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Le sanctuaire des dépenses fiscales
Publié dans Les ECO le 02 - 03 - 2014


Mohammed Benmoussa
Economiste et chef d'entreprise
www.mohammedbenmoussa.com
La fiscalité n'est pas une construction abstraite, ni même un amoncellement de règles et techniques comptables, juridiques ou financières, mais l'expression d'un projet de société. Un système fiscal reflète une vision politique et se bâtit sur des principes d'équité sociale et d'efficacité économique. L'égalité des contribuables devant l'impôt en est le principe cardinal car elle puise son fondement dans la Constitution même du Royaume, qui dispose dans son article 39 que «Tous supportent, en proportion de leurs facultés contributives, les charges publiques que seule la loi peut, dans les formes prévues par la présente Constitution, créer et répartir», et dans son article 40 que «Tous supportent solidairement et proportionnellement à leurs moyens, les charges que requiert le développement du pays, et celles résultant des calamités nationales et des catastrophes naturelles». Il est sidérant de voir que face à la clarté et à la force de ces deux dispositions constitutionnelles, le gouvernement actuel, comme les précédents d'ailleurs, continue de faire voter des lois de Finances contredisant leur esprit et dépourvues de ligne directrice. Cette absence de réflexion politique sur les finances publiques empêche notre pays de disposer d'un cadre et d'un cap pour sa fiscalité, et ouvre la porte à toutes les dérives d'amateurisme et de compromission. La problématique des dépenses fiscales (ou niches fiscales), en est la parfaite démonstration. Dans le néant de la pensée gouvernementale en matière fiscale, la seule chose qui semble s'affirmer est la volonté de faire des cadeaux à certains contribuables, ou du moins l'incapacité de faire cesser cet état de fait devenu règle d'or inscrite dans le marbre. Les dépenses fiscales se présentent sous diverses formes : exonérations totales, partielles ou temporaires, réductions, abattements, déductions, taxation forfaitaire et facilités de trésorerie. La magie des niches fiscales qui permet de faire disparaître l'impôt comme par enchantement, coûte à l'Etat la bagatelle de 32 à 36 milliards de dirhams par an. Ce montant a représenté en 2013 (34.2 Md DH) pas moins de 17% des recettes fiscales globales ou prés de 4% de la richesse nationale mesurée par le PIB. Sur la période 2006 à 2013, les dérogations fiscales ont totalisé pour un pays à revenu intermédiaire comme le Maroc la somme hallucinante de 234 Md DH, soit 1.3 fois les recettes fiscales prévues en 2014 ou plus de 28% de la richesse produite chaque année ! Et encore, ce chiffre ne reflète pas toute la réalité, puisque sur les 412 dispositions dérogatoires recensées par l'administration fiscale en 2013, seules 302 ont fait l'objet d'une évaluation qui est parfois discutable.
L'Etat ne dispose donc d'aucune visibilité sur l'impact financier des 110 dépenses fiscales non mesurées, mais les maintient religieusement en acceptant l'opacité totale. Evidemment, les parlementaires de la majorité, quelle qu'elle soit d'ailleurs, ne s'en offusquent pas et votent les lois de Finances avec discipline et bonne conscience. Nous assistons là à une manifestation supplémentaire des bonnes pratiques de la gouvernance publique au Maroc! Prisonniers de la pression des lobbies d'une ampleur inimaginable, les pouvoirs publics habillent la justification politique des dépenses fiscales par un ensemble d'arguments fallacieux et de lieux communs. Ainsi avance-t-on pieusement que le dispositif des niches fiscales vise à atteindre une multitude d'objectifs à caractère économique et social, avec comme trame de fonds la volonté d'encourager une action (dépense «verticale») ou de cibler une population vulnérable et de compenser un handicap (dépense «horizontale»). Le discours officiel se justifie vis à vis de l'opinion publique par la volonté de faciliter l'accès au logement, de développer l'économie sociale, le secteur agricole et la filière minière, ou de mobiliser l'épargne Intérieure. Comme il explique que l'Etat cherche à alléger le coût de la santé, à soutenir le pouvoir d'achat et à réduire le coût des facteurs et du financement. L'encouragement à l'investissement, aux exportations, à l'artisanat et à l'enseignement, ainsi que le développement des zones défavorisées, la promotion de la culture et des loisirs, l'attraction de l'épargne extérieure et la modernisation du tissu économique, font aussi partie de ce discours et viennent alimenter le catalogue des arguments de vente des pouvoirs publics. Une lecture rapide de cet argumentaire peut être trompeuse et suggérer le bien fondé économique et social des dépenses fiscales. Mais le diable est dans les détails ! Si l'on peut difficilement en quelques lignes analyser de prés l'ensemble des dérogations fiscales et leur cohorte d'intérêts particuliers, exercice pourtant