politiques économiques et sociales et aiderait à situer les relations avec les pouvoirs extérieurs.
Inversement, la supplantation de la religion comme identificateur dominant constituerait un changement majeur. Il est peu probable que le changement se fasse en douceur vers une démocratie libérale, il est plus probable qu'il impliquerait une montée identitaire s'exprimant en protestation et en opposition.
Changement et continuité
Le changement qui pourrait intervenir au Moyen-Orient au cours des 16 prochaines années peut s'expliquer par le retour aux périodes antérieures qui ont marqué cette région. Le pétrole fait partie de cette toile de fond. La démonstration de force faite par l'OPEC, le choc pétrolier des années 70, les transferts énormes de richesses des consommateurs aux producteurs et les difficultés récentes que les producteurs moyen-orientaux ont rencontrées dans la gestion du marché pétrolier ont entraîné d'importants changements dans la région en raison du grand rôle que le commerce pétrolier joue au Moyen-Orient.
Le conflit entre les Arabes et les Israéliens a été un autre facteur majeur dans la dépression que subissent les affaires moyen-orientales. Cela a été vrai depuis la création d'Israël il y a de cela plus d'un demi-siècle mais particulièrement depuis la conquête par Israël des terres arabes lors de la guerre de 1967.
Les tentatives les plus prometteuses pour sortir de ce conflit sont nées de certains événements régionaux aussi surprenants que significatifs. Mais l'antagonisme et la méfiance ont remis à maintes reprises l'histoire arabo-israélienne dans l'ornière. Le voyage du président Anouar Sadate à Jérusalem a conduit à un accord israélo-égyptien qui aurait pu déblayer le chemin mais ne l'a pas fait (seulement avec les Jordaniens qui ont fait de même depuis) et il s'agit aujourd'hui d'un peu plus qu'un armistice avec des garanties.
Les accords d'Oslo constituaient potentiellement le plus grand pas dans l'histoire arabo-israélienne -abordant l'énigme israélo-palestinienne qui est le noyau du plus grand conflit entre les Juifs et les Arabes- mais ont capoté. Le rôle politique de l'Islam est intervenu dans les affaires moyen-orientales bien que sa version moderne ait été (pour les observateurs extérieurs) un élément déterminant dans les événements régionaux aussi longtemps que dureront le pétrole et le conflit arabo-israélien.
L'Islam politique s'est manifesté au cours des 25 dernières années depuis la révolution iranienne. Le changement au cours des cinquante dernières années du discours politique au Moyen-Orient -passant à travers des phases nationalistes arabes, laïques et gauchistes avant de céder la place à la présente coloration islamiste dominante- laissent prévoir davantage de mutations entre aujourd'hui et l'année 2020. Cependant, il y a une bonne raison de croire que l'actuelle tendance durera plus longtemps. La marque de Nasser du nationalisme arabe a été le produit de la période post-coloniale et les gauchistes étaient les légataires de l'expérience marxiste aujourd'hui discréditée bien qu'elle fut accompagnée du soutien symbolique des sphères spirituelles.
En fait, l'Islam politique moderne est le produit de 13 siècles et non pas celui d'un quart de siècle d'accompagnement spirituel. Le concept central de la marque salafiste radicale de l'Islam politique est le retour aux racines et aux sources originelles.
Ces contours de l'histoire moderne moyen-orientale suggèrent deux conclusions. La première est qu'il y aura probablement une continuité soutenue entre le présent et 2020 en ayant présent à l'esprit, bien sûr, qu'une telle conclusion est toujours fonction de n'importe quel événement et ne représente pas une action bien définie. C'est seulement l'effet extérieur qui marque une région turbulente et cela ne devrait pas nous conduire à négliger la force de certains courants qui s'activent sous la surface bouillonnante. La deuxième conclusion est que ces changements-là, y compris les changements majeurs qui se produiront dans la région au cours des 15 prochaines années, seront plus probablement le résultat de forces existantes ayant atteint le point de rupture que de nouvelles variables affectant la région pour la première fois.
Une mise en garde majeure à toute projection relative à un changement au Moyen-Orient dans les années à venir est que tout dépend en grande partie des Etats-Unis. Plusieurs événements influant l'orientation politique moyen-orientale qui ont eu lieu au cours des décennies passées avaient dépendu de l'action américaine (exemple, Camp David, opération Tempête du désert, opération Liberté irakienne) ou de son inaction. Le Moyen-Orient réagit aujourd'hui et continuera probablement à le faire, en fonction du discours de politique étrangère américaine comme jamais auparavant.
