L'Allemagne met le régime algérien à l'épreuve : la libération de Boualem Sansal en échange de la poursuite des soins de Tebboune    JSI Riyad 2025. Finale . Futsal / Maroc-Iran ce mardi : Horaire ? Chaînes ?    CAF : « Le ballon officiel de la CAN 25 rend hommage au zellige marocain »    Laâyoune/CSPJ : Documenter et enseigner la jurisprudence relative à la Cause nationale    Omar Hilale sur Newsmax : le Maroc salue le « tournant Trump » et espère une visite du président américain au Sahara    Abdeslam Alaoui Smaili : "Les stablecoins font partie des infrastructures de la finance du futur"    Le Maroc accueillera le Sommet économique sino-africain 2026    Bourses professionnelles : l'OFPPT et Younes Sekkouri se renvoient la responsabilité des retards    De pluie et d'eau fraîche    Plan d'autonomie au Sahara : Des conseillers du roi Mohammed VI se réunissent avec les chefs de partis    Le Sénégal salue les Initiatives royales pour le développement de l'Afrique    Palestine : Escalade de la violence des colons en Cisjordanie occupée    Terres rares : Pékin suspend les restrictions des exportations vers les USA    Etats-Unis / Shutdown : Le trafic aérien réduit « à peau de chagrin »    Alger sous pression pourrait libérer l'écrivain Boualem Sansal après demande allemande    Sahara : Le Sénégal salue l'adoption de la résolution 2797 du Conseil de sécurité    Détournement de fonds publics : L'Exécutif décrète la tolérance zéro !    Mondial U17 : Après la défaite du Mexique, le Maroc se qualifie pour le deuxième tour    Rabat : Réunion du Forum consultatif de la FIFA avec les professionnels    Ticket sales for Morocco vs Uganda friendly at Tangier stadium now open    Gymnastique : La Ligue du Sud célèbre avec éclat le 50ème anniversaire de la Marche Verte    France : La police enquête sur les célébrations des supporters du Wydad Casablanca à Paris    París: En el Olympia, los 50 años de la Marcha Verde se celebran con alegría    España: En sus memorias, el rey Juan Carlos guarda silencio sobre la cuestión del Sáhara    Le Maroc, pionnier de la souveraineté génomique africaine    Safi: Santé pour tous, un hommage en actes !    Jadida: L'Association "All Riding Family" s'envole au chevet des familles démunies des zones rurales de Demnat    FIFM 2025 : Une sélection de 82 films, dont 15 marocains, 14 en compétition et 8 en première    Nour-Eddine Lakhmari signe son grand retour avec Mira, en compétition au Festival de Tallinn    L'Italie célèbre les 2500 ans de la ville de Naples avec deux concerts à Rabat et Tanger    Histoire : La Marche verte racontée par Mohammed Dakka    Paris : À l'Olympia, les 50 ans de la Marche verte célébrés dans la joie    Nabil Mouline explore mille ans d'histoire du Sahara dans un documentaire    PLF 2026 : Fitch met en garde contre les dépassements des budgets alloués aux infrastructures    La Bourse de Casablanca démarre dans le rouge    Disparition d'un canot au large de Boujdour : Les familles des jeunes migrants appellent à l'aide et à la vérité    Le dirham se déprécie de 0,8% face à l'euro entre septembre et octobre 2025    Niger : Plus de 220 terroristes "neutralisés" en octobre dernier    France : Le parquet général favorable à la libération de Nicolas Sarkozy, la cour d'appel rendra sa décision à 13h30    Aziz Akhannouch : « La consécration de la justice sociale dans les provinces du Sud est au cœur des priorités du gouvernement »    Akhannouch : «Aid Al Wahda célèbre l'unité du peuple marocain et sa mobilisation derrière son Roi»    Conseil de gouvernement: Prix de transfert, centres de vacances et statut des fonctionnaires du Conseil de la concurrence au menu    CAF Awards 2025 : Rabat accueille la crème du football africain    Info en images. CAN-Maroc 2025: le ballon officiel de la TotalEnergies CAF dévoilé    Guelmim-Oued Noun: Près de 1 MMDH d'investissement public    Baisse de 17% des demandes d'autorisation de mariage de mineurs en 2024, selon le CSPJ    Oujda: Ouverture de la 13e édition du Festival international du cinéma et immigration    La Marche verte, une épopée célébrée en grand à Agadir    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Le tyran et le chasseur de primes
Publié dans Le Soir Echos le 08 - 09 - 2011

Dans un album fameux de Lucky Luke, « Le juge », Goscinny et Morris nous donnent à voir la « Justice à l'ouest du Peco » : arbitraire, corruption, lynchage et exécution sommaire, en la personne du cabaretier et « juge » Roy Bean. Le Peco est une rivière du Texas. Au milieu du XIXe siècle, elle marquait le début du Far-West, là où la civilisation et la loi s'arrêtent pour céder la place à l'arbitraire du plus fort. Si ce n'était l'humour en moins, et le passage à l'acte en plus, on se croirait de nouveau revenu à l'époque du juge Bean.
