Mémorandum d'entente entre l'INPPLC et l'Autorité émiratie de reddition des comptes    Abdelouafi Laftit annonce une refonte d'envergure du régime électoral marocain, inscription numérique et probité du scrutin mises en évidence    Rencontre entre l'ambassadrice de Chine au Maroc et le chef de la MINURSO : Pékin salue le rôle de la mission dans la mise en œuvre des résolutions du Conseil de sécurité    Nicolas Lerner : «Les services marocains sont des partenaires très efficaces, précieux, essentiels en matière de lutte antiterroriste»    "Dbibina" trace la limite entre liberté d'expression et félonie    Le Polisario échoue à organiser un débat au Parlement britannique    Les drones des FAR déjouent une attaque du Polisario à Es-Smara, une dizaine de miliciens tués    Maroc : Le port de Nador West Med opérationnel d'ici fin 2026 (Nizar Baraka)    Le Maroc au cœur du futur corridor ferroviaire Algésiras–Zaragoza, clef du transport durable entre l'Europe et l'Afrique    Affaire Sansal : le régime algérien, acculé par l'Occident, transforme sa peur en mise en scène humanitaire    Reprise des vols directs entre le Maroc et Israël    Espagne : Pedro Sanchez esquive les questions sur le Sahara à la Chambre des représentants    Moroccan swimmers shine at Islamic Solidarity Games with gold and bronze in Riyadh    Après Paris et New York, les Winners du WAC illuminent le ciel de Casablanca pour les 20 ans    Phase 3 des billets pour la CAN 2025 disponible en ligne dès samedi    Tangier Mobility launches Stadium Access portal for Grand Tangier Stadium events    L'Indice du crime organisé place le Maroc au 79e rang mondial    Maroc : Les vieux chênes-lièges de la forêt de Maâmora, puissants puits de carbone [Etude]    FIFM 2025 : Asmae El Moudir, Karima Saïdi et Nadine Labaki parmi les 16 figures en Conversations    Marrakech Film Festival 2025 : Conversations with Bong Joon Ho, Guillermo del Toro, And more    Maroc : Volubilis renseigne sur la transition de l'ère maurétano-romaine à l'islam    Emploi des femmes : Talents inexploités, croissance non réalisée [INTEGRAL]    Ports, routes et barrages : Baraka trace la nouvelle carte infrastructurelle du Royaume    Barrages CDM26 Asie : Ce jeudi, Irak vs Emirats Arabes Unis : Horaire. Chaînes ?    Prépa. CDM(f) futsal : Les Lionnes s'inclinent de nouveau face aux Espagnoles    Handball / Tirage. CAN 2026 : le Maroc dans le 2e pot ce vendredi    Espagne : le Real Madrid rebaptise le Santiago Bernabéu    Amicaux : Les Lions de l'Atlas achèvent leur préparation avant de rejoindre Tanger    Bourse de Casablanca : ouverture en bonne mine    COP 32. Addis-Abeba, future capitale mondiale du climat en 2027    WASOP : Le Cap-Vert s'engage pour un océan plus durable    Le Maroc partage son savoir-faire avec le Nigeria pour prévenir l'extrémisme violent en milieu carcéral    Découverte au Maroc d'un scorpion marin géant vieux de 470 millions d'années    Mariage des mineurs : moins de demandes, mais la pratique perdure (Rapport)    Ouganda – Rwanda. Vers une intégration régionale accrue    Syrie-Israël : Damas engagé dans des négociations directes avec Tel-Aviv    Chômage. Un fléau persistant en Afrique du Sud    Les températures attendues ce jeudi 13 novembre 2025    Le temps qu'il fera ce jeudi 13 novembre 2025    Les découvertes archéologiques au Maroc ouvrent de nouvelles perspectives pour comprendre l'Histoire humaine    Affaire Samuel Paty : Au Maroc, la famille d'Abdelhakim Sefrioui se mobilise    Le jour où New York a voté pour elle-même    L'Allemagne fait plier Alger : une "grâce humanitaire" qui cache une capitulation diplomatique    Le partenariat entre BlueBird Aero Systems et Rabat progresse sur le plan technique, mais le lancement de l'usine marocaine reste un mystère    La Fondation Trois Cultures reconnue par l'UNESCO comme "Centre de Catégorie 2"    La FNM, la FRMJE et la Ligue régionale Rabat-Salé-Kénitra des jeux électroniques s'allient pour promouvoir la culture numérique    Du nord de l'Europe jusqu'au Maroc : Une carte numérique déterre 300.000 km de routes romaines    Artisanat: Lancement de la 3è édition du programme «Les trésors des arts traditionnels marocains»    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



De la Libye vient toujours du nouveau
Publié dans Le Soir Echos le 20 - 05 - 2011

En 395, l'Empire romain, en difficulté, fut divisé administrativement en deux. La ligne de partage passa, à peu de choses près, par la frontière actuelle entre la Croatie et la Serbie. Les auteurs occidentaux rappellent souvent cette permanence historique: cette frontière de 395 est celle qui sépare aujourd'hui l'Union européenne du bourbier serbo-bosniaco-albanais, autant dire l'Europe de l'Orient compliqué. Mais prolongeons la frontière romaine de 395 sur la rive sud de la Méditerranée: elle traverse exactement la Libye en son milieu, partageant ses deux masses, la Tripolitaine et la Cyrénaïque, entre l'Occident et l'Orient, le Maghreb et le Machreq. Ni les Ottomans, ni les Italiens, ni Kadhafi ne réussirent à l'effacer.Car la Libye est une croix. Elle porte sa passion dans sa géographie : deux fractures fortes et antiques la traversent.