Les tendances majeures
Les quatre tendances suivantes vont façonner de manière particulière les événements au Moyen-Orient entre aujourd'hui et 2020. Rupture du contrat social entre les gouvernements et les gouvernés. Les régimes dans la région trouveront de plus en plus de difficultés à tenir leurs promesses et leur engagement implicite passé avec leurs populations. Fournir une sécurité économique (et physique) en faveur des peuples qui devront renoncer à un rôle politique significatif et à fermer les yeux sur la corruption et les privilèges économiques des élites dirigeantes.
Cette difficulté et les réactions populaires reflèteront plusieurs indices dont la croissance démographique surpassant la capacité économique ne pourra plus générer de nouveaux emplois. La prise de conscience accrue des mass médias d'alternatives économiques et politiques et les effets inégaux de la mondialisation en feront une source d'amertume et de ressentiment au lieu d'un moteur de prospérité.
Cet échec induit des changements politiques majeurs dans de nombreux pays de manière révolutionnaire ou pacifique. Il est toutefois difficile d'identifier les points influents dans la mesure où le changement politique exigera d'autres catalyseurs face au mécontentement populaire. L'Iran par exemple entreprendra certainement un changement politique important d'ici 2020 et deviendra probablement un pays plus libéral et plus démocratique. Cependant on ne peut savoir ce qui conduira les Iraniens à se débarrasser de leur léthargie et d'effectuer un tel changement.
L'Arabie saoudite est un autre pays important où l'entente entre le régime et le peuple ne semble pas devoir durer seize autres années mais cette constatation n'indique pas la nature ou la direction de tout changement politique qui pourrait intervenir.
La violence extrémiste se manifeste à l'intérieur
La violence politique au Moyen-Orient y compris la violence terroriste sera probablement destinée de manière plus directe et plus manifeste à la zone des régimes qu'elle ne l'est actuellement. Cela ne signifie pas nécessairement que le terrorisme contre les Etats-Unis et d'autres cibles occidentales diminuera à la même cadence. Cette tendance est liée à celle qui vient juste d'être mentionnée et non pas uniquement dans le sens qu'un mécontentement populaire accru prendra en partie la forme de la violence extrémiste. Un autre accord tacite passé entre certains régimes et leurs populations est que toute violence politique serait dirigée contre des cibles israéliennes, occidentales ou autres. La pression internationale exercée sur certains régimes de prendre davantage de mesures antiterroristes rendra la situation plus difficile pour ces régimes à trouver des excuses ou à fermer les yeux sur un soutien terroriste dirigé vers l'extérieur. Conjugué à d'autres éléments d'insatisfaction populaire, cela pourrait rendre les attaques contre les régimes eux-mêmes plus fréquentes.
Le terrorisme à lui seul ne peut pas renverser les régimes sur place mais une opposition pacifique se dressera contre et pourrait accélérer des changements politiques à la base. Dans plusieurs pays arabes, les alternatives aux régimes existants viendront des islamistes modérés et des islamistes radicaux. La gouvernance des régimes en place sera variable allant de la répression accrue (qui dans la plupart des cas échouera) à la coopération.
La prolifération des armes
Les armes de technologie avancée, y compris peut-être les armes nucléaires seront probablement plus propagées au Moyen-Orient en 2020 qu'aujourd'hui. Les efforts déployés pour contrôler la prolifération de ces armes ralentiront mais n'arrêteront pas leur propagation. La plupart des motivations pour l'acquisition de l'arme nucléaire ou autre armement sophistiqué persisteront même après les éventuels changements de régime. Dans certains cas, les insécurités issues d'un changement de régime pourraient même augmenter et encourager la prolifération. En Iran, un changement de régime pourrait atténuer les préoccupations occidentales au sujet des armes nucléaires détenues par les mollahs mais ne changerait pas le point de vue iranien à savoir que de telles armes seraient la condition pour que l'Iran devienne une puissance régionale dominante.
Les accords de paix n'élimineraient pas les causes de la prolifération. Un accord arabo-israélien serait probablement une “paix froide” semblable à l'actuelle relation israélo-égyptienne.
Israël conserverait certainement son arsenal nucléaire et cela pèserait lourdement dans la prise de décision en matière de sécurité nationale dans d'autres capitales de la région. Ironiquement, une partie de la prolifération pourrait impliquer des Etats “voyous” telles que la Libye ou la Syrie (NDLR : Tripoli a renoncé à ses programmes d'armes de destruction massives et nucléaires).
