Quelques réalisations positives, certes, mais le rythme est encore tâtonnant. Voilà plus d'un an que le contrat programme avec l'Etat a été signé, et les professionnels de la céréaliculture jugent que le changement prend son temps. Au rang des réalisations, une réflexion entamée sur la compensation de la farine et quelques expériences pilotes concluantes sur l'agrégation agricole... Voilà à peu près tout. La moisson est plutôt maigre, au vu de toutes les ambitions qui avaient été tracées comme axes principaux du contrat-programme (voir encadrés ci-dessous). Celui-ci s'assigne pour objectif d'atteindre, à l'horizon 2020, un socle de production céréalière de l'ordre de 7 millions de tonnes en année moyenne pour une superficie d'environ 4,2 millions ha. Soit d'une part, une réduction de la superficie céréalière de l'ordre de 20% et, d'autre part, une amélioration de la productivité d'environ 50% par rapport à la performance actuelle. L'augmentation de la production se traduirait par une progression du chiffre d'affaires qui atteindrait près de 20 milliards de dirhams à l'horizon 2020 au lieu des 10 milliards réalisés en 2008. De même, les retombées se traduiraient par une réduction des importations de l'ordre de 15 à 20%, ce qui en limiterait la valeur à moins de 5 milliards de DH/an contre 6 milliards réalisés ces dernières années. Et l'on met les moyens pour réaliser ces objectifs. L'Etat contribue aux investissements dans la filière céréalière par un montant annuel de près de 660 millions de dirhams. Les professionnels sont également appelés à mettre la main à la poche. Les opérateurs à l'amont et à l'aval de la filière céréalière, sont appelés à injecter un investissement annuel global d'environ 1,9 milliard de dirhams contre près de 900 millions de dirhams déployés actuellement. Absence de marché structuré Il faudra bien tous ces moyens pour remédier aux insuffisances qui ressortent à tous les chaînons de la filière céréalière. En effet, l'amont est grevé par un faible niveau de productivité avec une moyenne ne dépassant pas 11 quintaux à l'hectare et un recul durant la dernière décennie estimé à -1% par an. À cela s'ajoute une forte volatilité de la production liée aux fluctuations pluviométriques et une faible compétitivité de l'amont céréalier national vis-à-vis de l'import. Comment en est-on arrivés là ? En cause, principalement, la part dominante des petites exploitations dans l'amont national. Ce fait engendre un déficit d'investissement dans la céréaliculture, marquée par un faible taux de mécanisation, une faible utilisation d'intrants performants ou encore une faible utilisation de systèmes d'irrigation d'appoint. Le «mid-stream» aussi hérite de son lot de faiblesses. On note, d'abord, le manque d'opérateurs structurants pouvant faire face à la concentration et à la volatilité de la demande. En plus de cela, le tissu d'importation bien que relativement structuré présente certaines inefficiences. Celles-ci résultent d'une part des interventions de l'Etat qui visent la protection des producteurs nationaux engendrant un manque de visibilité et d'anticipation des importateurs et induisant parfois des manques à gagner importants au niveau des importations. D'autre part, l'absence d'un marché structuré transmettant les signaux du marché mondial pouvant servir de référence pour le Maroc est pointée du doigt. Vient ensuite l'aval. Celui-ci est fragmenté avec une forte dépendance de certains acteurs du système de compensation actuel. En effet, on relève, d'un côté, la part importante des minoteries traditionnelles représentant encore près de 35% des écrasements nationaux. Et d'un autre côté on retient des différences notables de performances liées, notamment à l'âge moyen des installations, au degré d'intégration, à l'importation, à la localisation périphérique et à la position logistique. Des ajustements gagneraient à être opérés enfin en matière de régulation. Les mécanismes de régulation à l'amont et à l'aval de la filière céréalière dictés par la sécurité alimentaire en céréales engendrent des distorsions importantes et un coût très élevé pour l'Etat. Ainsi, au niveau de l'amont, on retient l'incitation à la production de céréales en particulier du blé tendre, dont l'impact reste faible sur le tissu de producteurs (le prix à la production bénéficie seulement à 300.000 céréaliculteurs commercialisant leur production). Au niveau de l'aval aussi, les insuffisances constatées concernent le maintien d'inefficiences au sein des minoteries et au niveau des circuits d'importation, le faible ciblage des consommateurs les plus fragiles en ce qui concerne les farines subventionnées et une subvention généralisée du pain induisant une déperdition et une surconsommation de ce produit par les ménages.