Maysoun Bouga, originaire de Casablanca, utilise le théâtre appliqué pour retrouver le lien avec son héritage amazigh en redécouvrant les contes populaires et la langue marocains. Son spectacle interculturel «Sunrise to Sunset», qui se tient jeudi 12 juin à Casablanca, mêle contes, danse et musique pour célébrer les cultures amazighe et des Premières Nations australiennes. Née à Casablanca dans une famille amazighe de la région du Souss, Maysoun Bouga garde précieusement les souvenirs de son enfance passés avec ses grands-parents. Contrairement à elle, ils parlaient le tachelhit qu'elle elle écoutait attentivement, absorbant les histoires qu'ils partageaient dans la langue de leurs ancêtres. Aujourd'hui, ces mêmes histoires refont surface dans sa vie à travers ses recherches et ses projets créatifs. Désormais installée à Byron Bay, une ville côtière du sud-est de l'Australie, Maysoun est en mission pour redécouvrir les contes populaires marocains. Elle le fait pour honorer sa culture, se reconnecter avec l'héritage de ses aïeux et enfin apprendre le tachelhit qu'elle a toujours rêvé de parler. «J'ai grandi au Maroc avec un lien profond avec ma famille, surtout mes grands-parents», a-t-elle confié à Yabiladi. «Ma mère parle amazigh. J'ai eu la chance de grandir en l'entendant converser avec ses sœurs et d'écouter les histoires de ma grand-mère et de mon grand-père, qui vivaient avec nous». Le théâtre appliqué pour expérimenter, apprendre et évoluer L'amour de Maysoun pour ces histoires n'a fait qu'évoluer, après son installation en Australie. C'est en pratiquant le théâtre appliqué, à travers les pratiques théâtrales pour l'éducation et le développement communautaire, que cette passion a pris forme. Après ses études secondaires au Maroc, Maysoun a déménagé en Australie pour se former en psychologie et en anthropologie. Elle s'est également intéressée aux ressources humaines. Cette combinaison d'intérêts l'a finalement menée au théâtre appliqué, qui, selon elle, fait converger toutes ses passions. «Je suis tombée sur le théâtre par hasard», se souvient-elle. Une amie revenue d'une conférence a créé une entreprise centrée sur le théâtre appliqué. «Je l'ai rejointe pour co-créer l'entreprise, et cela a réuni tous mes intérêts : la psychologie, le travail de groupe, l'anthropologie et la culture. J'ai réalisé que c'était un outil puissant», dit-elle. Depuis 2007, Maysoun pratique le théâtre appliqué, pour aider des groupes, des individus, des entreprises et des ONG à développer des compétences et des outils grâce à un apprentissage créatif et expérientiel. Un format qu'elle utilise souvent consiste à guider les participants à travers un programme qui se termine par une pièce de théâtre, jouée devant un public partageant des intérêts similaires. «La pièce se termine par une crise—laissée non résolue—nous invitons le public à intervenir sur scène là où il pense qu'une réaction différente aurait pu mener à une résolution», explique-t-elle. «Ce n'est qu'un exemple», dit-elle, «mais dans l'ensemble, je crée des parcours d'apprentissage expérientiels où les gens agissent, réfléchissent, apprennent, s'adaptent et grandissent en groupe. Cela dépend de ce que le groupe veut explorer. Il s'agit d'utiliser le théâtre pour créer des expériences d'apprentissage significatives». Redécouvrir la culture amazighe Son parcours dans le théâtre et la créativité l'a finalement reconnectée avec son héritage, mais aussi avec une profonde frustration : ne pas pouvoir parler la langue maternelle de ses chers grands-parents. «Tout ce parcours a ouvert un nouveau monde pour moi», dit-elle, se rappelant des rencontres puissantes avec des artistes des Premières Nations en Australie. «Ces rencontres m'ont rappelé ma propre culture ancienne. Cette ancienneté m'a parlé», dit-elle. Ce rappel l'a poussée à se concentrer sur ses racines—en particulier sur les contes populaires et les traditions orales que ses grands-parents racontaient en tachelhit. «J'ai eu l'idée d'entreprendre un voyage avec ma mère pour redécouvrir les contes populaires de notre région et de la culture amazighe en général—surtout dans des endroits comme Imi Ntanout et Taroudant». C'est ainsi que la narration est devenue centrale dans sa vie. «L'idée m'est en fait venue en 2012—un rêve de voyager avec ma mère dans les montagnes pour collecter des histoires. J'ai dû attendre récemment pour commencer le projet». De l'aube au crépuscule Ce qui a commencé comme une exploration personnelle est désormais devenu une initiative beaucoup plus grande, qui relie les cultures marocaine et australienne. Le processus a abouti à un projet artistique interculturel, appelé De l'aube au crépuscule. Décrit par Maysoun, sa créatrice et productrice, comme un mélange vibrant de récits, de mélodies et de mouvements, «le projet est un dialogue d'histoires, de danse et de musique entre les deux cultures». Il marque la fin d'une résidence créative qui a duré deux semaines au Maroc—la première phase du projet—au cours de laquelle l'équipe a exploré l'échange culturel à travers l'art. «Nous avons examiné ce que nous avions, échangé des idées et réfléchi au dialogue culturel. Le spectacle est une présentation du travail que nous avons accompli lors de cette première rencontre», a-t-elle expliqué. Dans le spectacle, Maysoun est rejointe par Warren Clements, un homme Wakaman du nord du Queensland et un danseur, acteur et éducateur culturel reconnu. Benjamin Walsh, un percussionniste de renommée mondiale et compositeur défiant les genres, s'occupe de la création sonore du projet. Représentant le Maroc, Redouane Bentaleb, un conteur et musicien amazigh qui incarne l'âme de la culture amazighe. Le dialogue tout au long du spectacle sera multilingue. «Il sera en français et en anglais, avec un peu d'amazigh aussi—mais surtout en français et en anglais», a-t-elle noté. Le spectacle a lieu le jeudi 12 juin à Casablanca. Maysoun a de grands rêves pour le projet, qu'elle espère développer davantage en une pièce de théâtre complète. «Le plan est de le faire tourner, et bien sûr le Maroc est sur la carte—nous aimerions l'amener dans différentes villes». D'ailleurs, le titre De l'aube au crépuscule est hautement symbolique. «Je vis sur la côte est de l'Australie, où je regarde souvent le lever du soleil—c'est l'un des premiers endroits du pays à voir le soleil. Et le coucher du soleil—eh bien, le Maroc est la terre du soleil couchant, le Maghreb. J'y ai vu tant de magnifiques couchers de soleil. Le spectacle est vraiment un hommage à ma culture, à l'héritage amazigh, au Maroc—et à l'Australie».