Le taux de préscolarisation des enfants de 4 à 5 ans dépasse désormais 70 % au Maroc, un bond significatif au cours de la dernière décennie. Si cette progression traduit une avancée en matière d'accès à l'éducation, l'évaluation nationale met en évidence des disparités territoriales et sociales qui continuent d'influencer la qualité des apprentissages et les trajectoires futures des enfants. L'enseignement préscolaire au Maroc a connu une expansion sans précédent depuis le lancement du programme de généralisation en 2018. Selon le Conseil supérieur de l'éducation, de la formation et de la recherche scientifique (CSEFRS), le taux de préscolarisation est passé de 50,2 % en 2015 à 70,4 % en 2025. Ce progrès est particulièrement sensible en milieu rural, où le taux a grimpé de 36,3 % à 75,6 %, dépassant désormais celui des zones urbaines. Cette tendance s'explique par l'extension rapide du réseau public, qui a vu le nombre d'unités passer de 6.185 en 2018-2019 à 23.182 en 2024-2025, tandis que les structures non structurées ont fortement diminué, de 18.882 à 4.946 unités. La croissance quantitative s'accompagne également d'un appui financier notable. Le budget public alloué au préscolaire a plus que doublé en six ans, passant de 1,13 milliard à près de 3 milliards de dirhams, permettant une amélioration progressive des infrastructures et des ressources pédagogiques. Le corps enseignant s'est aussi élargi, avec 49.885 éducateurs et éducatrices en 2025, dont une forte majorité de femmes, représentant 90 % en milieu urbain et 81 % en rural. Malgré ces avancées, l'évaluation menée en partenariat avec l'UNICEF souligne des disparités persistantes. Les enfants issus du préscolaire privé ou des structures en partenariat affichent des performances supérieures à celles des enfants du préscolaire public, avec un écart moyen de 14 points entre le secteur privé et le public. Les écarts entre milieux urbain et rural restent également significatifs : les enfants urbains obtiennent en moyenne 66 points sur 100, contre 58 points pour leurs pairs ruraux. Les compétences en lecture et écriture précoce demeurent le point le plus faible, avec une moyenne nationale de 56 points, alors que les enfants affichent de meilleurs résultats en compétences socio-émotionnelles et pré-mathématiques. Le rapport identifie plusieurs facteurs structurels à l'origine de ces inégalités. La dispersion géographique, la faible densité dans certaines zones, le manque de ressources pédagogiques et l'hétérogénéité des qualifications des éducateurs influencent directement l'expérience d'apprentissage. Les différences socio-économiques jouent également un rôle majeur : 70 % des enfants vivent dans des familles dont le revenu mensuel est inférieur à 5.000 dirhams, et les enfants de familles aisées tendent à obtenir de meilleurs résultats, souvent renforcés par des pratiques comme la lecture à domicile. Pour relever ces défis, le CSEFRS préconise une consolidation de la qualité de l'enseignement préscolaire, un renforcement de la gouvernance et du pilotage institutionnel, une meilleure coordination avec les collectivités territoriales et une professionnalisation accrue des éducateurs. L'objectif est d'assurer un accès équitable et des conditions d'apprentissage homogènes sur l'ensemble du territoire, garantissant à tous les enfants un départ scolaire solide et des chances égales pour l'avenir.