Il est des images qui dépassent la chronique judiciaire pour rejoindre la légende politique. Celle de Nicolas Sarkozy, avançant vers la prison sous les acclamations d'une foule fidèle, appartient désormais à l'histoire symbolique de la République. Dans cette scène de fer et de lumière, dans ce cortège presque d'Etat, c'est moins un homme qu'un moment de la conscience française qui se donne à voir. Dix années de procédures, de controverses, de plaidoiries et de doutes : la France a suivi, incrédule parfois, cette succession de procès où la justice semblait s'acharner sans jamais pleinement convaincre. Le verdict est tombé, implacable, sévère. Et pourtant, dans le pays de Voltaire et de Montesquieu, l'esprit public demeure partagé. Car la France sait que la rigueur du droit n'a de valeur que si elle reste l'écrin de l'équité, et que la justice, sans la mesure, devient une passion. Quelques jours avant cette scène, le président Emmanuel Macron recevait son prédécesseur à l'Elysée. Geste d'amitié, hommage à la fonction, ou réserve discrète face à un verdict jugé trop rude ? Chacun y a vu un signe. Mais cette juxtaposition – celle d'un ancien président accueilli dans le palais républicain, puis escorté vers un lieu de détention – aura frappé les esprits. Elle dit quelque chose de la France : de sa grandeur comme de ses contradictions. L'histoire de la République est faite de ces paradoxes. Clemenceau, autrefois écarté, revint en héros. De Gaulle, condamné à l'oubli, réapparut au sommet de l'Etat. Et peut-être la même alchimie s'opère-t-elle aujourd'hui : de la défaite naît parfois la légitimité, du silence jaillit la voix que l'on voulait faire taire. Car dans l'adversité, Sarkozy retrouve une stature, une densité, presque une noblesse tragique. Il a été président ; il devient personnage d'histoire. Certains diront que ce moment signe la fin d'une époque. D'autres y verront l'amorce d'un retour. Car le sentiment d'injustice, dans le cœur des peuples, agit comme une braise sous la cendre. Dans une droite française éparpillée, cette épreuve pourrait bien servir de ciment. Non pas par calcul, mais par instinct collectif : celui de se rassembler autour d'un homme que le destin n'a pas brisé. Sans comparaison possible, l'on songe à d'autres figures contemporaines, ailleurs, dont les démêlés judiciaires ont paradoxalement nourri la popularité. L'histoire moderne, cruelle et paradoxale, semble offrir à certains ce privilège de renaître des blessures infligées par leurs propres institutions. La justice a rendu son verdict. L'Histoire, elle, n'a pas encore écrit le sien. Et peut-être la France, fidèle à ses contradictions, finira-t-elle par voir dans ce drame non pas une chute, mais un recommencement. Car dans cette marche, calme et droite, d'un homme vers sa cellule, il y avait déjà, peut-être, le pas silencieux d'un retour.