Directeur d'Exploitation de Red Rock Mining Créée il y a cinq à six ans, Red Rock Mining déploie ses permis dans l'Anti-Atlas et prépare, près de Ouarzazate, une première mise en production à l'horizon 2027. Son directeur de l'Exploitation, Mustapha Souhassou, détaille une stratégie centrée sur le cuivre, la valorisation locale et l'usage de la télédétection et de l'intelligence artificielle pour accélérer l'exploration. Un mot sur Red Rock Mining, et sur l'idée qui vous a poussés à miser sur le cuivre ? Red Rock Mining est une société minière marocaine, détenue par des actionnaires marocains. À l'origine, ce sont des amis qui ont décidé de s'engager dans l'activité minière, avec un objectif central, produire du cuivre, par conviction, pour accompagner la transition énergétique. Sur quel périmètre géographique s'étendent vos activités ? La société couvre l'essentiel du Sud marocain, principalement dans l'Anti-Atlas, avec plusieurs blocs, Ouarzazate, Taliouine, Gherm, Aqqa, ainsi qu'Adraraou Mellal et Tan-Tan, dans la zone de Guelmim. Une idée du portefeuille minier dont vous disposez aujourd'hui ? Le patrimoine minier se compose d'une quarantaine de permis, dont 38 permis de recherche, et une licence d'exploitation, sur le gisement d'Adi Delsane. Cette licence d'exploitation est votre projet le plus avancé. Où en êtes-vous ? Effectivement, le projet se situe aux alentours de Ouarzazate, à environ 25 kilomètres au nord-est de la ville, sur une zone où des ressources ont été identifiées comme prêtes à être mises en exploitation. La construction de l'usine doit démarrer début 2026, avec une mise en production et le traitement du minerai attendu début 2027. Vous évoquez une démarche d'exploration «novatrice» sur d'autres sites. Qu'entendez-vous par là ? Sur Taliouine, nous avons renforcé les approches classiques en mobilisant des expertises en géologie, géologie minière et géophysique, tout en introduisant des technologies comme la télédétection et l'intelligence artificielle pour gagner en temps et en efficacité. Concrètement, nous utilisons des images satellites que nous analysons pour repérer des zones à fort potentiel, afin de cibler ensuite les travaux de terrain. En quoi cette méthode change-t-elle la donne sur le terrain ? Dans l'exploration conventionnelle, un permis peut couvrir 16 km2, ce qui prend du temps à parcourir et fait courir le risque de passer à côté de secteurs intéressants. La télédétection permet, à l'intérieur de ce périmètre, de repérer des zones d'intérêt, puis nos géologues se concentrent sur ces cibles, cartographient, échantillonnent et étudient dans le détail. En combinant télédétection, géophysique et l'interprétation de ces données, y compris via l'intelligence artificielle, nous sommes passés, en deux ans, d'indices de surface à un gisement sur certaines zones. Taliouine est aussi présenté comme un projet argentifère. Que testez-vous exactement sur place ? À Taliouine, nous sommes dans une zone argentifère, non loin du gisement de Zgounder. Une machine réalise actuellement des sondages, le premier forage est en cours. Nous testons une anomalie très intéressante qui traverse le permis sur environ 4 km. Cette anomalie correspond à une zone dont les caractéristiques physiques diffèrent de son environnement, ce qui, pour un géologue d'exploration, est un signal à vérifier, en espérant qu'il s'agisse de minerai. Partant de là, votre modèle économique repose d'abord sur l'exploration, puis sur l'exploitation en propre ? L'idée est d'identifier des zones d'intérêt, puis de passer à une exploration plus «tactique», avec forages et sondages en profondeur, tranchées, et, si nécessaire, des travaux miniers pour caractériser la minéralisation. Ensuite, nous la circonscrivons dans l'espace, en trois dimensions, ce qui permet d'estimer tonnage et teneur, puis de transformer ces éléments en ressources. Une fois ces ressources certifiées, l'exploitation est lancée. Eh oui, l'objectif est de réaliser une exploitation en propre. Vous insistez sur la «valorisation» locale. De quoi s'agit-il concrètement ? Sur le cuivre, nous parlons d'un minerai autour de 1%. Il peut être vendu en l'état, mais nous souhaitons aller vers la concentration, et la réaliser nous-mêmes, via une unité de traitement dont la construction est prévue à partir de 2026, à proximité du gisement. L'idée est aussi de pouvoir traiter, à l'usine, du vrac provenant d'autres gisements ou d'exploitants locaux qui font de l'extraction mais n'ont pas les moyens de traiter. Valoriser, c'est augmenter la teneur, par exemple, pour passer d'une tonne à 1% à une tonne à 20%, ce qui change la valeur du produit, même si cela suppose des investissements. Le faire sur place réduit aussi des coûts logistiques et peut améliorer la marge des producteurs locaux, qui, sinon, doivent expédier loin leur minerai. Dans quel écosystème minier s'inscrit ce projet autour de Ouarzazate ? La région relève d'une culture minière ancienne, avec de nombreuses mines, dotée d'une forte vocation minière. Elle est décrite comme très désertique, avec deux activités essentielles, le pastoralisme et l'activité minière, et un peu de géotourisme. Elle est aussi présentée comme premier producteur national de barytine, contribuant au rang du Maroc au niveau mondial. La réforme du code minier avance. Qu'est-ce qui change, concrètement, pour la valorisation, notamment pour les petits producteurs qui vendent aujourd'hui en vrac ? La réforme est en cours, et une nouveauté me paraît particulièrement importante. Elle ouvre la possibilité de créer des unités de valorisation sans détenir nécessairement une licence d'exploitation, ce qui n'était pas autorisé auparavant. L'enjeu, c'est de répondre à une réalité de terrain, à savoir que beaucoup de petits producteurs font de l'extraction, mais n'ont ni les moyens financiers ni les capacités techniques pour franchir l'étape de la valorisation. Ils vendent donc en vrac. Cette évolution peut aider à structurer cet échelon-là. Quelle lecture faites-vous de la dynamique mondiale autour du cuivre et des métaux liés à la transition ? La demande s'accélère clairement avec la transition vers une économie plus verte. Les batteries, les câbles, et plus largement les infrastructures électriques deviennent structurants. Dans cette chaîne de valeur, des métaux comme le cobalt, le lithium ou les terres rares prennent une place centrale. On voit aussi des industriels investir directement dans la mine pour sécuriser leurs approvisionnements. Il y a des exemples, y compris au Maroc, et des initiatives similaires à l'international. Et le Maroc, dans cette conjoncture, attire-t-il davantage d'exploration ? Oui. Le pays est entré, à mon sens, dans une phase d'épanouissement exploratoire. Cela tient à plusieurs facteurs, entre autres, la réforme du cadre minier, la stabilité géopolitique et l'intérêt croissant des investisseurs. Dans un contexte où le besoin en matières premières devient plus critique, plusieurs profils d'investisseurs s'y intéressent, et l'on observe une dynamique particulière autour du cuivre. Ayoub Ibnoulfassih / Les Inspirations ECO