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L'islamisme est-il soluble dans la démocratie ?
Publié dans La Gazette du Maroc le 04 - 10 - 2004


Débat
Comment situer dans le contexte marocain d'aujourd'hui les limites entre le religieux et le politique ? Débat crucial auquel le Collectif Démocratie et Modernité a convié universitaires et hommes politiques jeudi dernier à Casablanca. L'enjeu fondamental reste celui de l'option démocratique.
Plus que jamais la question de l'insertion et de la “normalisation” dans la vie politique nationale de courants se réclamant de l'islamisme “modéré” est au cœur de discussions et de contacts entre différents partis et le PJD. Cela a suscité des spéculations et des commentaires tout à fait opposés. Le fond du problème reste l'approche du rapport, à la fois doctrinal et pratique, entre sphère religieuse et sphère politique. On sait que cette problématique nourrit depuis des décennies les clivages et les débats les plus passionnés dans le monde arabo-musulman. Afin de faire quelque peu le point, le Collectif Démocratie et Modernité a organisé jeudi dernier, dans un amphithéâtre de la faculté de médecine à Casablanca, un débat auquel ont participé des universitaires et des dirigeants de quelques partis politiques, représentant les principales sensibilités en présence.
Pour les organisateurs, il s'agissait d'amener les uns et les autres à se prononcer, en toute clarté et sans ambiguïté, sur la relation entre religion et politique au sein de l'Etat et de la société au Maroc. Ceci en tenant compte de la spécificité du contexte marocain marqué historiquement par l'institution du Commandeur des croyants (Amir Al Mouminine). A l'arrière-plan du débat : la situation engendrée par les attentats du 16 mai 2003 et les discours du Souverain des 30 avril et 30 juillet 2004, prônant une “restructuration de la gestion du champ religieux” et excluant toute instrumentalisation de la religion à des fins politiques. Le projet de loi sur les partis politiques qui devra parachever ce dispositif interpelle tous les courants et confère toute son actualité à ce débat.
Problématique
La question, on le sait, a commencé à faire problème dans les pays musulmans avec la référence à l'Islam comme système dogmatique d'exercice du pouvoir, telle que formulée depuis 1928 par Hassan Al Banna en Egypte puis en 1941 par Al Maududi au Pakistan et enfin par les courants islamistes les plus radicaux (“takfiristes” et
“jihadistes”). Au Maroc, c'est à partir des années 70, qu'un courant radical a commencé à se manifester avant de se diversifier en mouvements plus ou moins modérés ou salafistes extrémistes. Il ne faut donc pas s'étonner de l'extrême imprécision et de la multiplication des expressions que les uns et les autres donnent de leur modèle politico-religieux. Ce qui prédomine, c'est une nébuleuse idéologique où se mélangent une foi plus rituelle que piétiste, une affirmation identitaire frustrée et excluant l'Autre non musulman, un conservatisme traditionaliste bloqué sur la question de la femme, auxquels s'ajoute une expression populiste des frustrations dues aux inégalités sociales, aux injustices et à la corruption, qui sont confondues avec la modernité.
C'est cette diversité des besoins que traduit l'idéologie islamiste dans un fouillis d'expressions diverses. Le problème résulte du fait que les courants islamistes veulent imposer des solutions politiques en se réclamant chacun de la vérité absolue de la religion musulmane. Selon l'un des participants, Mohamed Joujjar, universitaire, directeur de la revue
“Muqaddimât”, la société marocaine est aujourd'hui plus diversifiée et a connu une évolution importante de ses composantes. Elle est devenue en majorité urbaine, avec une population essentiellement jeune et une ouverture plus grande sur le monde par l'économie, les flux migratoires, les médias, etc. Le pluralisme est une donnée première alors que la religion doit être préservée comme une dimension unifiante. Si les intérêts et les perceptions divers et souvent opposés devraient avoir une expression politique se réclamant de l'absolu religieux, c'est la voie ouverte à la “fitna” qui plongera la société dans une discorde sans fin. Il faut, selon cette optique, que l'Etat ait la charge de gérer et réguler le champ religieux, à travers l'institution de Amir Al Mouminine et des organes qui en relèvent (Conseils des Oulémas), pour éviter la discorde religieuse et préserver la diversité. Nul n'a le droit d'excommunier, au nom de la religion, d'autres personnes ou d'autres courants. Les divergences politiques ne doivent pas se donner un couvert religieux, afin de préserver la paix civile. La référence à des valeurs religieuses ne doit pas servir à sanctifier des attitudes politiques au nom de l'absolu religieux.