La première, longitudinale, sépare la Tripolitaine de la Cyrénaïque, que les Arabes nommèrent Barqa. Bien avant 395, dès le VIe siècle avant J.-C., la Libye actuelle se trouve déchirée par cette fracture. Salluste, auteur romain – et gouverneur d'une province de l'Afrique du Nord pour le compte de l'Empire pendant quelques années – raconte l'histoire de l'établissement de la frontière entre les deux territoires. Le vaste désert, qui ne se laboure ni ne se cultive, était disputé entre les Carthaginois maîtres de la Tripolitaine et les Grecs établis dans la Cyrénaïque. Carthage et Bérénice (Benghazi) envoyèrent chacune deux coureurs. Ils avalèrent les distances de sable jusqu'au lieu où se fixa la frontière. Les coureurs carthaginois, deux frères jumeaux, moururent d'épuisement à leur rencontre avec les Grecs. On construisit pour eux une borne commémorative. La seconde fracture, latitudinale, est climatique : elle sépare la mince frange méditerranéenne de l'immense Sahara. Car nulle part ailleurs en Afrique du Nord, le désert ne vient si près s'abreuver aux eaux de la Méditerranée. L'Egypte est câblée à l'humidité équatoriale par le Nil, le Maghreb connaît des gradations subtiles qui atténuent l'effet du Sahara et doucement le transforme en climat méditerranéen. La Libye, dès la plus haute antiquité, fut le lieu où se confrontent avec le plus de violence le dur labeur du paysan méditerranéen et la répétition incessante du désert.
Ses deux frontières intérieures courent le long de l'histoire plurimillénaire du pays. La Tripolitaine et la Cyrénaïque sont comme deux mains d'un même corps qui essaient vainement de se rejoindre, l'une enchaînée au Maghreb, l'autre à l'Egypte. Les grandes cités se retrouvent de part et d'autres du Golfe des Syrtes ; les dialectes y ont des sonorités différentes, la résistance contre le colonisateur italien y eut deux héros, Omar al Moukhtar à l'Est, Mohammed Fekini à l'Ouest, jusqu'aux réserves d'hydrocarbures, quasi équitablement partagées entre les deux provinces…
Quant à la frontière du désert et de la côte, ni l'unification culturelle par l'Islam ni les politiques volontaristes du siècle passé, des Italiens à Kadhafi, n'ont réussi à l'effacer. Au contraire : la Libye, on l'oublie souvent, fut avec la Palestine et l'Algérie, la seule tentative de colonisation radicale que connut le monde arabe. Les Italiens de l'entre-deux-guerres, forts du bellicisme revanchard des fascistes, procédèrent à des déportations de populations, pour vider les zones cultivables du Nord, déportant les Libyens vers l'intérieur désertique. Les tribus et les clans dont se gargarisent les commentateurs ne sont pas des pièces folkloriques authentiques mais des débris nés du refoulement vers le désert et le repli tribal, qui suit toujours, au Maghreb, la destruction des structures étatiques.
Pour que le printemps arabe, qui ne fait que commencer, n'ait pas, comme la chute du mur de Berlin, sa Yougoslavie, il faut être attentif à ce que ces très vieilles frontières ne saignent pas de nouveau. Au-delà de la personnalité grotesque de Kadhafi, des objectifs contradictoires de l'Otan, de la Ligue arabe et de l'Union européenne, ces antiques lignes de tension doivent être surveillées pour que la Libye ne voie pas, de nouveau, son territoire couturé de frontières commémoratives, comme celles dont parlait Salluste, déjà. Pour que le nouveau qui nous vient de Libye ne soit pas une répétition du plus ancien.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.