L'Arabie saoudite cherchera les moyens de s'armer pour assurer sa sécurité sans trop dépendre des Etats-Unis. Quant aux autres pays, ils essaieront de bannir l'étiquette de “voyous” pour être pleinement réhabilités et devenir membres à part entière de la communauté internationale.
Les chocs
Plusieurs raisons externes et internes pousseront les Etats du Moyen-Orient à explorer de nouvelles relations entre eux.
Pour les pays étrangers, le pétrole et ses revenus seront autant de raisons d'être engagés nonobstant les autres raisons d'ordre politique ou sécuritaire que des puissances spécifiques pourraient avoir. Les régimes de la région chercheront des soutiens de sécurité et des sources d'approvisionnement en armes et en technologie tout en évitant de nouer des relations trop étroites qui pourraient constituer un handicap politique avec leurs populations.
Pour les Etats du Moyen-Orient, les relations avec l'étranger produiront une inconstance considérable. Cela est dû en partie à leurs objectifs à tisser de nouvelles relations qui seront quelque peu contradictoires . (Les Etats-Unis, en particulier, pourraient être perçus à la fois comme le garant le plus fiable pour la sécurité et politiquement, le gendarme le plus impopulaire). C'est aussi parce que les relations étrangères de la région sont encore dans certains cas en train de s'inspirer des modèles de l'ère de la guerre froide. Il pourrait y avoir une polarisation accrue entre ceux qui mettent leur destinée entre les mains de Washington et ceux qui ne le font pas.
Bien que certains des grands événements au Moyen-Orient entre aujourd'hui et 2020 puissent arriver subitement, la plupart de ces événements imprévisibles ne pourraient être qu'une répétition des troubles déjà connus par le passé.
Le conflit arabo-israélien : guerre ou paix
Le conflit joue un tel rôle dans le discours régional que toute déviation brusque de l'actuelle impasse pourrait avoir des répercussions régionales importantes. Les déviations pourraient prendre des directions opposées. L'une serait l'éclatement d'une nouvelle guerre entre Israël et un ou plusieurs Etats arabes particulièrement la Syrie.
Aucune des parties ne chercherait la guerre mais il y aura un potentiel permanent pour le déclenchement inattendu des hostilités provenant peut-être de la confrontation dans la région des fermes de Shaba où le Liban, la Syrie et Israël se confronteraient. Une nouvelle guerre pourrait entraîner l'usage d'armes non conventionnelles avec la possibilité de voir la Syrie recourir à l'emploi des armes chimiques.
Cette guerre détruirait toute amélioration de l'image de l'anti-américanisme dans le monde arabe. Elle torpillerait également les efforts en cours pour faire avancer ou ressusciter le processus de paix israélo-palestinien, et pourrait servir aussi de catalyseur pour de nouveaux efforts extérieurs de médiation. Une autre défaite militaire écrasante et humiliante arabe avec Israël exacerberait le désenchantement des Arabes avec leurs régimes inefficaces. L'autre déviation opposée serait la conclusion d'un accord de paix arabo-israélien final qui semble aujourd'hui si hypothétique qu'on pourrait l'appeler par “choc”.
Peut-être la mort de Yasser Arafat - probablement avant 2020 - mettrait en action des négociations pouvant conduire à un règlement.
Bien qu'un accord de paix soit considéré initialement comme une “paix froide”, s'il est perçu comme étant acceptable pour la grande majorité des Palestiniens, il signifierait le plus grand changement dans le discours régional depuis la création d'Israël. Il affecterait de manière significative les attitudes envers les Etats-Unis en anéantissant la plainte régionale la plus fréquemment récitée contre Washington. Cela constituerait également l'heure de vérité pour de nombreux régimes arabes qui perdraient leur crédibilité à cause de leurs propres défauts et les conduirait à ne pas entamer les réformes nécessaires.
L'avènement d'un nouveau régime radical
L'arrivée au pouvoir d'un régime radical (pas nécessairement islamiste) dans un Etat moyen-oriental ayant une vision plus modérée pourrait être une cause importante que l'effet de certains développements possibles déjà cités. Comme résultante de l'insatisfaction populaire avec les gouvernements existants les changements révolutionnaires de régime dans la région au cours des seize prochaines années ne devraient pas être surprenants. Mais tout changement serait un choc. Cela serait plus vérifiable si le changement a lieu dans un Etat important tel que l'Egypte (le pays arabe le plus populeux) ou l'Arabie saoudite (le pays le plus riche).
