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« Mes étoiles noires » de Lilian Thuram : De l'éducation contre le racisme
Publié dans L'opinion le 20 - 09 - 2014

« Mes étoiles noires, de Lucy à Barack Obama » est un recueil d'une quarantaine de biographies de personnalités noires d'Afrique, d'Amérique et des Antilles racontées par Lilian Thuram, star du football, ex-champion du monde en 1998 au sein de l'équipe de France. L'ouvrage qui vient de paraître s'étale sur près de quatre cents pages. Il est publié par l'Alliance Internationale des Editeurs Indépendants et la Fondation Lilian Thuram Education contre le Racisme.
L'Alliance des Editeurs Indépendants regroupe un ensemble d'éditeurs d'Afrique et d'Europe qui coéditent simultanément des auteurs africains francophones ou encore lusophones et anglophones traduits en français. Ces auteurs sont souvent publiés en première édition en France, en Angleterre ou au Portugal. « La Civilisation ma mère » de Driss Chraïbi est parmi les ouvrages publiés dans le cadre de ce programme pour être diffusé simultanément dans plusieurs pays africains. La formule choisie vise à rendre disponibles les œuvres des auteurs à prix réduits dans les librairies et aussi dans les bibliothèques publiques africaines. Pour la publication de « Mes étoiles noires » c'est Tarik Editions (Casablanca) qui participe au niveau du Maroc à côté d'une dizaine d'autres éditeurs. La version originale du livre est parue en 2010 aux éditions Philippe Rey, Paris. Il a été traduit en italien, en espagnol et en portugais.
La démarche poursuivie par l'auteur est pédagogique et s'inscrit dans le cadre de la sensibilisation pour lutter contre le racisme. L'idée principale est de donner à voir des modèles de vies dont l'auteur lui-même était loin de soupçonner l'existence quand il était sur les bancs de l'école, en Guadeloupe où il est né en 1972. En ce temps-là, pas si loin donc, juste les années soixante-dix du XXème siècle, l'Histoire officielle enseignée à l'école de la République française persistait mordicus à ne retenir de l'Histoire des Noires que la période de l'esclavage.
Comme s'il n'y avait rien eu en Afrique avant la venue des « Blancs » qui y lancèrent la traite négrière à grande échelle à partir du XVIème siècle (1540) « avec la bénédiction papale ». Le mot esclave accolé aux Noirs a plutôt une origine bien européenne puisqu'il provient non pas de la traite des noirs mais bel et bien de la Slavonie (Croatie) appelée dans le passé Esclavonie et qui représenta pour les Romains un réservoir d'esclaves, blancs ceux-là.
Depuis toujours, ceux qui écrivent l'Histoire ont fait l'impasse sur l'existence dans l'Antiquité des pharaons noirs, de la présence de l'influence africaine dans la culture grecque à travers notamment Esope (VIème siècle av J.-C), le génial fabuliste inspirateur de La Fontaine, des empires en Afrique centrale et australe.
Aussi d'une civilisation africaine différente et une grande culture occultées, dont quelques exemples de sagesse orale ont pu être préservés grâce à la mémorisation ancestrale défiant l'érosion inexorable du temps. C'est le cas par exemple du « serment des chasseurs Manden » du Mali qui date de 1222 et qui est une véritable charte des Droits de l'Homme avant la lettre qui légifère sur le droit de la personne à disposer d'elle-même et condamne l'esclavage sous toutes ses formes.
Un exemple éloquent parmi d'autres pour témoigner de sociétés africaines injustement taxées de « sauvages » et « primitives » et montrer l'importance de la transmission de la culture orale en Afrique où la mémorisation de générations en générations, selon un code bien déterminé, avait joué un rôle capital :
« ...Si d'aventure la famine venait à sévir,
La guerre ne détruira plus jamais de village
Pour y prélever des esclaves,
C'est dire que nul ne placera désormais le mors dans la bouche de son semblable,
Pour aller le vendre...
Chacun dispose désormais de sa personne,
Chacun est libre de ses actes,
Chacun dispose désormais du fruit de son travail,
Tel est le serment du Manden,
A l'adresse des oreilles du monde entier... »
Ce serment, mémorisé à travers les générations, a été traduit par le chercheur malien Youssouf Tata Cissé, à partir du récit qui lui a été fait, en 1965, par Fadjimba Kanté, patriarche des forgerons de Tegué-Koro au Mali. C'est sur la base de tels travaux que l'UNESCO a établi en 2003 la Convention pour la sauvegarde du patrimoine immatériel de l'humanité et a inscrit le serment du Manden dans cette liste en 2009.
Dans l'ouvrage, les biographies des personnalités noires sont conçues sous forme chronologique. Il n'y a là, bien entendu, rien d'exhaustif. L'idée c'est de montrer la contribution des hommes et des femmes à défendre la dignité humaine dans des situations et des époques où elle était bafouée sous la domination des préjugés de suprématie raciale, des abominations de l'esclavage et des prédations du colonialisme.
Depuis toujours, la raison économique avait eu le dessus, comme cela avait été démontré notamment par le retournement de Napoléon qui rétablit l'esclavage pour des raisons économiques juste après l'abolition. Ce qui fait de la Déclaration des Droits de l'Homme de 1789 une Constitution à « usage interne », c'est-à-dire entre Blancs uniquement! Jusqu'au XXème, malgré les lois abolitionnistes, les mêmes préjugés hérités du XVIIIème et XIXème siècles avaient eu la peau dure. L'église missionnaire devait s'accréditer l'idée de la non humanité des noirs pour se garantir une bonne conscience en se « rangeant souvent du côté des puissants ».
