Au cœur du Maroc, les oasis, véritables trésors de vie et de verdure, brûlent silencieusement. Face à la sécheresse, aux feux dévastateurs et à l'abandon, ces terres fragiles voient leur avenir s'effacer, menaçant à la fois la nature, les familles et l'équilibre d'un territoire millénaire. Les oasis marocaines, qui couvrent plus de 15 % de la superficie du territoire national, sont aujourd'hui confrontées à une crise sans précédent. Ces écosystèmes fragiles, véritables boucliers contre la désertification, sont ravagés par des incendies à répétition. Dans une interview accordée à Maroc Diplomatique, Jamal Akechbab, président de l'Association des Amis de l'Environnement de Zagora, dénonce une situation dramatique : « Les flammes ne laissent derrière elles que des cimetières et des ruines ». Les causes de cette recrudescence sont multiples et souvent interconnectées. Sur le plan climatique, la sécheresse prolongée, la baisse des précipitations, l'augmentation des températures (souvent supérieures à 45°C) et l'évaporation excessive ont créé un environnement propice aux départs de feu. Les palmiers-dattiers, desséchés, deviennent hautement inflammables. Mais les causes ne sont pas uniquement naturelles. Les pratiques humaines jouent également un rôle aggravant. La culture intensive de la pastèque, très développée dans certaines régions comme Zagora, contribue à l'épuisement des nappes phréatiques. Résultat : les racines des palmiers ne trouvent plus d'eau, les arbres meurent, et leur bois mort devient un carburant pour les incendies. Lire aussi : L'ANEF publie son bulletin de risque des incendies de forêts pour la période allant du 15 au 18 juillet La négligence institutionnelle aggrave encore la situation. Selon Jamal Akechbab, les oasis sont exclues des grandes politiques de prévention et de développement. Aucune stratégie nationale n'existe pour entretenir, nettoyer ou replanter les palmeraies. De plus, l'absence de campagnes de sensibilisation environnementale favorise les comportements à risque : mégots jetés dans la nature, cuisson en plein air et accumulation de résidus secs dans les palmeraies. Les conséquences sont dramatiques. Sur le plan économique, la disparition des palmiers-dattiers prive des milliers de familles de leur principal revenu : la culture des dattes. Cette perte entraîne pauvreté, chômage, migration massive vers les régions du Nord, et effondrement du tissu social traditionnel. Sur le plan écologique, la disparition des oasis accélère la désertification et prive le Centre et le Nord du Maroc de leur barrière naturelle contre les vents de sable et l'ensablement. Un autre problème majeur est l'absence de soutien post-catastrophe. Contrairement aux régions du nord qui bénéficient du Fonds spécial de gestion des catastrophes naturelles, les agriculteurs des oasis ne reçoivent aucune indemnisation, malgré les pertes sévères qu'ils subissent. Ce traitement inégal alimente un sentiment d'abandon parmi les populations locales. Selon Jamal Akechbab, 12,5 milliards de dollars auraient été investis entre 2012 et 2022 par l'Agence nationale pour le développement des zones oasiennes et de l'arganier (ANDZOA). Pourtant, sur le terrain, les indicateurs de pauvreté, de chômage et d'exode rural continuent d'augmenter. Les habitants ne perçoivent aucun effet tangible de ces investissements. Face à cette réalité alarmante, l'Association des Amis de l'Environnement de Zagora appelle à une stratégie nationale de sauvetage des oasis, centrée sur : l'entretien régulier des palmeraies, l'interdiction des cultures non adaptées, une gestion durable de l'eau, des campagnes de sensibilisation et l'intégration pleine des oasis dans les dispositifs de gestion des catastrophes. Comme le conclut Jamal Akechbab : « Les oasis brûlent, mais c'est aussi notre conscience nationale qui s'effrite ».