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Jamais sansÂ... mon GSM
Publié dans La Vie éco le 02 - 01 - 2004

Le téléphone portable entre au Maroc en avril 1994. Au nombre de
15 000 en 1995, ses adeptes sont plus de 7 millions en 2003.
L'arrivée de la concurrence, en avril 2000, en a banalisé
l'usage.
90% des utilisateurs recourent à la carte prépayée.
D'abord technique et économique, le phénomène est aujourd'hui
avant tout culturel.
Une déferlante hallucinante a fait de nous les esclaves d'un objet qui ne pèse par plus de quelques dizaine de grammes. Téléphone portable, mobile, GSM ou plus communément, lpourtable sont autant de qualificatif pour désigner cet appareil qui déforme les poches, pend aux ceintures, s'égare dans les sacs à main, se loge dans les capuchons des djellabas, et se niche même dans les soutiens-gorges (oui, oui !). Là où vous vous retrouvez, dans les rues, les magasins, les bistrots, les marchés, les souks, vous êtes cerné par des hommes et des femmes, des jeunes et des vieux, parfois des enfants, l'oreille rivée à leur minuscule boîtier. Qui l'eût cru ? Lorsque la merveille technologique s'introduisit, en avril 1994, au Maroc, elle fit à peine 5000 adeptes. C'étaient surtout les entreprises qui s'en équipaient, pour les offrir à leurs cadres supérieurs. Ceux-ci percevaient ce geste comme une marque de puissance et la preuve absolue de leur irremplaçabilité. Le commun, lui, regardait le portable, au mieux, comme une mode inaccessible, au pire, comme un gadget inutile que brandissaient des fils à papa pour jeter de la poudre aux yeux.
Au départ simple joujou pour fils à papa «argentés»
Bref, on ne donnait pas cher de sa longévité. Seuls quelques illuminés croyaient dur comme fer au succès de l'ingénieuse invention. A l'image de Karim O., hommes d'affaires qui, à l'époque, était persuadé qu'il y aurait, dans une dizaine d'années, dans une maison, autant de «cellulaires» que d'individus. Nous n'en sommes pas encore là, mais nous en prenons allègrement le chemin. A preuve, plusieurs accros ont même deux téléphones : l'un pour le boulot, l'autre privé.
Fini, aujourd'hui, l'image d'Epinal du cadre dynamique, homme pressé, frimant avec le dernier cri de la technologie. Le portable se démocratise, prend des couleurs avenantes, fredonne des mélodies personnalisées, séduit la ménagère comme l'entrepreneur, l'étudiant comme le paysan, l'artisan comme l'homme d'affaires.
En 1995, l'appareil coûtait entre 7 000 et 13 000 DH
Même ceux qui juraient de ne jamais s'y faire prendre ont fini par succomber au charme, quitte à se parjurer. Rabah, professeur de philosophie, fait partie de ces derniers mohicans qui ont rendu les armes, après avoir longuement résisté : «J'étais scandalisé par la manie qu'avaient mes amis d'interrompre une bonne conversation pour dégainer leur joujou. Je ne tenais pas à tomber dans ce ridicule-là. Aussi m'étais-je juré de ne pas me laisser tenter. Puis, un jour, une copine m'en a offert un. C'était un cadeau et je ne pouvais pas décemment le décliner. Mais je ne savais qu'en faire. Pour ne pas incommoder ma copine, je m'amusais à composer des appels quand elle était présente. Au fur et à mesure, je prenais conscience de l'utilité du portable. Comment avais-je pu m'en passer tout ce temps-là». Après un an de fréquentation, Rabeh n'est toujours pas en mesure de tirer entièrement parti du précieux cadeau. Il ne sait accéder, ni encore moins composer un message, il s'emmêle les doigts, s'empêtre dans les touches, les confond, mais il faudrait lui passer sur le corps pour l'en soulager.
