Les fonctionnaires des petites échelles augmentés de 300 DH nets en deux tranches. L'offre du gouvernement coûtera 15 milliards de DH sur quatre ans mais les syndicats toujours mécontents. Les salariés du privé auront été les parents pauvres du dialogue social. Le gouvernement, qui recevait les syndicats en début de semaine, a fait des propositions dont l'impact budgétaire, encore partiel, est évalué à 15 milliards de dirhams étalés sur quatre ans : 10 milliards de dirhams au titre de la baisse de l'impôt sur le revenu à raison de 2 points en 2009 et 2 autres points en 2011, et 5 milliards au titre des augmentations directes de salaires. Pourquoi l'évaluation est-elle partielle ? Parce qu'elle n'intègre pas, selon Nizar Baraka, ministre chargé des affaires économiques et générales du gouvernement, l'augmentation des allocations familiales de 50 dirhams par enfant pour les trois premiers enfants (applicable dès juillet prochain), ainsi que l'extension de l'ensemble de ces mesures aux salariés des établissements publics (offices, caisses, régies…) et des collectivités locales. «L'effort est donc important de la part du gouvernement. En ne tenant compte que des mesures évaluées, c'est-à-dire les 15 milliards de dirhams, cela représente 70 % de ce qui a été fait depuis dix ans», confie Nizar Baraka. Les syndicats, pourtant, ne sont pas contents de cette offre gouvernementale qu'ils ont d'ailleurs rejetée. «Trop modeste et en deçà des aspirations des travailleurs, éreintés par le poids des hausses de prix», juge Miloudi Moukharik, secrétaire national de l'Union marocaine du travail (UMT); «insuffisante» pour Abdelkader Zaïr, numéro deux de la Confédération démocratique du travail (CDT). Même l'Union générale des travailleurs du Maroc (UGTM), pourtant liée à l'Istiqlal, parti du Premier ministre Abbas El Fassi, ne paraît pas vraiment satisfaite de cette offre puisqu'elle demande au gouvernement de faire un effort supplémentaire pour répondre aux attentes des travailleurs. En fait, ce qui a surtout irrité les syndicalistes, c'est le fait que cette offre, «déjà modeste», est étalée dans le temps, «ce qui ajoute à son inconsistance», commentent, en chœur, MM. Moukhariq et Zaïr. Offre du gouvernement : une combinaison entre augmentations directes et baisse de l'IR En quoi consiste donc exactement cette offre du gouvernement ? D'abord, à l'endroit des fonctionnaires. La première mesure est destinée aux petites échelles et, dans le même temps, à réparer une «anomalie», à savoir le non-respect du Smig par l'Etat employeur. Pour cela, les fonctionnaires classés dans les échelles 1 à 3 seront augmentés de 300 dirhams par mois, à servir en deux tranches : la première applicable dès juillet prochain et la seconde en juillet 2009. Ce qui fait dire au chef de la délégation de l'UMT aux négociations du dialogue social, que même avec l'entrée en vigueur de la première tranche de l'augmentation des petites échelles (150 DH), l'Etat continuera encore en 2008 à être en quelque sorte «hors la loi», puisque ne respectant pas le Smig. Ce n'est pas l'avis de Nizar Baraka, pour qui, dès juillet prochain, le Smig sera atteint pour cette catégorie de fonctionnaires, car, explique-t-il, «il faut raisonner en brut», au moment où les syndicats ne voient, eux, que ce qui tombe dans les poches des concernés chaque fin de mois ! Le Smig augmenté de 184,50 DH à servir sur quatre ans Pour les échelles 4 à 9, l'augmentation va de 300 DH à 460 DH par mois, là encore servie en deux tranches : en juillet prochain et juillet 2009. Il faut préciser à ce niveau que cette augmentation pour les échelles 4 à 9 est en fait le résultat d'une combinaison entre l'augmentation directe et la baisse de l'impôt sur le revenu (l'IR), selon un responsable au ministère de l'emploi. C'est pourquoi le montant exact de l'augmentation ne sera atteint en réalité que le 1er juillet 2009 pour les échelles 4 à 7 et le 1er janvier 2011 pour les échelles 8 à 