Par Hassan Alaoui « Il y a quand même Tindouf ! Vous ne pouvez vraiment pas méconnaître que Tindouf est certainement parmi toutes les injustices, la plus flagrantes et la plus patente » ! Le propos est du Roi Hassan II, tenu lors d'une conférence de presse le 24 octobre 1963...Soit quinze mois à peine après l'indépendance de l'Algérie. Dans ce propos royal, les mots avaient un sens, sans équivoque, ils n'étaient ni unilatéraux, ni faux, ni provocateurs. Le Maroc sortait à peine d'une confrontation armée avec l'Algérie qui, contrairement à ce qui s'était dit, avait lancé ses forces armées contre le Royaume, plus précisément à Figuig et Hassi Beida. Il est nécessaire aujourd'hui, au nom de la mémoire, au nom de la vérité historique de préciser que ce qui allait devenir en octobre 1963 « la guerre des sables », était le fait du seul gouvernement algérien de Ahmed Ben Bella et ses officiers. Ni plus, ni moins... La France, puissance coloniale par excellence, non seulement avait bâclé le processus de décolonisation en Algérie, non seulement avait gravement amputé le Maroc de territoires entiers du sud et sud-est pour les offrir à l'Algérie, mais tourné volontairement le dos à ses revendications territoriales et hypocritement cautionné l'expansionnisme de l'Algérie. Le Touat, Gourara, Tidikelt, Saoura, Bechar et Tindouf Le résultat ? Nous avons hérité bien évidemment d'une situation explosive et la « guerre des sables », déclarée au Maroc en octobre 1963 par Ben Bella s'inscrivait tout bonnement – on ne le dira jamais assez – dans l'irrédentisme colonial, hérité de la France par la nouvelle Algérie, qui s'est trouvée subitement agrandie par la grâce de cette même France dirigée par le général de Gaulle. Autrement dit l'Algérie s'était miraculeusement trouvée dotée d'un vaste territoire marocain depuis la nuit des temps, qui ne lui a jamais appartenu de milliers de kilomètres incorporant ce qu'on appelle le Sahara oriental, les provinces du sud-est, du Touat, de Gourara, de Saoura, du Tidikelt, des Knadssa, de Tindouf, de Bechar. « Un grand gâteau colonial », pour reprendre une expression consacrée. Ces territoires, l'Algérie était tout contente de les récupérer sans pudeur comme une donation, en violation de l'engagement pris devant le Roi Hassan II conformément à l'Accord signé entre Farhat Abbes, président du GPRA (Gouvernement provisoire de la République algérienne) le 6 juillet 1961 avec le Roi Hassan II à Rabat et qui précisait que le gouvernement algérien reconnaîtrait la totalité des provinces marocaines spoliées. Lire aussi : Le SG de l'ONU dénonce les violations des droits de l'Homme dans les camps de Tindouf A plus forte raison, on peut affirmer que fut là la toute première trahison, l'inauguration sinistre d'un long cycle de coups fourrés, de coups bas et de traitrises. Ahmed Ben Bella, le « plus marocain » des Algériens avec Bouteflika, ignorera royalement l'engagement de son prédécesseur Ferhat Abbes et fera donc la guerre au Maroc. Il enterrera les engagements solennels de son gouvernement, et quand Boumediene – de son vrai nom Boukharrouba – le renversera à son tour le 19 juin 1965 et prendra le pouvoir, il donnera naissance à ce qu'on a appelé depuis lors la haine de l'Algérie envers le Maroc, son acharnement à nous détruire, sa volonté maladive d'expansionnisme. Un tel rappel historique me semble nécessaire aujourd'hui, il s'impose de lui-même. Car le contentieux maroco-algérien est si lourd qu'il ne se résume pas à une simple rivalité, comme certains politologues ou commentateurs croient le présenter. Il est à la relation complexe entre les deux pays, et comparaison n'étant pas raison, ce que furent dans l'Antiquité les Guerres puniques, point d'orgue en effet de la