Parmi les personnalités décrites, il y a des sportifs, boxeurs, coureurs de fond, des écrivains, poètes, artistes, des hommes politiques, des explorateurs, des militants de droits civiques, des femmes et des hommes de bonne volonté qui ont eu un parcours hors du commun.
Certaines personnalités sont des célébrités connues du grand public comme Mohamed Ali, Nelson Mandela, Patrice Lumumba, Malcolm X, Martin Luther King, Obama, etc. Pour le monde littéraire, l'écrivain américain Richard Wright auteur du célèbre « Black boy », le grand poète Aimé Césaire, Franz Fanon, l'écrivain et militant camerounais Mongo Beti, « véritable génie de l'indignation », etc.
Bien avant toujours, par l'écriture, René Maran, auteur du roman « Batouala », Prix Goncourt 1921, surprend l'intelligentsia occidentale. Fonctionnaire noir au ministère des Colonies, Maran, dans son livre, donne la voix aux opprimés et y « dénonce les méfaits de la colonisation à une époque où personne ne doutait de son bien fondé ».
D'autres personnalités moins connues comme le général en chef de l'armée impériale russe Abraham Petrovitch Hannibal (1696-1781), arrière grand-père du grand poète russe Alexandre Pouchkine.
Autre parcours haut en couleurs, celui de Marcus Garvey (1887-1940), Jamaïcain éditeurs de journaux, partisan de « L'utopie du retour » des Noirs en Afrique, il aurait eu comme mentors M.L.King, les Black Power, Malcolm X et Cheikh Anta Diop.
Des femmes au destin particulier, la princesse Anne Zingha d'Angola (1582-1664), Donna Beatrice du Royaume du Kongo (1682-1706), morte sur le bûcher à cause de son nationalisme, l'extraordinaire Harriet Tubman (1820-1913) qui fut surnommée « Grand-mère Moïse » pour sa lutte pour les droits des Noirs aux Etats-Unis, abolitionniste qui fit preuve d'héroïsme pour faire évader des Noirs du Sud esclavagiste vers le Nord abolitionniste.
Autre figure féminine est cette femme poète noire du XVIIIème siècle, Phillis Wheatley (1753-1784) qui dut subir des examens par des inquisiteurs sceptiques sur ses capacités intellectuelles parce que ses juges « blancs » se refusaient à croire qu'une femme noire puisse écrire des beaux poèmes et réciter « Le Paradis perdu » de Milton.
Au XXème siècle, c'est une autre femme, Rosa Parks (1913-2005) qui dit non au monde ségrégationniste américain un 1er décembre 1951 en refusant de céder sa place de bus à une personne blanche et entraîne des revendications en chaîne sur les droits civiques des Noirs américains.
En évoquant Franz Fanon, Lilian Thuram parle de lui-même, cède au ton de la confidence et rappelle une réalité qu'il avait vécue personnellement, à savoir la colonisation des esprits quand le Noir intériorise les préjugés blancs contre soi-même.
C'est cette plaie douloureuse que Fanon scrute au scalpel d'un regard acéré, sans modération ni complaisance, dans son fameux livre « Peau noire, masque blanc » (1952). Soit une situation d'état de conscience qui frise le tragique quand l'opprimé se renie, quand il n'accepte pas sa propre image à moins qu'elle ne soit assimilée à l'image du modèle imposé par la culture dominante.
Cette inscription de manière, pour ainsi dire, naturelle dans la condition d'infériorité déshumanisante est accompagnée d'un sentiment d'extrême solitude.
L'importance du livre de Fanon est tellement grande, significative pour l'auteur, qu'il en distribue des exemplaires à ses coéquipiers noirs de l'équipe de France.
Des pages méritent le détour sur certains artistes noirs. C'est le cas de la grande chanteuse de Jazz, Billie Holiday (1915-1959) qui a eu maille à partir avec les autorités policières américaines de l'époque à cause de son engagement, surtout depuis sa célèbre chanson « Strange Fruit » (fruit étrange) qui décrit le spectacle horrible des Noires qu'on lynchait encore impunément dans les Etats du Sud des Etats-Unis dans les années 1920 et 1930, un spectacle moyenâgeux très courant incarné par la pendaison d'hommes noirs aux arbres et dont les populations endimanchées du Sud des Etats-Unis tiraient une jouissance macabre de par leur imaginaire fantasmatique figé dans la nostalgie du passé révolu des plantations esclavagistes. En 1939, six Blancs sur dix étaient favorables au lynchage dans le Sud.
« Pour Angela Davis, la militante marxiste et féministe, « Strange Fruit » a replacé la protestation et la résistance au centre de la culture musicale contemporaine.
En retraçant le parcours de Camille Mortenol (1859-1930), le « premier noir de Polytechnique » Thuram note :
« Ce qu'il faut, c'est amener la culture et l'éducation partout, afin que toutes les populations aient ensuite la possibilité, la liberté de s'épanouir dans la société ».
C'est ce qu'on appelle en d'autres termes l'égalité des chances. Les hommes partout sont les mêmes, ce qui fait la différence c'est les possibilités offertes aux uns et aux autres d'avoir l'éducation, l'instruction, la formation qui leur permettent de se construire et de se prendre en charge.
« Mes étoiles noires » de Lilian Thuram, éditions Alliance des Editeurs Indépendants/Tarik Editions, Casablanca.


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