À l'heure d'un monde en recomposition accélérée, marqué par l'effritement du multilatéralisme occidental, les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) apparaissent comme un pôle d'attraction pour de nombreux pays du Sud global. Le Maroc, tout en gardant une position autonome et pragmatique, entretient des relations bilatérales soutenues avec chacun des membres du groupe, sans pour autant formaliser une adhésion. Une stratégie assumée de non-alignement stratégique et de convergence sélective. Contrairement à d'autres puissances régionales africaines, le Maroc n'a jamais demandé officiellement à rejoindre les BRICS. Lors du sommet de Johannesburg d'août 2023, le ministère des Affaires étrangères, de la Coopération africaine et des Marocains résidant à l'étranger a rappelé que Rabat « n'a jamais formulé de demande d'adhésion, ni participé à une quelconque réunion préparatoire », démentant les informations de certains médias sud-africains. Cette position reflète un choix diplomatique clair : ne pas s'inscrire dans une logique de blocs, mais dialoguer avec tous, selon ses intérêts propres. « Le Maroc n'est aligné sur aucun agenda hégémonique. Il est libre dans ses décisions, fidèle à ses alliances, et souverain dans ses décisions », informe Nasser Bourita, ministre des Affaires étrangères, de la Coopération africaine et des Marocains résidant à l'étranger dans une déclaration à l'issue de la 78e AG de l'ONU, septembre 2023. Ce positionnement n'exclut en rien une coopération intense avec les BRICS, notamment dans les domaines économique, énergétique, technologique ou éducatif. Lire aussi : L'ancrage européen: Une relation à rééquilibrer Chine : Un partenariat structurant La relation bilatérale avec la Chine est l'une des plus solides. En 2016, Sa Majesté le Roi Mohammed VI effectue une visite d'Etat à Pékin, conclue par la signature d'un partenariat stratégique global. Depuis, les échanges commerciaux ont franchi les 6 milliards USD en 2024, la Chine devenant le troisième fournisseur du Maroc. En janvier 2022, Rabat a signé le Plan de mise en œuvre conjoint de l'Initiative «la Ceinture et la Route», marquant son engagement dans les corridors eurasiatiques. Des projets phares comme la Cité Mohammed VI Tanger Tech, en partenariat avec la China Communications Construction Company, traduisent cette volonté d'ancrage industriel et logistique. L'ambassadeur de Chine à Rabat, Li Changlin, déclarait en 2023 : « Le Maroc est un partenaire naturel de la Chine en Afrique du Nord ». Ouverture vers l'Asie et l'Amérique latine Avec l'Inde, les relations économiques et scientifiques se sont densifiées. En janvier 2023, lors du sommet «Voice of the Global South» organisé par New Delhi, le Maroc fut invité comme pays intervenant. Les deux pays collaborent dans les domaines pharmaceutique, des engrais, et de la cybersécurité. OCP India est aujourd'hui un acteur clé sur le marché indien des fertilisants. Le Brésil, quant à lui, représente un partenaire agroalimentaire stratégique. En 2024, les exportations marocaines d'engrais vers le Brésil ont atteint un record de 2,2 milliards USD. Le président brésilien Luiz Inácio Lula da Silva, reçu en marge de la COP28 par le chef du gouvernement marocain, a salué un partenariat « stable et tourné vers la souveraineté alimentaire des peuples » (Déclaration conjointe, Dubaï, 3 décembre 2023). Une politique africaine proactive Depuis le début du règne de S.M. le Roi Mohammed VI, le Maroc a profondément réorienté sa politique étrangère africaine, passant d'une présence discrète à une stratégie d'influence affirmée, fondée sur des partenariats économiques, une solidarité concrète et une vision intégrée du développement continental. Ce tournant géopolitique, amorcé dès les années 2000, a connu une accélération notable à partir de 2014 et s'est consolidé avec le retour du Maroc au sein de l'Union africaine en 2017. En janvier 2017, lors du sommet d'Addis-Abeba, Sa Majesté le Roi Mohammed VI prononce un discours historique scellant le retour du Royaume à l'Union africaine, après 33 ans d'absence : « Le moment est venu de retrouver une famille institutionnelle. Quand un corps est malade, il soigne ses membres blessés. L'Afrique ne peut plus se passer du Maroc, et le Maroc ne peut plus se passer de l'Afrique ». — Discours de S.M. le Roi Mohammed VI, Addis-Abeba, 31 janvier 2017. Ce retour symbolique confirme une dynamique plus ancienne : plus de 50 Visites Royales ont été effectuées dans une trentaine de pays africains depuis 1999, donnant lieu à la signature de plus de 1 000 accords de coopération. Une solidarité agissante L'approche marocaine se veut résolument solidaire et co-développementaliste. En 2020, au cœur de la pandémie de Covid-19, le Maroc expédie des cargaisons d'équipements médicaux à 15 pays africains. En 2014, lors de l'épidémie d'Ebola, il maintient les liaisons aériennes avec les pays touchés, contrairement à la plupart des transporteurs africains. L'engagement est aussi éducatif : plus de 12 000 étudiants africains poursuivent des études supérieures au Maroc chaque année, dont 80 % sont boursiers. Le Royaume finance également des programmes de formation pour les imams, ingénieurs, et cadres de l'administration publique.