9, au moment de l'entrée en vigueur de la deuxième tranche de la baisse de l'IR. Les fonctionnaires classés aux échelles 10 et au-delà, en revanche, ne bénéficieront, eux, que de la baisse de l'IR, laquelle devrait se traduire par des relèvements du traitement net allant de 432 DH pour l'échelle 10 jusqu'à… 4 000 DH pour certains fonctionnaires hors échelle ; la moyenne étant de l'ordre de 1 300 dirhams. Nizar Baraka a tenu cependant à préciser à La Vie éco que cette augmentation de 4 000 dirhams, «contrairement à certains commentaires faits ici et là, ne concerne en réalité que 44 personnes», à savoir des professeurs universitaires de médecine. Il faut bien le dire, le dispositif est assez complexe, du fait même de ce mixage entre augmentation directe et augmentation indirecte (à travers la baisse de l'IR) ; et les syndicats ne semblent d'ailleurs pas très au fait d'un montage aussi ingénieux que celui-là. Mais, pour le gouvernement, cela est en réalité cohérent puisqu'il n'a cessé de parler d'amélioration du pouvoir d'achat plutôt que d'augmentations de salaires stricto sensu. S'agissant maintenant des salariés du secteur privé, rien de nouveau par rapport à ce que l'on savait déjà, sauf bien sûr le bénéfice, comme pour tous les autres salariés, de la baisse de l'IR… dans 8 mois. Sur le Smig, en revanche, une légère modification du calendrier a été annoncée : au lieu d'une augmentation de 2 % sur cinq ans, la proposition porte désormais sur 2,5 % sur quatre ans, soit 46 DH supplémentaires par mois ! «Ça ne couvre même pas les frais de bus journaliers», ironise Miloudi Moukharik. Le gouvernement, lui, raisonne autrement, il voit les choses de façon globale. «N'oubliez pas d'ajouter à cela les 50 dirhams supplémentaires accordés pour les allocations familiales», rappelle un participant, côté gouvernement, à la réunion du lundi 21 avril. Enfin, concernant les pensions de retraite minimales, la proposition initiale du gouvernement de relever celles-ci de 100 DH pour les porter à 600 DH/mois, a été maintenue. «Sur cette question, il y a une réforme des retraites qui interviendra, c'est pourquoi le gouvernement ne peut pas aller au-delà de la proposition qu'il a faite. Une chose est sûre, à partir du 1er janvier 2011, 97 % des retraités de la CNSS seront totalement exonérés d'impôts», assure Nizar Baraka. De la discussion avec nombre de responsables syndicaux, il ressort clairement que ce qui les a irrités le plus dans l'offre du gouvernement, c'est surtout, comme déjà indiqué, l'étalement dans le temps des mesures proposées. Etaler sur quatre ans une hausse de 184,50 dirhams pour le Smig paraît en effet «ridicule», selon un syndicaliste. Et cette observation vaut non seulement pour le Smig mais également pour la baisse de l'IR. Cependant, on peut l'annoncer ici, le gouvernement, tout en insistant sur «la nécessité de préserver la compétitivité des entreprises dans un environnement de plus en plus dur», se dit néanmoins ouvert à de possibles améliorations, très probablement limitées au calendrier de ses propositions ! «Nos propositions ne sont pas figées ; on verra s'il y a moyen de modifier le rythme d'augmentation du Smig dans le secteur privé», assure un membre du gouvernement qui participe au dialogue social. Mais tout dépendra, sur ce point, des discussions avec le patronat. «S'ils font un effort sur l'échéancier, tout redevient négociable. Sinon, le syndicat décidera de la position appropriée à prendre», déclare le chef des négociateurs de l'UMT. S'achemine-t-on vers un 1er Mai agité ? Déjà, le retrait des conseillers de la CDT de la deuxième Chambre du Parlement, qui intervient de surcroît au moment même où se déroulent les discussions du dialogue social, semble indiquer que les syndicats sont décidés à monter au créneau. Pourtant, ils sont nombreux à admettre que l'effort fait par le gouvernement est important au regard du contexte particulièrement difficile que vit l'économie marocaine.