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Défis climatiques et souveraineté : histoire d'eaux troubles
Publié dans Maroc Diplomatique le 19 - 07 - 2025

Il y a 10 ans, l'Organisation météorologique mondiale avait réalisé des projections fictives pour 2050 annonçant des températures record, au-delà des 40°. Les conséquences du dérèglement climatique sont bien là, agissant directement sur la sécurité alimentaire, la santé humaine, l'équilibre des écosystèmes et les déplacements de populations.
Les liens entre l'eau, la santé, le climat et le développement humain sont extrêmement complexes et, dans de nombreux cas, mal appréhendés. Les enjeux autour de l'eau sont devenus cruciaux et le bilan est inquiétant. Le Maroc fait face à des périodes de sécheresse de plus en plus fréquentes qui contribuent à la diminution des réserves hydriques. Ces problématiques de rareté de l'eau, de pollution et de meilleure réutilisation de la ressource sont autant de défis à relever dans une perspective de souveraineté hydrique et de sécurité alimentaire. Il s'agit d'anticiper les effets sur le cycle de l'eau pour mieux prendre en compte les impacts du dérèglement climatique en continuant à s'adapter et à lutter. Par ailleurs, il faut amener cette question dans le débat démocratique, avec l'ensemble des acteurs concernés jouant un rôle significatif dans le changement des habitudes et comportements, pour une gestion durable de cette ressource si précieuse qu'est l'eau.
Climato-scepticisme et science
La progression de « l'indifférence climatique » dans le Monde traduit un grand renoncement depuis le retour de Donald Trump et la guerre en Europe et au Moyen-Orient. Il est certain que les objectifs de l'Agenda 2030 et de l'Accord de Paris ne seront pas atteints ; et ce n'est pas une raison de baisser les bras ! Aujourd'hui, on s'aperçoit que le réchauffement de la planète s'accélère plus rapidement que prévu sans que l'on sache vraiment pourquoi. James Hansen, l'ancien scientifique de la NASA, qui a mis en garde le Congrès américain contre le réchauffement climatique en 1988, tire une nouvelle sonnette d'alarme. Selon lui, la rétroaction des nuages pourrait donner un coup de fouet au système climatique, rendant la Terre 50 % plus sensible au CO2 qu'on ne le pensait jusqu'à présent. S'il a raison, les conséquences seront stupéfiantes : la même quantité d'émissions réchaufferait la planète beaucoup plus vite et plus loin que ne le prévoient les modèles actuels.
Cela signifierait un réchauffement catastrophique dans un délai beaucoup plus court, et nous ne sommes pas préparés. Mais au lieu de susciter un débat public fondé sur des faits, ces avertissements sont rejetés comme une opinion de plus, malgré les décennies de crédibilité dont il jouit dans le domaine de la science du climat. D'autres chercheurs de haut niveau sont également très inquiets, mais ils avancent d'autres explications, comme une forte augmentation du déséquilibre énergétique de la Terre, qui n'est que partiellement liée aux nuages. En 2023, ce déséquilibre atteint 1,8 W/m2, soit le double de ce que prévoyaient les modèles. Cela signifie que la Terre absorbe plus d'énergie que jamais, entraînant des chaleurs extrêmes, la fonte des glaces et le chaos dans les écosystèmes.
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Le récent pic de réchauffement n'est pas seulement historique, il est scientifiquement déconcertant. Il explique ce que nous savons et ce que nous ignorons. Et alors que la crise s'aggrave, nous risquons de perdre notre capacité à la mesurer. Les satellites qui surveillent le déséquilibre énergétique de la Terre vieillissent, et leur remplacement n'est pas confirmé. Entre-temps, l'administration américaine envisage de mettre fin au bail foncier de l'observatoire de Mauna Loa à Hawaï qui mesure le CO2 atmosphérique depuis 1958 – le pouls climatique de notre planète.
Vers une diplomatie de l'eau
L'eau est devenue l'une des ressources les plus contestées en Afrique et sa gestion définit de plus en plus la stabilité politique et socio-économique. La répartition inégale de l'eau, associée au changement climatique, à la croissance démographique, à l'urbanisation rapide et à la faiblesse de la gouvernance, exacerbe les tensions sur le continent. La gestion des cours d'eau transfrontaliers nous amène à explorer l'eau à la fois comme un catalyseur de conflits et comme une voie potentielle vers la paix et la coopération.
Au Maroc, le barrage de Kaddoussa sur l'oued Guir devrait permettre l'approvisionnement en eau dans la vallée de Boudnib, d'irriguer une superficie supplémentaire de 6000 hectares et de permettre le développement de la production intensive de dattes. Depuis son entrée en service fin 2021, le débit de l'oued Guir a significativement diminué à l'aval ; Alger parle de « guerre de l'eau » et accuse Rabat d' « assèchement délibéré » et d' « obstruction des eaux transfrontalières ». Le Maroc rétorque que la baisse est surtout due à la sécheresse régionale, au manque de neige dans l'Atlas, et à une forte évaporation dans les deux pays.