salutaire qui relève de la responsabilité du gouvernement, des deux chambres parlementaires et de la Cour des comptes, il est néanmoins utile d'affirmer dans cette tribune la non comparabilité des dépenses fiscales en termes de bilan coût - avantage et de démontrer le caractère dispendieux des niches fiscales immobilières (6.1 Md DH en 2013), et plus précisément des exonérations fiscales accordées à la promotion immobilière dans le logement social, évaluées par le ministère de l'Economie et des Finances à 2.8 Md DH en 2013 dont 468 millions DH au titre de l'IS (chiffre largement sous estimé car la dépense fiscale relative à l'IS est évaluée à 665 millions DH en 2012 pour les seuls groupes Addoha & Alliances). S'il est incontestable que les 3.6 Md DH d'exonérations accordées aux exportateurs protègent des emplois et soutiennent le commerce extérieur en permettant à ces entreprises de réduire leurs coûts de revient et de proposer sur les marchés extérieurs des produits marocains plus compétitifs face à une concurrence internationale redoutable, ou que les 14 Md DH de dérogations (exonérations et taux réduits) en matière de TVA profitent pour une grande part aux couches sociales les plus défavorisées (1.4 Md DH pour les céréales, farines, pain et dérivés, 1.3 Md DH pour les viandes, 0.8 Md DH pour le sucre, 0.2 Md DH pour le lait, beurre et dérivés...), il n'en est pas de même pour les promoteurs du logement social. Ces promoteurs opèrent dans un marché purement national tant dans sa composante offre que demande. En effet, du côté de l'offre, il n'existe pas dans le logement social de concurrence significative exercée par de grands opérateurs chinois, turques ou européens, susceptibles d'entrainer une pression sur les prix de vente et les marges bénéficiaires des promoteurs.
Concernant la demande, la clientèle est quasi exclusivement marocaine, qu'elle soit résidente ou expatriée, et elle a été rendue solvable par des mécanismes de fonds de garanties financés par l'Etat, qui accorde en plus une multitude d'avantages aux promoteurs par la cession de réserves foncières du domaine public à des conditions financières très avantageuses et très éloignées de la réalité du marché, et par l'attribution de dérogations aux normes d'urbanisme inaccessibles aux petits promoteurs et souvent dans des conditions peu transparentes. Quant au prix de cession des logements sociaux objets des conventions avec l'Etat, il garantit une profitabilité et une rentabilité suffisamment élevées pour ne pas justifier un cadeau supplémentaire d'exonération des bénéfices au titre de l'IS. La meilleure preuve est la propension démesurée des groupes immobiliers du logement social à distribuer des dividendes au profit des actionnaires, plutôt qu'à mettre en réserves des profits qui viendraient en appui des fonds propres et de la capacité d'investissement et de financement de ces entreprises. Finalement, ces niches fiscales auront plus servi à distribuer des subventions indirectes d'investissements privés et à enrichir des hommes d'affaires, plutôt qu'à soutenir l'accès au logement social. Le retraitement des taux de marge nette en les corrigeant du montant de la dépense fiscale relative à l'IS, aboutit à des niveaux de bénéfices qui demeurent relativement élevés et qui assurent une profitabilité suffisante aux promoteurs. Les exonérations à l'IS accordées aux deux seuls groupes immobiliers privés côtés à la Bourse de Casablanca, ont représenté la coquette somme de 2.2 Md DH sur la période 2007 à 2012, auxquels il faut rajouter les montants d'IS non prélevés aux autres opérateurs du logement social dont les données financières ne sont pas publiées, comme les groupes Chaabi, Jamai ou Berrada (Palmeraie). Le groupe CGI, promoteur immobilier public filiale de la CDG et côté en Bourse, n'a bénéficié d'aucune dépense fiscale au titre de l'IS. Le gouvernement a l'obligation morale de détricoter toutes les dépenses fiscales pour n'en conserver que celles qui ont une utilité économique et sociale avérée, s'il veut rendre le système fiscal plus juste. Il doit se libérer de la pression des intouchables, s'il désire préserver le consentement des citoyens à l'impôt et rendre le sentiment d'injustice fiscale moins prégnant dans notre pays. A la réforme des niches fiscales doit succéder dans une seconde étape l'élargissement de l'assiette fiscale et la lutte contre la fraude. Nous devons engager rapidement une refonte générale de notre fiscalité des entreprises et des ménages, de notre fiscalité du travail, du capital et du patrimoine, de notre fiscalité de la production et de la rente. Aucune réforme fiscale ne pourra réussir si elle n'est pas juste, audacieuse et si elle ne traite pas de ces sujets essentiels pour le modèle de société que l'on souhaite construire pour le Maroc du 21e siècle. C'est à ce prix que la justice sociale et la dynamique sociétale seront préservées.


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