Retour sur image. Le premier téléphone de voiture apparaît, au Maroc, en 1987. Il est, alors, l'apanage des grands patrons qu'on observe, avec une pointe d'envie, confortablement installés à l'arrière d'une somptueuse bagnole conduite par un chauffeur. Commode pour gagner du temps, le NMT 450 (nom de code du radio-téléphone mobile analogique), il pèche par son indiscrétion. De fait, si quelqu'un s'avise de se mettre sur votre fréquence, lors d'un embouteillage par exemple, il pourra à loisir écouter votre conversation. Et voilà vos secrets éventés! A cet égard, le GSM apporte une vraie révolution. Du numérique pour les télécommunications, c'est la confidentialité assurée.
La seconde révolution est commerciale : l'arrivée, en avril 2000, d'un deuxième opérateur, le fringant Medi Telecom. Méditel vise le grand public, propose des formules alléchantes, multiplie les opérations de séduction. Itissalat Al-Maghrib suit ou précède. Les deux rivaux engagent alors une bataille sans merci, à coups d'offres plus mirobolantes les unes que les autres. Toutes les circonstances sont mises à profit pour attirer le chaland. Les prix chutent. Jusqu'à la folie de ce décembre-ci : on offre un téléphone pour tout abonnement souscrit. Et dire qu'il valait, en 1995, entre 7 000 et 13 000 DH !
Un taux d'équipement avoisinant les 25%
Résultat : le nombre d'utilisateurs prend des proportions vertigineuses d'année en année. En 1995, ils étaient 15 000 ; en 2001, 4,7 millions ; à la mi-2003, 7,4 millions. Le taux d'équipement atteint presque 25 %.
Cette déferlante des nouveaux clients, qui fait le bonheur des opérateurs, n'est pas du goût du citoyen soucieux de sa quiétude. Il faut dire qu'elle met à mal le code de bonne conduite. «Allo, Fayçal ? Salut, ça va. Dis, tu sais où je suis ? Jamais tu devineras… Non… Plus loin encore…. Mais non, ça c'est ringard, plus personne n'y va!… Je mange au Papa bobo, avec Sofia… Ouais, elle déchire toujours. Attends, je te la passe, elle veut te dire bonjour»… Le minet qui hurle ainsi, au bon milieu d'un lieu branché, ne fait aucun cas de l'attitude indignée de ses voisins. Imposer ses conversations aux autres tend à devenir monnaie courante. Les réactions de rejet sont très vives dans un restaurant, dans un train ou sur une plage bondée, quand quelqu'un se met à «mobilophoner».
Dans ce troquet clairsemé, un individu, visiblement imbibé, se met à «crier» son amour à sa correspondante. Tout y passe, leurs nuits torrides, leurs positions préférées, les mots qu'ils s'échangent pendant leurs étreintes. Des consommateurs, que ces effusions câlines agacent, commencent par ramener le fougueux amant à la raison. Rien n'y fait. Il continue de plus belle. Le gorille de service le saisit alors à bras le corps et le boute hors bistrot.
Les règles de bienséance, de par leur caractère culturel, variant selon les contrées. Les Français se montrent très scrupuleux quant aux horaires où il est inconvenant d'appeler. En Norvège, des zones «sans portable» sont aménagées dans les restaurants. En Grande-Bretagne, des compartiments «sans portable» sont institués dans les trains.
Au Maroc, la «téléphonite», accrue par la démocratisation du portable, est tellement répandue qu'on téléphone volontiers de n'importe où, n'importe quand, en parlant très fort. «Quand je rentre chez moi, je veille à éteindre mon portable. J'ai des amis qui m'aiment tellement qu'ils n'hésitent pas à m'appeler à trois heures du matin pour me faire partager leurs virées et leurs frasques», confie Anas, un ancien fêtard repenti. Maria, elle, évite comme la peste les lieux populeux : «Je ne comprends pas qu'on ait besoin de hurler pour se faire entendre. Ils me transforment en voyeuse malgré moi. Quand je suis obligée d'écouter les conversations des autres, j'ai l'impression d'assister à leurs ébats. Mais impossible d'y échapper, les bip-bip retentissent dans les cafés, les bus, les parcs et jusque dans les salles de classe. Un professeur de mathématiques n'en revient toujours pas. Il a été obligé d'interrompre ses explications savantes, parce qu'une de ses élèves organisait, par portable interposé, son repas de midi.
