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Interview avec Sara Arsalane : « Nous aspirons à faire de la culture une réalité démocratique au Maroc »
Publié dans L'opinion le 07 - 09 - 2025

Animée par la volonté de venir en aide aux jeunes filles déscolarisées, l'initiative « Lilipad » met en place des bibliothèques et des espaces éducatifs encadrés par des tuteurs dans plusieurs villes du Maroc. À l'origine de ce projet, sa fondatrice, Sara Arsalane, revient sur sa mission et l'engagement citoyen qui l'anime.
- Comment est née l'idée de créer des bibliothèques créatives dans les Centres d'accueil pour jeunes filles ?
« Lilipad » a vu le jour en 2017, lorsque j'ai participé à un projet de volontariat en Ouganda, et collaboré avec un instituteur pour mettre en place une petite bibliothèque dans une école primaire rurale. De retour à Berlin, où je vis depuis plus de dix ans, j'ai réuni des amis pour financer une bibliothèque et du matériel scolaire pour une école primaire dans une zone rurale de Casablanca. Très vite, nous avons constaté que les besoins étaient encore plus urgents dans les Centres d'accueil, où les enfants vivent des situations difficiles comme l'abandon, l'absence de tuteur légal ou un conflit avec la loi. En 2018, nous avons donc ouvert une bibliothèque au Centre de Sauvegarde Abdesslam Bennani à Casablanca, un établissement sous la tutelle du ministère de la Jeunesse.
Depuis l'été 2024, avec notre programme « Libraries & Storytelling Against Stigma », nous avons choisi de travailler plus spécifiquement avec des filles, car le Maroc enregistre encore un écart important entre les genres en matière d'éducation. Par exemple, les filles restent plus exposées au décrochage scolaire, en particulier dans les milieux défavorisés.
- Quels types d'activités sont proposés ?
Nos bibliothèques sont des espaces animés au quotidien. Certaines sont tenues par une « Lilipad Librarian », une jeune éducatrice qui gère le lieu et crée un lien de confiance avec les filles. Cette personne propose des activités adaptées aux besoins et envies du moment : lecture-plaisir, écriture créative, ou encore ateliers artistiques comme le dessin, le théâtre ou la peinture. L'approche reste souple et spontanée, privilégiant les moments d'échange et d'accompagnement bienveillant. Depuis peu, nous travaillons aussi avec des artistes locaux (écrivains, photographes, cinéastes, et facilitateurs en art-thérapie par exemple). Cette collaboration apporte des références culturelles proches des enfants et diversifie les formats créatifs proposés. Notre approche va bien au-delà de la réussite scolaire, nous défendons la lecture et la création comme de véritables leviers de résilience et d'émancipation pour ces jeunes.
- Est-ce que des jeunes filles intéressées, même en dehors des centres d'accueil, peuvent accéder à ces bibliothèques ?
Aujourd'hui, « Lilipad » a réussi à implanter cinq bibliothèques à travers le Maroc, chacune répondant à un besoin local et s'inscrivant dans une volonté de proximité avec les jeunes bénéficiaires. La première a vu le jour en 2017 à l'école primaire Lakhdara à Casablanca, suivie en 2018 par celle du Centre de Sauvegarde Abdesslam Bennani, également à Casablanca. En 2023, « Lilipad » a poursuivi son expansion avec une bibliothèque au sein du SOS Village d'Aït Ourir, avant d'inaugurer deux nouvelles en 2025, l'une au Centre de Sauvegarde d'Agadir et l'autre au Foyer Féminin de Mohammedia.
Si la plupart de ces bibliothèques sont implantées dans des Centres d'accueil, et destinées en priorité aux enfants qui y résident, celle de Mohammedia constitue une exception importante, puisqu'elle est ouverte à toutes et à tous, offrant ainsi un espace d'apprentissage et de lecture accessible à la communauté locale dans son ensemble.
- Pensez-vous ouvrir ce type de projet à d'autres publics, comme les garçons ou les enfants, en général ?
- Trois de nos cinq bibliothèques s'adressent spécifiquement aux filles, et nous avons effectivement mis l'accent sur ce public à travers notre récent programme « Libraries & Storytelling Against Stigma ». Ce choix repose sur un constat selon lequel les filles sont encore confrontées à de fortes inégalités scolaires et culturelles dans de nombreux contextes. Cependant, notre vision reste fondamentalement inclusive. Nous sommes convaincus que démocratiser la lecture-plaisir et l'accès à la culture artistique doit bénéficier à tous les enfants, sans distinction. Notre approche féministe n'exclut personne, elle vise à rééquilibrer les opportunités tout en servant notre mission plus large d'émancipation par la culture.
- « Lilipad » prévoit l'ouverture prochaine d'une bibliothèque créative à Meknès. Quelles sont les grandes lignes de ce projet ?
À Meknès, nous préparons l'ouverture d'une bibliothèque au Centre de Sauvegarde pour Jeunes Filles, suite à l'accord de partenariat signé avec le ministère de la Jeunesse plus tôt cette année. Cette reconnaissance institutionnelle nous honore particulièrement, pour une petite association de terrain comme la nôtre, collaborer officiellement avec le ministère représente une étape importante. Il existe moins de 20 centres de sauvegarde dans tout le pays. Ces établissements accomplissent un travail essentiel auprès des jeunes en situation difficile, et nous sommes fiers de pouvoir enrichir leur mission éducative par notre approche culturelle et créative. Le projet de Meknès proposera lecture, ateliers créatifs et initiation au numérique, créant ainsi un espace où les jeunes filles peuvent à la fois se ressourcer et développer des compétences précieuses pour construire leur avenir.
- Combien de jeunes filles ont bénéficié de ce projet à travers le Royaume jusqu'à présent ?
Cette question est complexe à quantifier, précisément, car la nature même de nos bibliothèques rend le décompte particulièrement difficile. Dans les centres d'accueil, les populations fluctuent constamment, les jeunes arrivent et repartent selon leur parcours de vie. À titre d'exemple, le Centre de Casablanca accueille actuellement une trentaine de filles, mais l'effectif était plutôt vers la centaine, il y a quelques années, celui d'Agadir environ cinquante, et notre espace de Mohammedia voit passer une cinquantaine de jeunes sur l'année.
Mais c'est justement là que réside la beauté des bibliothèques, contrairement aux ateliers ponctuels, elles s'installent durablement dans un lieu et continuent de bénéficier à tous ceux qui s'y succèdent, à condition d'en prendre soin ! Depuis 2018, nous estimons que plusieurs centaines de jeunes ont pu profiter de ces espaces, mais le chiffre réel est certainement bien plus élevé si l'on considère tous les passages, les moments de lecture spontanée, et les enfants touchés indirectement.
- Vous préparez une initiative d'advocacy pour faire reconnaître la créativité comme pilier de l'accompagnement social. Pouvez-vous nous parler de cette démarche ?
Nous sommes convaincus qu'un changement de paradigme s'impose dans l'accompagnement des jeunes en difficulté. Actuellement, nous documentons cette transformation à travers des entretiens avec les équipes de terrain d'un centre partenaire, pour comprendre comment un espace comme une petite bibliothèque peut devenir catalyseur de résilience et d'émancipation.