La diversité politique et sociale est vouée à la relativité et aux fluctuations, l'Etat démocratique devant garantir la coexistence pacifique des courants en présence et instituer la tolérance.
Rhétoriques et enjeux
A ce propos, Mohammed El Ayadi, anthropologue, précise qu'il ne s'agit pas, au Maroc, de copier un modèle laïc tout fait, lequel d'ailleurs n'existe pas même en Europe où il y a une grande diversité de situations particulières. La question centrale est de reconnaître la diversité chez nous car elle est une donnée culturelle, linguistique et même religieuse. L'orientation prise par l'Etat marocain de sortir le religieux du débat et des compétitions politiques est pour cela à la fois logique et salutaire.
Intervenant dans ce débat, Ahmed Raïssouni, enseignant et membre de la direction du courant islamiste MUR (qui a donné naissance au PJD) n'a pas voulu trancher. Selon lui, on ne peut délimiter de frontière nette entre religion et politique car il y a interférence constante entre elles. Il faut, selon lui, considérer la religion “comme un remède et non comme un problème” et usant d'une métaphore sibylline il a affirmé que “si la politique est polluée, la religion est son savon”. Il prend soin de se démarquer de ceux qui ont fait un “mauvais usage de la religion” et insiste sur le fait que l'identité religieuse est inscrite dans la Constitution et qu'elle doit être une référence pour l'action publique.
Se voulant prudente et nuancée, l'attitude exprimée par Raïsouni n'en privilégie pas moins les dogmes, qualifiés de “constantes”. A propos de la Moudawana, il admet que l'arbitrage royal exclut le différend sur le plan légal mais pas sur le plan des idées. La même ambiguïté persiste lorsqu'il revendique sa qualification d'islamiste, puisque “aucun parti ne se situe hors de l'identité islamique”. Sophisme ou difficulté à concilier “modération” et dogmatisme ?
Dans la seconde partie du débat où étaient invités les dirigeants des partis politiques, Saâdeddine Othmani, secrétaire général du PJD, a essayé de tempérer la rigidité dogmatique par une sorte de banalisation de l'islamisme comme courant politique. Il s'est défendu de revendiquer un monopole de la religion et plaidé pour une référence à l'Islam en politique qui n'est pas d'ordre théocratique ni contraire aux principes de pluralisme et de tolérance.
Il y avait cependant un net contraste entre le discours apaisant de S. Othmani et l'attitude crispée d'une bonne partie de ses partisans venus nombreux à cette occasion. On a relevé à plusieurs reprises des cris hostiles notamment à l'encontre de l'universitaire et militante féministe Khadija Rougani (comme si la défense d'une certaine laïcité est d'autant plus insupportable qu'elle est formulée par une femme).
Il reste visiblement beaucoup à faire pour surmonter les réflexes d'intolérance idéologique et sexiste. Pour Khadija Rougani, le texte coranique ne comporte pas de prescriptions politiques intangibles et il importe de désacraliser la politique, garantir le pluralisme, rompre avec la violence et le totalitarisme. Essayant une approche consensuelle et synthétique, l'universitaire Mostafa Bouhandi a plaidé pour le dialogue, refusant toute contrainte en religion et appuyant les valeurs humanistes universelles au nom de
“l'impératif de raison mis en exergue par le texte coranique”. En appelant à ne pas confondre traditions héritées et principe religieux, M. Bouhandi conclut que “notre pays a besoin de la diversité des courants de pensée”.
Au centre du débat, l'enjeu en définitive reste celui de la démocratie, à la fois comme facteur de paix et de stabilité et comme cadre de valeurs. S'il y a un sujet d'inquiétude, c'est, faut-il le rappeler, que l'islamisme trop dogmatique s'est défini en opposition à la démocratie qualifiée de contraire à la loi divine. Comment des courants politiques se réclamant
d'un islamisme modéré peuvent-ils intégrer aussi les valeurs démocratiques, non seulement en tant que tactique pour arriver
au pouvoir et tout remettre en cause mais en tant que principe fondamental garantissant les libertés, la tolérance, le pluralisme ?
Avec des nuances importantes, Ismaïl Alaoui du PPS, Ahmed Osman du RNI, M'hamed Khalifa de l'Istiqlal, M. Moujahid de la GSU et M. Lahjouji de F.C ont invoqué la nécessité de préserver un consensus et d'exclure les divisions religieuses et les extrémismes. Minimum vital qui méritait bien le débat en demi-tons de jeudi dernier.


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