À travers un rapport publié en décembre, la Banque mondiale met en lumière les défis budgétaires de la santé dans les pays à revenu faible et intermédiaire inférieur. Le rapport cite l'expérience marocaine comme un cas d'étude dans l'élargissement progressif de la couverture médicale obligatoire. Les conclusions du rapport analytique « Investing in Health: Pathways for a Fiscal Pivot », publié en décembre 2025 par la Banque mondiale, revêtent une pertinence directe pour le Maroc. Ce document de référence porte sur l'évolution des dépenses publiques de santé dans les pays à revenu faible et intermédiaire inférieur, dans un contexte mondial marqué par des contraintes budgétaires croissantes et des attentes sociales accrues en matière de protection sanitaire. S'appuyant sur des recherches, des études de cas et de vastes consultations auprès de représentants gouvernementaux et d'experts internationaux, le rapport dresse un constat clé. Malgré des progrès enregistrés sur le long terme, la croissance des dépenses de santé publique a nettement ralenti dans de nombreux pays, alors même que les besoins augmentent. Cette tendance s'explique par un espace budgétaire de plus en plus contraint, une diminution de l'aide extérieure et une concurrence accrue entre les priorités publiques. Dans ce contexte, la Banque mondiale appelle à une réorientation des stratégies de politique budgétaire en faveur de la santé, en combinant transferts budgétaires, contributions sociales et aide au développement. L'objectif est d'accélérer les progrès vers la couverture sanitaire universelle et d'atteindre les objectifs de développement durable liés à la santé, tout en tenant compte du contexte politique et institutionnel spécifique à chaque pays. Parallèlement, le Maroc a opté pour une approche plus large en rendant la couverture obligatoire pour l'ensemble des travailleurs, indépendamment de leur statut professionnel. Selon l'analyse de la Banque mondiale, cette orientation permet d'élargir significativement l'assiette contributive, même si les gains potentiels varient selon le niveau de revenu des pays. Lire aussi : M. Tehraoui lance les services du Centre Hospitalier Régional de Fquih Ben Salah et de 14 centres de santé dans la province d'Azilal Le modèle marocain retient l'attention de la Banque mondiale Le Maroc est cité comme un exemple de cette dynamique progressive. Le Royaume a lancé l'Assurance Maladie Obligatoire en 2005, en ciblant initialement les salariés du secteur formel. À partir de 2016, le dispositif a été progressivement élargi à plusieurs catégories du secteur informel, notamment les artisans, les chauffeurs de taxi, les travailleurs indépendants et les freelances organisés au sein de structures professionnelles. Une étape décisive a été franchie en 2022, lorsque le Maroc a étendu l'Assurance Maladie Obligatoire à l'ensemble des travailleurs informels, y compris les agriculteurs et les travailleurs journaliers. La même année, les autorités ont procédé à l'unification du régime contributif et du dispositif non contributif destiné aux populations vulnérables au sein d'un programme national unique, baptisé AMO TADAMON. Le rapport souligne que, quelle que soit l'approche adoptée, tous les pays étudiés prévoient des exemptions pour certaines catégories de la population. Celles-ci concernent principalement les personnes en situation de vulnérabilité, les bénéficiaires de programmes d'assistance sociale, les étudiants et les groupes ayant des besoins spécifiques en matière de santé. Dans ce cadre, l'expérience marocaine est présentée comme une tentative de trouver un équilibre entre l'élargissement de la couverture, la justice sociale et la viabilité financière. Toutefois, le cas marocain apparaît comme un laboratoire de politiques publiques confronté à un défi d'équilibre délicat entre ambition sociale et soutenabilité financière. Si l'élargissement de l'assurance maladie obligatoire constitue une avancée structurelle majeure en matière d'inclusion sanitaire, le rapport de la Banque mondiale invite à une réflexion plus large sur les mécanismes de financement à long terme. Il souligne que la réussite de cette transition dépendra moins de l'architecture juridique des régimes que de la capacité de l'Etat à consolider ses marges budgétaires, à renforcer l'efficience de la dépense publique et à articuler solidarité nationale et contributions effectives. À ce titre, l'expérience marocaine, saluée pour sa portée et sa rapidité d'exécution, s'inscrit désormais dans une phase où la consolidation financière devient un enjeu central pour garantir la pérennité du droit à la santé.