Cette démarche culminera, en février 2026, avec une exposition qui donnera la parole aux enfants eux-mêmes, à travers leurs créations artistiques. Nous voulons influencer les politiques publiques pour que la créativité ne soit plus considérée comme un luxe, mais comme un droit fondamental. D'ailleurs, le ministère de la Jeunesse reconnaît déjà la créativité comme vecteur clé d'inclusion sociale dans son dernier rapport. C'est exactement cette dynamique que nous voulons féliciter et amplifier.
- Quelles sont vos ambitions à long terme pour « Lilipad » ?
En tant qu'ONG, nous travaillons à l'officialisation de l'association pour faciliter et renforcer notre action sur le terrain. Cette démarche nous permettra de devenir un véritable acteur du changement systémique, ancré localement mais nourri par une expertise internationale. Notre conviction profonde, c'est que la culture ne devrait jamais être un privilège. Nous voulons que chaque enfant marocain, peu importe son origine ou ses circonstances, puisse grandir, entouré de livres et de créativité. Concrètement, cela signifie multiplier les bibliothèques « Lilipad », collaborer avec les bibliothèques publiques, former plus d'éducateurs et démontrer que ces espaces peuvent transformer des vies. Nous aspirons à faire de l'accès à la culture une réalité démocratique au Maroc.


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