Il est notoire qu'une minorité de Marocains, comme c'est sûrement le cas dans les autres pays musulmans, n'observe pas le jeûne sacré du Ramadan. Des marginaux ont toujours existé et il en existera encore. C'est leur affaire tant qu'ils ne s'exhibent pas en public et ne font pas dans la provocation. Après tout, la question des obligations religieuses est une affaire strictement personnelle, voire dans certains cas intime et entre dans le cadre de la nature des relations que l'individu entend entretenir avec son créateur. Mais lorsqu'une partie de cette minorité, dûment organisée, s'active pour imposer son dictat en public, et viole dans la foulée l'ordre établi, prôné et défendu par la grande majorité, voilà qui ne peut, sous aucun prétexte, être toléré. D'autant plus qu'il s'agit là d'une question extrêmement sensible liée directement à la foi collective et constituant l'un des socles de l'unité religieuse de la Oumma, voire de son unité tout court. Il est également notoire qu'une minorité de Marocains, comme c'est sûrement le cas dans d'autres pays arabo-musulmans, tente de détruire les valeurs sociales, morales et religieuses de la société par des actes et actions qu'on enveloppe souvent dans des vocabulaires séduisants du genre “libertés individuelles”, “modernisme”, “militantisme”... Des principes nobles, mais par lesquels on devrait entendre, dans le cas d'espèce, “anarchie collective”, “déliquescence de la société”, “désobéissance civile”. Le cas de cette organisation qui se donne pour appellation “Mouvement alternatif pour la défense des libertés individuelles” et qui a tenté, dimanche, un rassemblement qui devait être suivi d'une rupture publique du jeûne (en plein jour) à Mohammédia, entre précisément dans cette catégorie. Mais c'était sans compter la réaction rapide et décidée (à saluer) des autorités locales et des services de sécurité de la ville qui ont mis en échec cette tentative à travers laquelle ses auteurs ont pris pour cible l'un des trois piliers sur lesquels repose l'Etat marocain, l'Islam (à côté de la Monarchie et de l'unité territoriale). Trois éléments cruciaux attirent l'attention ici. Le premier est que cet agissement a été, selon ses auteurs, dicté par leur volonté de dénoncer ce qu'ils appellent “les dysfonctionnements de la réalité des libertés individuelles au Maroc”. Mais ce faisant, ces marginaux n'ont rien fait d'autre que nous informer sur la conception qu'ils se font de la liberté: provoquer, atteindre aux sentiments des masses et faire la guerre aux valeurs, tout en prenant pour des broutilles les principes du respect des fondamentaux de la société et des convictions religieuses de la majorité écrasante des Marocains. Seule compte, selon leur logique, la liberté libertaire de l'individu même si l'acte de ce dernier peut constituer une menace à l'équilibre social et à la stabilité religieuse. Le deuxième élément a trait à ce “militantisme” déclaré pour revendiquer l'abrogation de l'article 222 du code pénal qui incrimine la rupture publique du jeûne. Quel genre de militantisme peut prôner la violation pure et simple de la loi quand bien même ses adeptes se revendiquent de la démocratie, laquelle passe obligatoirement par le respect des principes de l'Etat de droit ? Ne sommes nous pas ici en plein dans la désobéissance civile, inacceptable dans une société disposant d'une hiérarchie des lois, avec la Constitution en haut et un ensemble de recours à chaque niveau, et où la remise en cause des lois ne peut se faire qu'à travers le système démocratique lui-même ? Les militants authentiques du pays qui ont lutté pour de nobles causes, n'ont jamais prôné la désobéissance et l'anarchie, mais avaient agi dans le respect le plus total des choix du peuple sans jamais se hasarder dans des actions qui risquent de faire écrouler tout l'édifice. Par leur foi et par leur militantisme constructeur, ils ont eu gain de cause sur plusieurs points déterminants y compris celui de l'élargissement de l'espace des libertés que certains n'hésitent malheureusement pas à utiliser aujourd'hui à tord et à travers. Mais encore une fois, ils avaient milité pour de vraies causes. Ils n'ont été ni frivoles, ni inconscients et encore moins à la solde de quelque partie obscure que ce soit. Le troisième point se rapporte à l'appui apporté à la tentative par des étrangers. Que viennent faire des ressortissants étrangers dans un rassemblement public (hors la loi de surcroît) relevant d'une affaire religieuse d'un pays souverain qui les accueille sur son sol ? La connection d'une petite minorité de Marocains avec des étrangers sur un sujet aussi pointu et sensible, ne peut être fortuite et supposerait même l'existence d'une stratégie pensée et réfléchie sous d'autres cieux. La présence sur place de voitures diplomatiques et de représentants de médias étrangers dont ceux d'agences de presse accréditées au Maroc plaide, en tout cas, pour une telle thèse. Ces trois remarques révèlent à la fois une certaine ignorance, un certain aventurisme, mais surtout un danger réel qui présente tous les ingrédients d'un projet planifié, calculé et qui s'inscrit dans le temps. Tant qu'il s'agit de défendre notre religion, nos valeurs morales, culturelles et identitaires consacrées d'ailleurs par la Constitution qui stipule que le Maroc est un Etat musulman dirigé par Amir Al Mouminine, ce genre d'activisme ne doit absolument pas être pris à la légère. Le meilleur moyen pour y faire face est la prise de conscience collective du danger qui nous guette et qui se répand en sourdine, celui de l'affaiblissement de la société par l'introduction de considérations dépravatrices, sous couvert de “progrès”, mais visant en réalité l'installation progressive de la Fitna. Ne tombons surtout pas dans le piège du “débat autour de la question des libertés individuelles”. Personne n'est contre la liberté et en premier lieu l'Islam. Mais la liberté dont il s'agit n'est pas celle du bradage des valeurs, de la soumission aveugle et sans discernement à des concepts totalement étrangers et de l'irrespect de la collectivité et de l'opinion publique. La liberté oui, mais pas au détriment des constantes et des valeurs sacrées, facteurs d'immunisation du pays contre les plans aventuriers. Cette nouvelle dérive pose en tout cas à nos élites, très peu réactives, voire trop passives jusqu'ici, un nouveau examen. Le même examen est posé à la presse marocaine qui devrait assumer pleinement ses responsabilités et prendre une position claire et tranchée. Le petit jeu malsain de la recherche du sensationnel à tout prix et des considérations purement et démesurément commerciales devrait s'estomper, si l'on donne son plein sens au mot patriotisme...