La couleur a-t-elle apporté un plus au cinéma ? En comparaison avec le son qui constitua une révolution importante quant à l'évolution de la technique cinématographique, l'introduction de la couleur n' a pas crée l'enthousiasme attendu. Si la fabrication des films parlants a immédiatement suivi l'avènement du parlant, on mis longtemps à généraliser la couleur dans l'industrie du film. De nombreux cinéastes à travers le monde ont continué à réaliser leurs films en noir et blanc malgré la disponibilité peu onéreuse de la couleur. Ainsi, qu'est-ce qui empêchait des cinéastes tels que Charles Chaplin ou Fred Zinnemann à opter pour la couleur pour leurs chef d'œuvres "Un roi à New York" ou "Le train sifflera 3 fois" malgré la réticence des studios? Et pourtant la couleur existait depuis vingt ans déjà. Bien que cette couleur soit une qualité naturelle des êtres et des choses qui paraissent à l'écran, il est légitime de l'analyser aussi puisque le cinéma fut pratiquement réduit au noir et blanc pendant quarante ans et que, par ailleurs, la meilleure utilisation de la couleur ne parait pas consister à la considérer seulement comme un élément susceptible d'accroître le réalisme de l'image. C'est pourtant dans cet esprit qu'à l'origine, Méliès, Pathé et Gaumont, faisaient colorier les films par des ouvrières travaillant à la main. Le procédé ne survécut pas au développement même du cinéma. Prenant une place disproportionnée par rapport qu'elle a eu dans la vision naturelle, la couleur impose à l'image filmique une nuance décorative qui conduit facilement au maniérisme, d'où il résulte que la couleur parait contre-indiquée pour certains sujets violents. Certains cinéastes, comprenant que les moments dramatiques ou de forte intensité psychologique se mêlent souvent aux moments de détente ou de bonheur, ont tenté, souvent avec succès, d'introduire momentanément la couleur ou de combiner celle-ci, de façon permanente ou non, avec le noir et blanc. Cependant, il est très difficile sinon impossible de rationaliser l'usage de la couleur à des fins psychologiques. Dans l'emploi de celle-ci, c'est avant tout la subjectivité du créateur qui entre en jeu. Il y a bien un symbolisme de la couleur ressenti plus ou moins confusément, celle-ci pouvant être associée à des sentiments, à des signes, à des concepts. La difficulté est de considérer les couleurs, non pas isolément, mais en vue de former un but harmonieux, relativement entre elles, dans leur continuité, leur liaison immédiate ou lointaine, leur dynamisme. La signification psychologique des couleurs est d'harmonies relatives. Attribuer le rouge à la colère, le bleu à la tendresse, le jaune à la trahison, est d'une symbolique primaire, sinon infantile. Les couleurs peuvent être travaillées, interprétées, choisies en fonction de ce que l'auteur s'est donné pour rôle d'exprimer. Elles peuvent échapper au réalisme sans cesser pour autant d'être vraies ou vraisemblables. Elles peuvent s'accorder aux sentiments des personnages, à leur drame. Mais c'est alors la subjectivité du créateur qui entre en jeu, et plus que tout, celle supposée d'un quelconque personnage d'historien. C'est la vision d'un auteur et non la traduction conventionnelle d'une image mentale.