La tête de Kadhafi a été mise à prix, comme avant lui celle de Sadam Hussein, et comme, avant ce dernier, celle de Ben Laden. Dans les prochains jours, les prochains mois, peut-être dans quelques années, on exhibera la tête déchue et humiliée de Kadhafi. Nous autres hommes du XXIe siècle sommes désormais habitués à ce genre de western. Et là où l'on trouva à juste titre barbare la mise à prix de la vie de Salman Rushdie par Khomeyni, personne ne s'interroge plus sur ces chasses à l'homme, prononcées « du bon côté »…
La mise à prix de la vie d'un homme, le fait de rendre « son sang licite » selon l'expression islamique, n'est pas un banal supplétif à la justice mais l'aveu d'une impuissance. Pratiquée dans le Far-West américain, elle faisait partie des caractéristiques du « wild West », là où les règles énoncées par le code civil et les usages urbains ne pouvaient être appliqués. Que de telles pratiques – exécution extra-judiciaire de Ben Laden au Pakistan, il y a quelques mois, mise à prix, donc chasse à l'homme ouverte, de Kadhafi – se renouvellent alors que jamais on n'a autant sanctifié les droits de l'Homme et la régularité des procédures judiciaires, voilà qui soulève deux paradoxes.
Le premier tient aux frontières dans lesquelles s'applique cette chasse à l'homme. Mettre la vie d'un homme aux enchères avait pour corollaire la possibilité du reprouvé à trouver refuge dans le « no man's land » de la civilisation : le désert, les territoires indiens, la forêt. La société fondait avec le criminel un nouveau pacte : hors de la civilisation, il redevenait une bête que la justice ne protégeait plus, mais que la nature inhospitalière pouvait éventuellement abriter. Or Kadhafi – comme avant lui Sadam – n'ira ni au Venezuela ni en Russie, il n'y aura pour lui ni Arabie hospitalière ni Charm-El-Cheikh où soulager sa mélancolie du pouvoir. On met aujourd'hui à l'encan la tête de criminels qu'on peut arrêter par un effort qu'on préfère économiser au profit d'une pratique barbare et anachronique. C'est par commodité, non par nécessité, qu'on revient à de telles pratiques.
Quant au second paradoxe, il tient aux dictateurs visés. Car nul n'imagine Ben Ali ou Moubarak avec un contrat sur la tête : en effet, ni Moubarak ni Ben Ali n'ont transgressé une certaine frontière. Non pas bien sûr celle des droits de l'Homme ou de la moralité publique la plus basique – ils seront ou ont déjà été jugés pour cela – mais on estime, inconsciemment, que la torture policière, la corruption, mêmes les meurtres d'opposants, sont passibles d'une justice humaine. Qu'ont donc fait les Sadam Hussein, Kadhafi et Ben Laden pour mériter pareille chasse à l'homme? Ici, on est aux frontières de l'interdit imprescriptible et impossible à condamner selon des voies normales. Comme si la mise à mort rituelle, où se mêlent les dollars, la chasse et le sang, peut, seule, ramener l'équilibre rompu par la folie du criminel. Tel est le second paradoxe : pour certains crimes et criminels, l'idéologie des droits de l'Homme garde encore une clause secrète, permettant la loi du talion.
Que disent de telles pratiques ? Que la Méditerranée est le nouveau Peco, frontière entre la civilisation et le Far-South ? Ces chasses à l'homme, ces dernières années, ont concerné des hommes issus de ce « Grand Moyen-Orient », symbole d'un certain refus de l'ordre mondial. Si l'on veut que les révolutions de 2011 marquent les retrouvailles entre les sociétés arabo-islamiques et la démocratie globale, encore faut-il que de telles pratiques, aussi efficaces soient-elles, cessent.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.