En Europe, il y a des zones «sans portable» dans le train ou au restaurant
Gageons qu'avec le temps les utilisateurs du portable sauront mieux se conformer aux règles du savoir-vivre. Déjà, les sonneries intempestives, de l'aveu d'un restaurateur huppé, se sont calmées dans les lieux fréquentés par les hommes d'affaires. il n'est pas rare non plus de voir des gens s'isoler pour émettre ou recevoir un appel. Dans les établissements scolaires, l'usage du portable est strictement interdit. Lors des réunions et des colloques, les gens commencent à avoir le bon goût de l'éteindre.
Mais le triomphe du portable pose une autre question : pourquoi suscite-t-il un tel engouement ? «La vie économique se fait de plus en plus dans l'urgence, et les habitudes prises dans l'économie déteignent sur notre vie privé, analyse Francis Jauréguiberry, sociologue au CNRS (dans Les Rituels du savoir, Seuil, 1998). L'attente est devenue insupportable. Tout ça est d'ailleurs infantilisant». En permettant de téléphoner de partout, le portable satisfait à cette exigence d'urgence.
Reste qu'utilisé judicieusement, il rend de précieux services. Utilisé immodérément, il devient un fil à la patte et nous métamorphose en esclaves électroniques. Sanaa, publicitaire, est une vraie accro. Il lui arrive souvent d'oublier son portable à son domicile, et, infailliblement, elle retourne le chercher, accomplissant ainsi une dizaine de kilomètres. Pourtant, un superbe téléphone fixe trône sur son bureau, prêt à satisfaire ses désirs. «Je sais que mon comportement peut paraître absurde. Mais je ne peux pas me passer un seul instant de mon portable. C'est ma liberté», dit-elle. Les accros sont légion. Mourad ne décroche qu'à son corps défendant. Dès que quelqu'un l'appelle, son regard s'illumine. A défaut, il s'assombrit. Lucide, Mourad confesse : «Quand mes connaissances sont trop occupés pour me faire signe, j'ai le sentiment de ne pas exister pour elles. Grâce au portable, je peux entretenir un lien permanent avec mes amis. Ils m'appellent, m'informent de ce qui se passe. A mon tour, je répercute ce que j'ai appris à d'autres».
L'accro se signale aussi par sa fâcheuse manie de «biper». Le terme n'est attesté par aucun dictionnaire dans cette acceptation-là. Elle est forgée au Maroc. Et sa fortune indique combien est répandue l'habitude de joindre quelqu'un pour se faire appeler, alors qu'il n'en éprouve peut-être pas le désir. Rappelons que 90% de mobilophones recourent à la carte prépayée qui, même épuisée, permet à son utilisateur de recevoir des appels pendant six mois.
On s'acheminerait vers un plus grand respect des règles de bienséance
Quand Mourad prête au portable des vertus «existentielles», Rachid, lui, s'en sert comme complice de ses amours coupables. Marié, il entretient une liaison avec une jeune demoiselle. Outil intime de communication, le portable permet petits mensonges et grands secrets. Jusqu'au faux pas ! Un jour, la femme de Rachid lui emprunte son portable et reçoit un appel plein de tendresse et sans ambiguïté. Quel impair !
Si le téléphone portable est assurément un outil indispensable, polyvalent, en un mot, exceptionnel, il ne faut pas en attendre des miracles lorsqu'on veut l'utiliser à des fins peu avouables!


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