volonté de domination et de maîtrise de la Méditerranée ! Ou encore plus près de nous , la rivalité franco-allemande qui a duré des siècles et avait été marquée par des guerres répétitives. Le fond du problème est à vrai dire connexe au conflit artificiel autour du Sahara, créée par Boukharrouba dit Boumediene qui, sur un ton quasi provocateur, avait affirmé « vouloir placer un petit caillou dans la chaussure du Maroc », tout en y prêtant un sourire narquois à l'endroit du Roi Hassan II. Le petit caillou est, par son destin particulier, devenu un « gros caillou », il risque cependant de coûter cher à l'Algérie cinquante ans après, et enterre en définitive le songe basmarckien des successeurs lointains de Boukharrouba, notamment Abdelmajid Tebboune. En arrivant au pouvoir en 2017 par la grâce d'un Gaïd Salah et de son acolyte Saïd Chengriha, Tebboune s'est découvert une vocation à géométrie variable : tantôt guerrier anti-marocain, sur le pied de guerre pour ranimer la flamme haineuse de Boumediene envers le peuple marocain, tantôt démagogue et hâbleur pour nous dire que l'Algérie est la 3ème puissance mondiale, la toute première en Afrique, la première future productrice des phosphates, l'inventrice de la démocratie européenne, et tutti quanti... L'entrée en scène de Donald Trump Tant et si bien qu'il n'a pas vu venir, ou imaginer qu'un certain Donald Trump – tout à sa vocation de prédicateur – allait renverser la vapeur, et imposer sa férule. Et de fait, la donne n'est plus entre les mains des militaires algériens qui n'ont eu de cesse de jouer les donneurs de leçons au Royaume du Maroc. L'arrogance d'un Boumediene envers Hassan II jouant les cartes et manœuvres pétrolières et gazières, sur fond d'un tiers-mondisme de parade, est plus que révolue. Les files d'attente grossières et infinies du peuple algérien pour se procurer ici le lait, là l'huile ou le sucre pour ne citer que ces produits de base, ont tout simplement montré et démontré la vanité incrédule d'un modèle – je dirais plutôt d'un choix économique et social désastreux... Donald Trump, par son inclinaison opportuniste n'a pas hésité à choisir pour sa part le Maroc en ce qu'il constitue une histoire et une mémoire, une nation crédible à ses yeux, un partenaire solide et multi-centenaire, le tout premier à reconnaître l'indépendance de la jeune République des Etats-Unis en 1777 et les treize colonies qui la constituaient ! Sa force, à vrai dire, est d'abord sa vertueuse croyance à convertir la planète à son pragmatisme et au commerce de bon aloi. Le succès aidant mais fragilisé tout de même à Gaza, l'incline à régler le contentieux du Sahara occidental marocain, avec la même méthode : intimer quasiment l'ordre aux protagonistes de se réunir et , la présence de ses conseillers personnels assurée, de trouver une issue à ce qu'il convient d'appeler l'un des conflits les plus longs de l'histoire contemporaine. Le plus significatif est qu'il ne vise ici essentiellement que deux protagonistes : le Maroc et l'Algérie ! Exit le polisario ou autre possible acteur ! Les scénarios qui sont passés en examens pour en venir à bout sont à la fois complexes et simples : accepter, se soumettre au seul projet de règlement qui reste plausible et possible après que tous les autres eurent démontré leur insuffisance ou leur échec ! Celui de l'Autonomie élargie proposé par le Roi Mohammed VI au Conseil de sécurité des Nations unies le 7 avril 2007, il y a donc dix-huit ans déjà ! L'Apocalypse ou la capitulation Or, ce qu'on appellera à coup sûr « le Plan de règlement » portant aussi l'estampille de Trump, comporte une condition sine qua non rédhibitoire : l'ouverture de négociations avec la présence effective de l'Algérie, en sa qualité de