115 000 entreprises assujetties à l'IS déclarent des déficits récurrents. Avec l'IS préférentiel de 15%, 13 200 TPE sont passées d'une situation déficitaire à des bénéfices. 2 000 entreprises ont par contre déclaré un chiffre d'affaires en dessous de 3 MDH en 2011 pour en bénéficier. On aurait pu croire la thématique de la Loi de finances 2012 consommée, les grandes lignes de ce budget ayant été dévoilées pratiquement depuis octobre dernier. Pourtant, le dîner-débat sur les dispositions fiscales de cette loi, organisé le 24 mai par La Vie éco, a fait salle comble. C'était en effet l'occasion pour Abdellatif Zaghnoun, directeur général de l'administration des impôts, d'éclaircir plusieurs points d'ombre. Et ceux-ci ne manquent pas, à commencer par le calcul de l'impôt qui sera prélevé pour alimenter le fonds de cohésion sociale (voir page 15). Pour rappel, la Loi de finances fixe cette taxe à 1,5% sur le profit des entreprises dégageant entre 50 et 100 MDH de bénéfice net et 2,5% pour les bénéfices supérieurs à 100 MDH. Mais «s'agit-il d'un impôt à barème progressif appliqué par tranche ?», s'interrogent les experts-comptables. La réponse du DG des impôts est sans équivoque : «Le taux d'imposition prévu pour chaque catégorie de bénéfice s'applique à l'intégralité du résultat net». Les entreprises sommées d'expliquer leur déficit Autre nouveauté qui interpelle les professionnels, l'obligation pour les assujettis à l'IS ou à l'IR, déclarant un résultat nul ou déficitaire, de produire à l'occasion du dépôt de la déclaration un état précisant l'explication de ces résultats. La direction générale des impôts planche actuellement sur le contenu de cet état qui devrait comporter un ensemble de rubriques à instruire. L'idée est d'obtenir auprès des contribuables des compléments d'information comptable fournie par les états de synthèse pour davantage renseigner le fisc sur les raisons du déficit déclaré. «Si l'entreprise dégage un déficit à cause de pertes de commandes, de marchés, ou en raison d'une dépréciation de stock par exemple, elle doit nous le faire savoir», explique M. Zaghnoun. A travers cette mesure, la DGI s'assigne un rôle «pédagogique», à savoir qu'elle vise à aider les entreprises à cerner les raisons de leur baisse de performance d'autant plus que les responsables légaux de l'entreprise doivent signer l'état explicatif du déficit. Mais évidemment, l'objectif premier reste la traque aux entreprises déclarant un résultat déficitaire de manière répétitive dans un but d'évasion fiscale. De fait, «les éléments explicatifs fournis par les déficitaires seront analysés et recoupés avec les informations dont nous disposons et s'ils ne sont pas convaincants ils donneront lieu à des contrôles fiscaux», fait savoir le directeur des impôts. Et sur ce plan, la DGI risque d'avoir du pain sur la planche, sachant qu'aujourd'hui plus de 115 000 entités soumises à l'IS déclarent un déficit de manière répétitive, soit 65% de la population totale d'assujettis. «Une situation d'autant plus anormale que 2% des entreprises paient 80% de l'IS», s'insurge le patron du fisc. Mais il faut dire que la DGI a attaqué de front le phénomène de l'évasion fiscale depuis l'année dernière déjà en introduisant deux mesures consistant en l'introduction d'un taux d'impôt sur les sociétés (IS) préférentiel de 15% pour les entreprises réalisant un chiffre d'affaires inférieur ou égal à 3 MDH (TPE) et en instaurant une amnistie fiscale pour les entités qui régulariseraient leur situation en intégrant le système fiscal. Après une année d'application, l'IS préférentiel semble avoir porté ses fruits puisque d'après les estimations préliminaires de la DGI, 13 200 TPE sont passées d'une situation déficitaire déclarée à des bénéfices. Quand on sait que 75% des assujettis à l'IS sont des TPE, on réalise l'importance de ces premiers signaux positifs. Sauf que cette mesure a également eu un effet pervers : jusqu'à 2 000 entreprises sont passées en 2011 en dessous du seuil de 3 MDH de chiffre d'affaires, ce qui fait peser sur elles des présomptions d'évasion fiscale. Le patron du fisc promet en tout cas d'analyser objectivement les déclarations de ces entreprises par secteur d'activité pour mener des contrôles chez les éventuels fraudeurs. La DGI estime qu'il lui faudrait 1 500 agents de contrôle pour mener à bien son travail Par ailleurs, l'amnistie fiscale proposée aux entreprises qui se mettent en conformité avec le fisc a encouragé 6 400 d'entre elles à s'identifier pour la première fois en 2011. Mais le pari n'est pas encore gagné pour l'administration. «La plupart des entités nouvellement identifiées ne sont que de petits opérateurs qui dégagent de faibles niveaux de chiffres d'affaires. La cible primordiale reste les entreprises de taille plus conséquente qui se maintiennent en dehors du système fiscal», concède M. Zaghnoun. Pour donner une dernière chance à cette population de gros opérateurs l'amnistie fiscale a été exceptionnellement reconduite jusqu'à la fin de l'année en cours. Au delà de ce délai, «cette cible sera visée en priorité par les contrôles fiscaux», avertit le patron des Impôts. Le planning des contrôles fiscaux est donc bien chargé pour l'administration et il faudra des moyens humains et matériels supplémentaires. Actuellement, la DGI effectue 1 500 contrôles fiscaux réalisés par 300 agents, ce qui est très faible de l'aveu du patron du fisc. Pour soutenir les ambitions de cette administration, son DG estime que ces ressources devraient quintupler pour atteindre 1 500 agents devant réaliser un total de 8 000 opérations chaque année.