Le déroulement des assises de la Cour spéciale de justice qui se sont poursuivies, à Rabat, mardi dernier a été perturbé par l'absence des avocats de deux accusés, en l'occurrence les deux ex-directeurs régionaux de la CNCA, MM. Mghizou et Chatt. Selon des sources proches du dossier, cette absence était due à l'impossibilité, pour les deux accusés, d'honorer leurs engagements vis-à-vis de leurs avocats. C'est dire l'état d'indigence dans lequel ils se trouvent et que partage la majorité des accusés. Cependant, et pour que la séance se déroule normalement, suivant la procédure, l'un des avocats de Fegane a pris la parole pour une plaidoirie qui allait révéler bien des lacunes du dossier d'accusation. En effet, l'avocat devait démontrer que le dossier pour lequel son client est poursuivi ne contient aucune pièce prouvant que Fegane ait détourné des deniers publics ou falsifié des documents administratifs. La défense, composée de Mes Ksikès et Salha El Ouafi, s'est étonnée du fait que les procès-verbaux et les rapports des inspecteurs indiquent qu'il y a des dizaines de clients dont les transactions avec la CNCA sont douteuses, alors qu'un seul d'entre eux, en l'occurrence Fegane, est poursuivi pour des motifs aussi fallacieux que grotesques. Les avocats ont affirmé que le dossier de Fegane n'est en fait qu'une tentative pour faire tomber des dirigeants de la CNCA et, à leur tête, l'ex-directeur général. Ils devaient souligner que les procès-verbaux indiquent clairement que Fegane a reconnu les faits qui lui sont reprochés en l'an 2002. Or, pendant cette période, Fegane se trouvait en France, précisément depuis 1997. Ce n'est qu'en septembre 2000 que Fegane est rentré au pays pour être arrêté et conduit au pénitencier de Salé. Quand, comment et où Fegane a-t-il commis les délits pour lesquels il est poursuivi, devaient-ils s'interroger ? Par ailleurs, Mes Ksikès et Abdelouafi ont relaté le parcours de leur client, qui a contribué de manière efficace à promouvoir la région des Doukkala à travers des investissements et une stratégie globale de développement rural. En effet, devaient-ils poursuivre, tous les états comptables, que ce soit sur le plan local ou international, attestent de la grande compétence de Fegane, qui a réussi des chiffres d'affaires l'ayant habilité à devenir l'un des principaux partenaires commerciaux de la Chambre de commerce de la région de Bordeaux. Ces états de service attestent également que l'entrepreneur n'avait connu aucune difficulté financière ni problème avec la CNCA. Et ce, jusqu'en 1993, date à laquelle il a été arrêté sur plainte d'un partenaire français qui devait s'avérer ultérieurement un escroc notoire. D'ailleurs, la Cour, à l'époque avait retenu un non-lieu en sa faveur. La défense devait également dévoiler que les parties qui sont derrière sa présente mise en accusation, que ce soit au niveau de la CNCA ou du CIH, se sont en fait trompées puisqu'elles pensaient que Fegane se trouvait en état de fuite entre 1995 et 1997. Or, juste après le verdict de la cour le condamnant à vingt ans de prison, Fegane a préféré regagner le pays pour assurer sa défense. D'ailleurs, pendant toute cette période, Fegane n'a pas cessé de multiplier les démarches auprès de la CNCA pour régler le dossier de ses dettes. Dans ce cadre, il a signé avec la Caisse un protocole d'accord qui prévoyait de permuter ses dettes vers un autre client, en l'occurrence M. Lotfi, qui a accepté d'acheter son affaire pour la somme de 165 millions de dirhams, laquelle devait être versée directement dans les comptes de la Caisse. Mais cette opération a été annulée juste après le départ de Rachid Haddaoui et la nomination d'un autre directeur général. La surprise dans ce dossier réside dans le fait que la somme indiquée et répertoriée dans cette transaction n'est que de 162,8 millions de dirhams. Donc, d'après la défense, c'est Fegane qui doit poursuivre la CNCA au vu du trou de près de 14 millions de dirhams qui manque à l'appel. Au terme de cette plaidoirie, la défense a remis à la Cour tous les rapports et documents qui, selon elle, attestent de l'innocence de Fegane. Les avocats devaient demander à la Cour de procéder à une expertise pointue de tous les documents se rapportant à cette affaire avant de demander le non-lieu pour leur client.