Investissements directs étrangers : l'immobilier ne connaît pas de passage à vide    Matériaux médicaux : La structuration juridique et financière de Dislog Medical Devices finalisée    Croissance : la fracture territoriale s'aggrave    Aérien : Ryanair réduit son offre en Espagne au profit de six pays dont le Maroc    Résultats semestriels : Cosumar tire profit de l'export et renforce sa performance    Objectif 2050 : Le Nigéria veut rejoindre le cercle des nations développées    Cinéma : le FIFM lance un programme pour structurer son soutien    Abou Dhabi prévient contre l'annexion israélienne de la Cisjordanie qui compromettrait les Accords d'Abraham    Chine : l'été 2025 a été "le plus chaud jamais enregistré"    Mercato : Ilkay Gündogan quitte Manchester City pour Galatasaray    Mondial U20 : Double confrontation amicale Maroc-USA, les 5 et 7 septembre en Espagne    Le technicien argentin Sampaoli rebondit à l'Atlético Mineiro    Séisme de magnitude 4,5 ressenti dans la province d'Al Haouz    Laâyoune : La Coalition des ONG sahraouies met en lumière les disparitions forcées à l'occasion de la Journée internationale de soutien aux victimes    USA: le Congrès face au risque d'une paralysie budgétaire    L'Istiqlal ouvre une brèche au sein de la majorité sur fond de débat budgétaire    Maroc–Etats-Unis : exercice naval conjoint à Casablanca pour renforcer la sécurité portuaire    Macron affirme qu'«aucune offensive» ou «tentative d'annexion» n'enrayera le mouvement de reconnaissance de la Palestine    Cours des devises du mercredi 03 septembre 2025    Managem annonce la production du premier lingot d'or de la mine de Boto au Sénégal    Afro Basket U16 Rwanda 25 : Les Lionceaux entament la compétition cet après-midi    Qualifs africaines CDM 2026 : La J7 débute cet après-midi    Qualifs africaines CDM 26 / Arbitrage : Un quatuor marocain pour Mali-Comores à Berkane    Entre médiation et pression... L'affaire de la mineure de Smara sera-t-elle classée ?    UNICEF : Six millions d'enfants menacés de déscolarisation en 2026 (UNICEF)    Températures prévues pour le jeudi 4 septembre 2025    Recherche marocaine : L'équation complexe du doctorat à rallonge    Le Maroc repousse une tentative d'infiltration armée et détruit des véhicules appartenant aux miliciens du Polisario    En présence de Poutine et du dirigeant nord-coréen, la Chine organise un gigantesque défilé militaire à l'occasion de l'anniversaire de la victoire sur le fascisme    Le Maroc doit rejoindre le Future of Investment and Trade Partnership (FIT-P), coalition multilatérale de libre-échange face au dérèglement des règles commerciales mondiales    Le président chinois : pas de paix mondiale sans éradiquer les racines des guerres et bâtir des relations équilibrées    Le Grand stade de Marrakech, un joyau architectural qui fait peau neuve    Los tomates marroquíes en la mira de los productores europeos    Moroccan Green Party advocates for diaspora electoral constituency in 2026 elections    Gad Elmaleh makes his big comeback to Casablanca with «Lui-même» this September    Le Maroc accueille le troisième RallyClassics Africa du 12 au 17 septembre 2025    Gad Elmaleh signe «Lui-même» son retour à Casablanca    37 bands set to perform at the 23rd L'Boulevard Festival, September 18–21    Mostra de Venise : «Out of School» de Hind Bensari primé au Venice Production Bridge    La police saisit 7 650 comprimés et 962 grammes de cocaïne à Casablanca, une arrestation    ADS Group et Stellantis Maroc notifient au Conseil de la concurrence la création d'AS Parts SA spécialisée dans la distribution automobile    Millennium Challenge Corporation retient le Maroc parmi les candidats à son programme 2026    Cheptel national : le PPS interpelle le ministère sur des écarts jugés "inexplicables"    Casablanca approuve une convention pour accélérer la réalisation de l'Avenue royale    13eme édition du festival international Malhouniyat d'Azemmour : 3 soirées mettant à l'honneur l'art, le savoir et la célébration identitaire    7 ème Art : Entrée en vigueur de la réforme du CCM et de l'industrie du cinéma    Le festival le plus attendu de l'automne dévoile son line-up et invite à prolonger l'été à Essaouira !    Cinéma : entrée en vigueur de la réforme du CCM et de l'industrie du cinéma    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Rachid O. revient avec Analphabètes ou comment écrire d'égal à égal
Publié dans Le Soir Echos le 25 - 02 - 2013


