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Retour au pays de l'enfance
Publié dans Le Soir Echos le 29 - 06 - 2012

A l'âge de 22 ans, Daoud Aoulad Syad a été reconnu par Henri Cartier Bresson comme un photographe de talent. Une vocation confirmée par ses travaux ultérieurs : Marocains, Territoires de l'instant, Boujaâd, son travail sur les artistes du Festival des arts populaires et jusqu'à certaines parmi ces dernières photos en couleur. Le même HCB lui a conseillé de retourner dans son pays alors qu'il était sur le point d'intégrer l'Agence Magnum. Si Daoud Aoulad Syad définit sa photographie comme une photographie d'auteur, il est par ailleurs évident qu'il est l'héritier de la photographie humaniste. Trois noms l'ont, selon toute vraisemblance, marqué : l'immense HBC, Robet Frank (Américains) et Gilles Peress, Telex Iran. Ceci dit, la photographie de Daoud Aoulad Syad a son propre imaginaire lié à l'enfance, au pays de l'enfance (Marrakech, l'espace de Jamaa El Fna, en l'occurrence), à la mémoire du corps et au nom, le sien. « Syad » veut dire littéralement « chasseur ». – L'assimilation de la photographie à la prédation est très connue (Susan Sontag, Serge Tisseron, entre autres). – Il signifie aussi, selon le contexte,
« pêcheur ».
Evoquant l'enfance pour expliquer son désir de la photographie, Daoud Aoulad Syad rapporte ce souvenir : « Un jour, le cirque Amar est arrivé place Jamaâ El Fna. Ce qui m'intéressait le plus, c'était la fête foraine autour du cirque. Je m'y attardais avec les copains pour admirer le danseur. De retour chez moi, je m'enfermais dans une chambre, et commençais à danser et à l'imiter devant une glace. Un dimanche, j'étais allé le voir très tôt. Le danseur m'a aperçu en train de l'imiter et m'a demandé de monter sur les planches pour danser à côté de lui. J'étais heureux. Je suis monté, tout le monde a commencé à applaudir. En descendant, le patron m'a donné un dirham, et m'a demandé de revenir le dimanche suivant. Le dimanche d'après le cirque était parti. Ce soir là, j'ai beaucoup pleuré ».
Ces pleurs de l'enfance qui croit en l'innocence du monde, nous les avons tous connus. Mais pour si banal qu'il paraît, ce souvenir nous ramène à l'expérience du deuil, à l'épreuve de la disparition, à la fragilité et à l'éphémère de l'existant. Il est une autre expérience du deuil dont Daoud porte le souvenir, celle du père. Il n'en parle presque jamais. Sinon par le détour du cinéma, dans En attendant Pasolini. Présence, par contre, de la mère dans sa photographie et dans son cinéma. Comme si elle était l'emblème de la terre natale et comme si cette photographe était un hommage à la figure sublimée de la Mère. L'absence donc de l'un (le père) est compensée par la présence souveraine de la Mère. Dualité de la présence-absence et travail du deuil qu'on attribue à toute photographie.
Le thème de la photographie de Daoud Aoulad Syad est le pays natal (scènes du quotidien, lieux, personnages, grands espaces, folklore – au sens noble du terme) comme si le photographe marocain n'était jamais sorti de cet âge de l'éblouissement devant la beauté renouvelée du monde qu'est l'apanage de l'enfance. Car il s'agit ici d'un regard d'enfant, où se conjuguent une virtuosité instinctive, un bonheur innocent et un désir de la rencontre. C'est un enfant qui cligne des yeux pour cacher le geste furtif du regard et la pensée malicieuse qui se cache derrière. Et c'est avec ce regard que Daoud « lit » – car il s'agit aussi d'une forme de lecture, j'y reviendrai – et donne à voir son pays : « Car « lire » un pays, c'est d'abord le percevoir selon la mémoire du corps. Je crois, ajoute Barthes, que c'est à ce vestibule du savoir et de l'analyse qu'est assigné [le photoraphe] : plus conscient que compétent, conscient des interstices mêmes de la compétence. C'est pourquoi l'enfance c'est la voie royale par laquelle nous connaissons le mieux un pays. Au fond, il n'est de pays que de l'enfance ». Mais où réside cette « conscience» dans la photographie de Daoud Aoulad Syad ?
Dans un de ses derniers entretiens, Edouard Glissant définit les trois dimensions de sa poésie : le paysage (l'espace), car dans une expérience de la colonisation la relation au paysage est limitée et garrotée ; le temps, car il s'agit de réparer le « chaos », sinon le désordre, provoqué par la même colonisation et enfin le langage (réappropriation de son propre langage et appropriation de langages nouveaux). Avec sa photographie, sa poésie à lui, Daoud Aoulad Syad s'engage dans ces trois processus de réparation par lesquels le sujet décolonisé ré-émerge sur la scène du monde. L'autre indice de cette conscience politique se manifeste dans le choix des sujets de sa photographie et la prédilection exclusive pour la marge : le Maroc ancestral, le peuple, la campagne, le Grand Sud, son Sud magnétique qu'on trouve aussi dans son cinéma. Il y a, dans la photographie de Daoud Aoulad Syad, sous-jacente, à la limite du refoulement, une revendication de la négritude et une dénonciation de ce largage de toute une géographie ( race, paysage) et de tout un pan de la culture marocaine qui lui montre, palpable, sa part d'africanité. C'est donc avec un vrai bonheur que nous retrouvons la photographie de Daoud Aoulad Syad. Après quasiment 30 ans d'absence sur les cimaises des galeries, et parallèlement à une carrière cinématographique qui fait de lui aujourd'hui le cinéaste marocain que tous les festivals internationaux récompensent, DAS revient à ses premières amours et nous gratifie d'une exposition de « vintage », de très belle facture, en noir et blanc et en argentique à la galerie de l'aimance de Casablanca..
Enseignant-chercheur


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