Un nouveau régime radical pourrait traverser une phase initiale -à l'instar de la révolution iranienne- cherchant à fomenter des révolutions similaires dans d'autres Etats régionaux étant persuadé qu'il aurait besoin de voisins partageant son idéologie pour pouvoir survivre.
De cette manière, un nouveau régime radical pourrait être une force déstabilisante pour l'ensemble de la région. Au minimum, l'avènement d'un nouveau régime radical pouvant remettre en cause les alignements régionaux, en partie de manière imprévisible.
Par exemple le remplacement du régime saoudien par un régime islamiste radical pourrait accroître les rivalités pour le leadership (une partie étant chiite et l'autre sunnite) empêchant toutes autres caractéristiques communes qui éloigneraient les deux régimes d'Al Saoud. Un tel changement radical de régime affecterait inévitablement les relations avec Washington et probablement le rôle des Etats-Unis dans la région. Il affecterait également le conflit arabo-israélien et d'une manière majeure si le changement de régime intervenait en Egypte ou en Jordanie.
Changement majeur dans les prix du pétrole
La dépendance de l'économie moyen-orientale du marché pétrolier signifie que des changements brusques dans ce marché auront fatalement des répercussions régionales importantes. Les effets d'une importante hausse majeure dans les prix du pétrole seraient difficiles à séparer des autres effets quelle que soit l'origine de l'envolée des prix (guerre ou révolution dans le Moyen-Orient). Des revenus pétroliers accrus pourraient affaiblir ou du moins retarder les pressions populaires pour un changement économique et politique dans les Etats producteurs. Ils pourraient aider également à la stabilité à court terme mais pousseraient les électeurs à ne plus revendiquer des réformes qui seraient en fin de compte nécessaires.
La chute des prix du pétrole (conséquence des mesures à rechercher d'autres sources alternatives dans les pays consommateurs) tendrait naturellement à avoir des effets contraires. Dans ce cas, la question fondamentale est de savoir si les pressions fiscales et l'incapacité à satisfaire les besoins populaires en matière de services ne dépasseraient pas l'accélération des réformes que des dirigeants réalistes seraient presque forcés d'accepter.
Les résultats alternatifs en Irak
Bien que les effets du changement politique en Irak sur le reste de la région soient parfois exagérés, la superficie et la position stratégique de l'Irak signifient que des événements majeurs ne manqueront pas d'avoir des répercussions sur la région.
Le fait que les Etats-Unis aient fait de la guerre contre l'Irak un de leurs grands enjeux accentuera lesdites répercussions au moins en ce qui concerne leur rôle et leurs relations avec les Etats de la région. Il existe une large gamme de résultats possibles en Irak.
Y aura-t-il des “chocs” ? Probablement cette gamme engloberait toutes les possibilités qui pourraient être qualifiées de démocratiques. Ces possibilités pourraient donner des systèmes politiques démocratiques combinés à un partage négocié du pouvoir comme le Liban d'aujourd'hui ou la Suisse sur les rives du Tigre.
Les principales possibilités en dehors de cette gamme sont :
Un régime islamiste radical
Les effets seraient similaires à l'avènement d'un tel régime dans un autre grand Etat de la région (voir plus haut).
Un homme fort laïc
(Comme Ben Ali de la Tunisie ou Saddam sans la brutalité). Ce résultat aurait quelques aspects stabilisants au moins à court terme. Mais à long terme, il fera face à plusieurs défis au moment où les Etats voisins tenteront de satisfaire les attentes populaires, représentant également une impasse au problème du partage du pouvoir par les groupes ethniques et partisans irakiens.
Une guerre civile
Celle-ci pourrait très probablement entraîner dans le bourbier d'autres Etats en particulier la Turquie et l'Iran avec le danger de voir le conflit se transformer en guerre entre Etats du voisinage.
L'éclatement de l'Irak
À certains égards, ne pas forcer les différents groupes ethniques et partisans en Irak à partager le même pays serait plus stable que certaines alternatives.
Mais cette possibilité soulèverait plusieurs préoccupations (et inviterait à une intervention) pour les Etats voisins n'engendrant que le mécontentement parmi ces groupes quant au partage des ressources naturelles irakiennes.
Une initiative parmi les quatre dernières serait perçue comme une défaite majeure des Etats-Unis avec des conséquences négatives pour leur prestige et leur influence dans la région.


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