Avant la construction du barrage de Kaddoussa, les oasis marocaines parvenaient à dériver 8 millions de mètres cubes d'eau par an via leurs systèmes d'irrigation traditionnels, sur les 60 millions de mètres cubes s'écoulant en moyenne dans l'oued Guir. Avec le barrage, ce sont 30 millions de mètres cubes par an qui doivent, en principe, être prélevés pour l'irrigation des terres agricoles. Un manque à gagner à relativiser toutefois, par le fait qu'un affluent au volume presque trois fois plus important vient se jeter dans l'oued Guir en aval du barrage de Kaddoussa, à quelques kilomètres de la frontière algérienne.
En fin de compte, la réduction subie est tout à fait acceptable au regards des principes internationaux de partage équitable des eaux. Cette affaire jette un éclairage saisissant sur la diplomatie hydrique : comment, sans mécanismes juridiques ni coopération transfrontalière, un projet hydraulique peut devenir un levier de conflit. La rupture des relations diplomatiques en août 2021, a nui à tout mécanisme de concertation bilatérale. L'Algérie a porté le dossier devant des forums internationaux, tandis que le Maroc continue son programme ambitieux de barrages ( 154 en service et une vingtaine en construction) dans une stratégie de souveraineté hydrique et de sécurité alimentaire. L'énergie et les produits actuellement fabriqués à partir d'hydrocarbures peuvent être remplacés à moyen et à long termes jusqu'à 100 % par des énergies et des produits alternatifs, mais l'eau, sous quelque forme que ce soit, ne peut malheureusement pas être remplacée.
De nombreux pays d'Afrique pourraient voir leurs relations diplomatiques se détériorer en raison de différends concernant l'eau. Le Nil, artère vitale pour des millions de personnes, a été au centre de différends concernant le barrage de la Grande Renaissance éthiopienne, mettant en évidence l'équilibre fragile entre le développement national et la coopération régionale. Depuis que le pays de la Corne de l'Afrique a lancé le projet en 2011, celui-ci est devenu le point central autour duquel gravitent ses relations avec l'Egypte et le Soudan. L'Egypte a notamment qualifié le projet de menace existentielle. Le Caire, qui dépend des eaux du Nil depuis des millénaires, maintient que le barrage construit sur le Nil bleu, qui fournit environ 80 % du débit du fleuve en aval, aura un impact négatif sur le développement socio-économique de l'Egypte.
L'Ethiopie a rejeté cette affirmation, insistant sur son droit à tirer profit du Nil en construisant le barrage. L'Egypte a même menacé de faire exploser le barrage dans le passé. Elle affirme que des accords vieux de plusieurs décennies sur le partage du Nil – accords qui impliquent les puissances européennes – interdisent les actions de l'Ethiopie. Addis-Abeba maintient cependant qu'elle n'a jamais été signataire de ces accords. Les deux accords précédents, l'accord sur les eaux du Nil de 1929 (entre l'Egypte et le Royaume-Uni – agissant au nom de ses colonies d'Afrique de l'Est) et l'accord de Nil de 1959 (entre l'Egypte et le Soudan) excluaient l'Ethiopie en tant que partie. Bien qu'il n'y ait actuellement aucun signe de guerre imminente, le désaccord actuel entre ces deux géants africains signale des défis potentiels pour l'avenir de la gestion des ressources en eau sur l'ensemble du continent.
De nombreux grands fleuves africains, comme le Nil, le Congo, le Niger, le Zambèze ou la Volta traversent plusieurs pays, de leur source à leur embouchure et à travers leurs bassins plus larges. Bien souvent, c'est la mauvaise gestion de ces ressources qui met en péril leur disponibilité et leur utilisation futures. Au Sahel, la diminution des masses d'eau telles que le lac Tchad a intensifié la concurrence entre les communautés, alimentant les migrations, les insurrections et l'extrémisme violent. Cette crise a entraîné le déplacement de millions de personnes, mettant à rude épreuve les ressources et la stabilité politique des pays voisins. Dans le même temps, dans des zones urbaines comme Le Cap en Afrique du Sud, la menace imminente du « Jour zéro » (coupure d'eau de 75% des habitations) a démontré la fragilité de l'approvisionnement en eau, même dans les pays dotés d'infrastructures bien développées.
La crise de l'eau dans cette ville a mis en évidence les vulnérabilités de la planification urbaine et les défis posés par la croissance rapide de la population et le changement climatique, avec des risques similaires auxquels des villes comme Nairobi et Le Caire sont maintenant confrontées. L'Afrique est le continent qui s'urbanise le plus rapidement au monde, et à l'horizon 2035, les 10 villes qui connaîtront la croissance la plus rapide se trouvent en Afrique et d'ici 2050 un milliard de citadins supplémentaires viendront s'ajouter au continent.
L'action « Afrique bleue » vise à renforcer la coopération sur les ressources en eau partagées à travers le continent. Mise en œuvre en collaboration avec le Conseil des ministres africains de l'eau (AMCOW) et la Commission de l'Union africaine (CUA), cette initiative se concentre sur le renforcement des cadres institutionnels, la promotion du développement durable et l'amélioration de la résilience climatique par le biais d'une meilleure gestion des eaux transfrontalières. Des intérêts communs dans un monde divisé ; les défis mondiaux ne peuvent être relevés que collectivement, par le biais d'une responsabilité partagée et de partenariats fiables.
*Economiste – Chercheur


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