Le secteur de la livraison de repas au Maroc a connu une transformation majeure au cours de la dernière décennie. L'arrivée de la société marocaine Jumia, qui a introduit le concept de la commande en ligne, a marqué le point de départ d'un profond changement dans les habitudes de consommation des Marocains. Autrefois, ces derniers se déplaçaient physiquement chez leurs restaurateurs de quartier, avec un choix limité, souvent dicté par la proximité géographique. Aujourd'hui, commander un repas en quelques clics est devenu une pratique courante, voire incontournable dans les grandes villes. Ce bouleversement n'a pas seulement touché les consommateurs. Les restaurateurs ont vu leur visibilité et leurs ventes exploser grâce à ces plateformes. Cependant, cette évolution n'a pas profité à tout le monde : certains établissements, incapables de s'adapter à la digitalisation ou d'investir dans ces services, sont restés confinés à leur clientèle de quartier, sombrant peu à peu dans l'oubli. À mesure que le marché marocain révélait son potentiel, plusieurs entreprises locales et étrangères ont vu une opportunité à saisir dans ce secteur encore jeune mais en pleine effervescence. Cette ruée a transformé un espace vierge en un champ de bataille concurrentiel. Mais toute concurrence a des implications. C'est dans ce contexte que le Conseil de la Concurrence (CC) a publié, ce mercredi, un communiqué officiel confirmant la notification de griefs à l'encontre d'une grande entreprise active dans le secteur. Cette société, dont le nom n'a pas été officiellement divulgué, est accusée de pratiques anticoncurrentielles, notamment l'abus de position dominante, l'exploitation de la dépendance économique de ses partenaires, et l'application de prix abusivement bas. Lire aussi : Pratiques anticoncurrentielles : le Conseil de la concurrence notifie une plateforme de livraison Ces accusations trouvent leur origine dans une plainte déposée par Ora, la société marocaine à l'origine de l'application Kooul, qui dénonce les clauses d'exclusivité imposées aux restaurateurs. Selon Ora, ces clauses empêchent ses partenaires de collaborer avec d'autres plateformes, les plaçant dans une situation de dépendance économique et réduisant la concurrence au détriment du consommateur marocain. Le Conseil, conformément à la loi n°104-12 sur la liberté des prix et de la concurrence, a lancé une procédure contradictoire qui garantira à la société mise en cause l'exercice de ses droits de défense. Il convient de rappeler que la notification de griefs ne préjuge pas de l'issue de la procédure : seul le collège du Conseil de la Concurrence est habilité à rendre une décision. L'éventuel retour d'Uber : Un nouveau chapitre Pendant que ce bras de fer juridique secoue le marché, une autre nouvelle pourrait rebattre les cartes : Uber semble prêt à revenir au Maroc. L'entreprise américaine a récemment publié une offre d'emploi pour un directeur pays à Marrakech, ce qui témoigne d'un intérêt stratégique pour le Royaume, après son retrait du marché en 2018. Ce retour potentiel soulève une question clé : Uber Eats fera-t-il également son entrée ? Si cela se confirme, ce serait un bouleversement majeur. Avec ses ressources financières, sa technologie avancée, et son expérience sur des marchés complexes, Uber Eats pourrait bien devenir un acteur de poids, imposant une nouvelle dynamique concurrentielle. Le retour potentiel d'Uber au Maroc, en dépit des difficultés de sa précédente tentative, laisse entrevoir une stratégie mieux préparée et plus ambitieuse. Pour les consommateurs marocains, l'arrivée d'un nouvel acteur comme Uber Eats pourrait signifier plus de choix, une meilleure qualité de service, et une baisse potentielle des prix sous l'effet de la concurrence. Mais pour les entreprises déjà présentes, comme Kooul, Yassir, Klit, et d'autres, cela pourrait impliquer une concurrence plus rude.