Au fil des deux dernières décennies, l'entrepreneuriat des jeunes est devenu un pilier central des politiques publiques de développement. Porté par une jeunesse de plus en plus connectée, mieux formée et avide d'autonomie professionnelle, le Maroc voit émerger une nouvelle génération de fondateurs de start-up, souvent à la croisée du numérique, de l'économie verte et des services innovants. Selon le rapport 2024 « Morocco Startup Ecosystem » publié par l'Université Mohammed VI Polytechnique (UM6P), les start-ups marocaines ont levé un montant record de 94 millions de dollars en 2023, contre seulement 32 millions en 2020. L'essentiel de ces fonds a été investi dans les domaines de la fintech, de la logistique, et de l'e-commerce, avec des hubs majeurs à Casablanca, Rabat et Agadir. Pourtant, derrière cette dynamique, de nombreuses fragilités persistent. L'écosystème reste concentré dans les grandes villes, les opportunités de levées de fonds au stade d'amorçage sont limitées, et le taux d'échec des start-ups dans les trois premières années dépasse 70 %, selon l'étude conjointe CESE–UM6P de 2024. Une politique volontariste mais fragmentée En 2020, plusieurs dispositifs ont été lancés pour structurer le soutien aux jeunes entrepreneurs. Le programme « Intelaka », piloté par Tamwilcom, a financé plus de 58 000 projets avec une enveloppe globale avoisinant les 39 milliards de dirhams sur la période 2020-2024. Lire aussi : Sport et jeunesse : De la passion pour un levier de transformation sociale À cela s'ajoute le plan « Forsa », qui finance et accompagne les porteurs de projets à travers un prêt d'honneur de 100 000 dirhams, sans garantie. En 2024, près de 20 000 jeunes entrepreneurs ont été appuyés par ce programme, avec une forte demande dans les régions périphériques, notamment Drâa-Tafilalet et l'Oriental. Malgré ces efforts, les experts du CESE notent l'absence de « marché de sortie » structuré : rares sont les acquisitions, les introductions en bourse quasi inexistantes, et le capital-risque reste embryonnaire. Le Conseil recommande une stratégie nationale unifiée de soutien à l'innovation et à l'entrepreneuriat, intégrant fiscalité, propriété intellectuelle, accompagnement, et éducation entrepreneuriale dès le secondaire. Enjeux pour 2030 : Vers une culture entrepreneuriale de masse ? Les projections du HCP indiquent que plus de 6 millions de Marocains auront entre 18 et 34 ans à l'horizon 2030. Une démographie qui représente un potentiel considérable pour une économie de la connaissance. Mais pour que cette jeunesse joue un rôle moteur, il faudra lever plusieurs obstacles : simplifier les démarches administratives, renforcer les incubateurs régionaux, et sécuriser les parcours entrepreneuriaux. La création d'un fonds souverain pour l'innovation, annoncé dans le cadre de la loi de finances 2025, est perçue comme un levier décisif. Doté initialement de 3 milliards de dirhams, il devrait cibler les secteurs stratégiques et favoriser le cofinancement avec les régions et le secteur privé.