C'est un livre passionnant que nous donne Rachid O. avec Analphabètes (Gallimard, 2013). Après dix ans de silence, l'auteur de L'enfant ébloui (Folio n° 3276), de Plusieurs vies (Folio, n° 3070), de Chocolat chaud (Gallimard, 1998) et de Ce qui reste (Gallimard, 2013) nous revient plus libre et plus grave que jamais avec un livre qui tranche en faveur de l'explication méditative et de la promenade introspective. L'écrivain interroge son sentiment du monde, son appétit d'autrui et son besoin de célébrer ses souvenirs entre Rabat, Marrakech et Paris dans un manège d'énigmes, d'alliances, de deuils et de rires où crépite une rare intelligence d'autrui. Avec Analphabètes, Rachid O. sa discrétion le privant en littérature du patronyme que les auteurs arborent tous avec tant d'assurance en couverture de leurs ouvrages, dresse paradoxalement un éloge de l'affirmation de soi. Amoureux de la langue arabe qu'il étudia à l'université, Rachid O écrit en français mais installe en épigraphe une sentence d'un écrivain de langue anglaise Oscar Wilde qui écrivait l'anglais le plus français qu'on puisse lire. Ecoutons Wilde : « L'éducation est une chose admirable. Mais il est bon de se souvenir de temps à autre que rien de ce qui mérite d'être su ne peut s'enseigner ». Rachid O. balaie d'une manière à la fois pudique et crue le spectre des affects qui le tourmentent et le fondent. En moraliste, il nous introduit dans la perspective d'un livre en train de le fuir puis de l'atteindre et son ouvrage est comme une personne vivante dont il ferait connaissance avec nous, une personne qui lui ressemble et qui le rassemble. Mais la force d'Analphabètes naît de l'irruption d'autrui, une irruption accueillie avec l'acuité d'un maroquinier qui retournerait comme un gant le cuir dont chacun se protège des autres sinon de soi. Rachid O. se révèle à nous dans son avidité à comprendre l'aventure d'exister, cette donnée sans équivalence, mais donnée pour un temps inconnu de tous. Nous lisons la vie d'un sujet libre sans forfanterie qui construit son appartenance au peuple des lecteurs plutôt que de chercher à faire briller aux yeux de quiconque son appartenance à ce peuple des écrivains où les truqueurs sont trop souvent accueillis avec pompe.« Depuis ma plus tendre enfance, écrit Rachid O., mon souci est de conserver ne serait-ce qu'une poignée entière de souvenirs. » Les plus beaux lui viennent de son père dont il dessine le portrait avec une délicatesse et une tendresse rares. Il y a plein des phrases subtiles dans Analphabètes, mais celle que je préfère est prononcée par un vieillard marocain ami du père de Rachid O. Cet homme dit : « Ce monde est bourré de bourdes ». Au même moment qu'Analphabètes, le nouveau roman de Mahi Binebine Le Seigneur vous le rendra (Fayard, 2013) nous propose le portrait d'un analphabète enseigné par prestidigitation jusqu'à lire des tragédies grecques, en moins de temps qu'il n'en faut pour apprendre à écrire. Binebine déploie l'inépuisable dépliant d'un office de tourisme misérabiliste où chaque victime du dénuement s'enivre de sa propre exclusion et s'enrichit (!) par la rouerie. Tous les protagonistes du Seigneur vous le rendra semblent entrés à coups de poncifs dans les coutures de la caricature. Analphabètes de Rachid O. indique une voie plus dangereuse : forer le réel des être plutôt que les affubler d'oripeaux, de morve et de malheurs qui se contorsionnent sur la page sans jamais nous émouvoir car ils semblent répondre à un cahier de charges où l'exagération tient lieu d'imaginaire. De vraies personnes peuplent au contraire Analphabètes. Le père qui dit : « -Vous remarquez, mes enfants, avant votre arrivée dans ma vie, j'étais totalement ignorant. Et depuis, je sais plus de choses sur le monde. C'est de loin ce que je préfère, merci et que Dieu vous protège ». L'amour est la grande affaire d'Analphabètes puisque l'analphabétisme des sentiments est ce qui terrifie Rachid O. Aussi donne-t-il avec enthousiasme la parole à une femme évoquant son mari aimé : « -Il a été élevé comme un animal, on l'attachait bébé dehors à côté de l'âne, par terre dans la poussière. Wallah, c'est la vérité toute crue qui ne disparaît jamais. Je me souviens que mes yeux ont été éblouis lorsque je l'ai vu pour la première fois ».Sans doute est-ce une manière d'éblouissement à laquelle Rachid O. aspire, lui aussi mais dans un lien homérotique. Lequel lien est largement documenté dans Analphabètes, de même qu'une forme de passion du narrateur pour l'Europe. Or, sa passion pour le Maroc se dessine mélancoliquement dans la figure déchirante de la jeune femme pauvre, dupée après avoir tout donné à un film : « À la toute fin du reportage télévisé, la journaliste pose sa dernière question, un peu comme si c'était en dehors de l'interview : « Tu veux vraiment vendre ce trophée ou c'est juste pour te faire remarquer ? » Et l'actrice répond : « C'est comme un échec, ce trophée. Il n'y a pas d'étagère pour lui chez moi. Tu veux me l'acheter ? ». En six lignes, Rachid O. a montré le gouffre qui sépare nantis et anéantis. Analphabètes est un roman où beaucoup pourraient apprendre à éprouver de la considération pour autrui et l'art, si rare, de puiser au fond de soi, loin des stéréotypes et des phobies, une indépendance du cœur qui a la force d'une rémanence absolue.

Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.