protagoniste impliquée, concernée à plus d'un titre et responsable aussi ! En d'autres termes, contrairement aux précédentes négociations organisées à Genève auxquelles l'Algérie a pris part mais qu'elle désertées rapidement par la suite, celles qui sont prévues et exigées même par Donald Trump avec un timing irréversible de soixante jours, devraient se dérouler avec la participation réelle de celle-ci ! C'est peu dire que l'Algérie est ainsi soumise à deux choix cornéliens : la capitulation ou l'Apocalypse ! Si tant est que l'on puisse croire qu'en définitive, Alger se soumettra ou s'inscrira dans le nouveau processus de règlement du contentieux du Sahara occidental marocain, le Maroc devrait aborder la totalité du contentieux avec l'Algérie. Et celui-ci, on l'a déjà dit, est d'autant plus lourd qu'il constitue un large spectre, dont notamment la question du tracé des frontières héritées de la décolonisation qui non seulement nous a été arbitrairement imposé, mais a morcelé notre territoire, spolié plusieurs provinces du Royaume, violé notre intégrité territoriale et notre souveraineté nationale et attenté à notre unité nationale. Tindouf, et toujours Tindouf Nous revenons au propos initial et prémonitoire de feu Hassan II d'octobre 1963 sur Tindouf, qui est à notre mémoire historique ce que l'abécédaire géopolitique est aujourd'hui à notre parachèvement territorial. C'est-à-dire un élément d'éclairage rétrospectif de ce qui a été le cas le plus flagrant d'injustice et de néo-impérialisme algérien. Dans les années soixante du siècle dernier, désireux de conserver le Sahara pour les expériences nucléaires françaises, le général de Gaulle , aux dépens du Maroc bien sûr, ordonna l'octroi des deux tiers du territoire marocain qui constituent l'Algérie d'aujourd'hui, autrement dit une dislocation arbitraire de notre pays. Pis encore : son dépeçage dans la continuité coloniale et dans l'impérialisme d'antan, des siècles précédents auquel était confronté le Royaume chérifien. Garat Jbilate et Bechar, territoires spoliés Le résultat est que l'Algérie depuis 1962, a vu tripler sa superficie, s'est emparée des richesses à la fois de son propre territoire et de celles du sud-est marocain dont Bechar, Tindouf, Garat Jbilate et, sans doute, ce qu'on appelle de nos jours les « terres rares » enfouies dans ce territoire si vaste qui constituait autrefois la route vers Tombouctou et le Soudan. Jusqu'en 1950, la vaste région de Tindouf, fondée et administrée par des tribus du Maroc, appelées Tadjakent faisait régulièrement acte d'allégeance au Roi du Maroc. Le Sultan Moulay Hassan nomma encore en...1903 par Dahir chérifien cadi Ahmed Ben Mohamed Laamech el-Jakani à leur tête, les timbres-postes étaient estampillés « Tindouf-Maroc », tandis que l'Administration civile de Tindouf et de sa région relevait directement de la ville d'Agadir, siège de la Région ... Nous ne sommes donc pas ici dans le jeu des inductions ou des hypothèses, non plus dans celui des rocambolesques déformations de la vérité historique ou de sa révision. Tindouf est bel et bien marocaine, géographiquement, historiquement, ethniquement, linguistiquement, culturellement, humainement, tout court...Elle a été arrachée, comme l'ensemble du Sud-est marocain, ce qu'on appelle le Sahara oriental ou central, au Royaume du Maroc par un acte colonial, léonin et violent. Les habitants authentiques de Tindouf, originaires du Maroc, revendiquent toujours leur marocanité, leur appartenance au Royaume du Maroc et, bien entendu, sont la proie à la féroce répression du régime militaire algérien, lequel s'emploie à effacer les traces, la mémoire marocaines au sein d'un peuple, vivant dans des conditions dignes, honteusement dignes d'une Kolyma...