Fort de son engagement en faveur de la transition énergétique, le Maroc ambitionne de s'imposer comme un acteur de premier plan dans la filière émergente de l'hydrogène vert. Porté par un secteur des énergies renouvelables en pleine expansion, le Royaume entend capitaliser sur ses atouts géographiques, politiques et institutionnels pour structurer un écosystème industriel et scientifique à la mesure des enjeux climatiques mondiaux. À la croisée des ambitions mondiales et des urgences climatiques, la production d'hydrogène vert s'érige en levier stratégique pour le Maroc. Appuyée sur des projets phares tels que le complexe solaire Noor à Ouarzazate ou le parc éolien de Tarfaya, cette dynamique s'enracine dans une vision globale : faire de l'hydrogène vert un pilier de la décarbonation industrielle et de l'indépendance énergétique. La filière marocaine de l'hydrogène vert repose sur un socle d'innovation technologique, indispensable pour renforcer la compétitivité nationale et favoriser les partenariats industriels. Elle s'appuie sur la formation de talents locaux — ingénieurs, techniciens et chercheurs — et sur une stratégie ambitieuse de transfert de technologies. Les grandes entreprises internationales et les acteurs nationaux, comme l'Université Mohammed VI Polytechnique (UM6P) et l'Office chérifien des phosphates (OCP), s'emploient à créer un modèle de co-innovation inédit. Cette synergie entre recherche appliquée et capital humain est perçue comme la clé de voûte de l'essor de la filière. Lire aussi : Cavités salines de Mohammedia : Le Maroc ouvre la voie au stockage de l'hydrogène vert à grande échelle Les perspectives économiques sont considérables : selon les plans de l'Exécutif, le Maroc prévoit la mise en place d'une capacité annuelle de production de 3 millions de tonnes d'hydrogène vert dès 2030, en écho aux recommandations de l'Offre Maroc Hydrogène, adoptée en 2021. Dans un contexte où la décarbonation devient un impératif industriel, cette ambition prend une dimension stratégique et offre de nouvelles marges de manœuvre pour attirer des investissements étrangers. Pourtant, la route est semée d'obstacles. Le coût élevé des électrolyseurs, encore loin d'atteindre la rentabilité escomptée, freine l'industrialisation massive de la filière. S'ajoutent les contraintes liées à la disponibilité de l'eau, notamment dans un pays exposé au stress hydrique, et les défis environnementaux liés à la désalinisation — risques pour la biodiversité marine, salinisation des sols côtiers, etc. La logistique elle-même, du stockage au transport sécurisé d'un hydrogène hautement inflammable, demeure un enjeu majeur. Ces obstacles, bien identifiés, constituent des lignes de faille à combler pour que le Maroc puisse devenir un exportateur crédible sur la scène internationale. Malgré ces défis, le Maroc se distingue par son coût de production compétitif : 1,6 dollar par kilogramme, ce qui le place derrière le Chili au plan mondial, mais devant des acteurs majeurs comme l'Australie ou les Etats-Unis. Cette compétitivité, associée à un cadre réglementaire jugé favorable, suscite l'intérêt de grands groupes énergétiques mondiaux. Les partenariats conclus avec des acteurs tels qu'Acciona, Cepsa, Enel ou encore l'américain Air Products témoignent de cette dynamique d'attraction. À l'horizon 2030, le Maroc ambitionne de capter une part substantielle des 300 milliards de dollars d'investissements mondiaux attendus dans la filière. Au-delà des chiffres, la question fondamentale reste celle de la souveraineté énergétique du Royaume. Dans un contexte géopolitique incertain, marqué par la volatilité des marchés pétroliers et gaziers, l'hydrogène vert pourrait constituer un rempart contre les chocs exogènes. S'il ne remplacera pas à court terme la production électrique des centrales fossiles, il s'impose comme une alternative à plus long terme, contribuant à la diversification du mix énergétique et à la réduction de la dépendance vis-à-vis des hydrocarbures.