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Des modernistes sans modernité, par Taoufiq Bouachrine
Publié dans PanoraPost le 19 - 05 - 2015

Les deux ministères de la Justice et des Affaires islamiques, en plus du Conseil national des droits de l'Homme, ont mené sur demande du roi Mohammed VI des concertations avec l'ensemble des partis, associations et autres organismes de la société civile. Résultat : l'avortement reste une pratique interdite, ne laissant la voie libre qu'à trois exceptions que sont le viol et l'inceste, le risque pour la mère et la malformation fœtale…
Pour ces trois cas, la femme enceinte peut procéder à l'interruption volontaire de sa grossesse… C'est ainsi que le communiqué du palais royal a tenté de clore le débat sur l'avortement, pour le moment du moins, se basant sur le principe que les consultations menées par Mustapha Ramid (sensibilité islamiste), Ahmed Toufiq (islam politique) et Driss el Yazami (référentiel universel des droits de l'Homme), versent toutes dans le même sens. Le roi a donc coupé la poire en deux…
Les différences d'opinion quant à la question de l'avortement reflètent les divergences politiques, morales et philosophiques qui parcourent la société marocaine, et qui se divisent globalement en deux courants, le conservateur et le moderniste. Le premier considère que la loi ne peut se défaire du référentiel supérieur et transcendant de l'islam, et que le plus qu'on puisse faire est de trouver une solution qui soit incluse dans le corpus juridique musulman ; ainsi, les trois exceptions citées plus haut sont le seuil maximal de concessions que l'on puisse trouver sur le plan théologique, aujourd'hui du moins, car l'idée est encore répandue que le corps de la femme ne lui appartient pas en totalité et que la religion et la société ont leur mot à dire sur la question.
De l'autre côté, le courant moderniste part du principe d'un positionnement libéral en matière de droits de l'Homme, ce positionnement devant primer sur toute autre considération religieuse ; les tenants de ce courant appellent à la légalisation de l'avortement, après avoir revendiqué celle des relations sexuelles consenties entre adultes. Ainsi, la femme dispose de son corps et en fait ce qu'elle désire, rapports sexuels et/ou avortement, sans que le législateur ne puisse s'exprimer.
Les conservateurs savent que l'écrasante majorité de la société se range à leur avis, ce qui les rassure… quant aux modernistes, ils ont été fort désappointés par les conclusions émises à la suite des concertations sur l'avortement. Mme Khadija Roussi, l'une des porte-paroles du courant moderniste et dirigeante du PAM, a eu cette réaction : « Les obscurantistes enregistrent en ce moment victoire sur victoire. Aujourd'hui, ils ont gagné pour l'avortement et, demain, ils nous imposeront un Code pénal primitif ».
Le sociologue Mohammed Ennaji, pour sa part, a préféré imputer l'interdiction de l'avortement sans conditions préalables aux forces de gauche et aux modernistes, les accusant de lâcheté dans la prise de position : « On ne peut demander au roi de prendre une attitude qui aille à l'encontre du fondement de sa légitimité. Où sont les partis socialistes ? Vous n'êtes que des marionnettes entre les mains des vrais décideurs, alors ayez au moins la dignité et le bon goût de vous taire ».
Quant au politologue Mohamed Tozy, il a préféré l'analyse à l'invective, et voici ce qu'il a dit du communiqué du palais, un texte en partie consensuel sur une question épineuse : « Personne ne s'attendait à ce que la règle en matière d'avortement soit la légalisation, et que l'interdiction devienne l'exception. La société marocaine n'aurait jamais permis cela, mais la marge peut être élargie aujourd'hui dans et par la pratique ».
Celles et ceux qui s'attendaient à une révolution dans cette question en ont eu pour leur frais, et ceux qui espéraient que les choses resteraient en l'état aussi. En revanche, les gens réalistes, qui connaissent la structure de la société marocaine, son positionnement intellectuel, sa nature morale et son attachement à la religion, voient dans ce qui a été fait un pas de géant dans la modernisation et pour la modernité du système pénal. Ces mêmes gens estiment donc que la loi n'est plus ce roc inamovible qui n'écoute ni ne voit ce qu'il y a autour, ils pensent que cette loi peut aujourd'hui évoluer, même de façon limitée, et peut répondre aux revendications d'avancées émises par la société, imposées par le monde et apportées dans et par les valeurs universelles.
Les sociétés conservatrices ne changent pas par les ruptures mais par les accumulations de petits progrès, elles n'évoluent pas par le haut mais par le bas. A la notable exception de la Tunisie qui a su significativement évoluer grâce à son grand réformateur du siècle dernier Habib Bourguiba, observons donc les autres pays arabes qui restent très éloignés des changements religieux, mentaux et sociaux qu'a connus le Maroc depuis 2004, depuis la Moudawana, depuis l'évolution de la situation de la femme et de la famille et, aujourd'hui, la loi sur l'avortement.
Le roi se tient à égale distance des conservateurs et des modernistes, agissant en mesurant les choses selon ses propres critères. Le monarque est lié par la charge et la portée de cette institution qui est la sienne, la Commanderie des croyants, qui peut s'ouvrir si elle trouve en face d'elle une société qui le souhaite, comme elle peut se fermer si elle trouve une société qui se recroqueville sur son conservatisme.
Le problème, le vrai problème, est celui des modernistes qui appellent à la modernité sans vouloir en payer le prix, ces gens totalement absents en matière d'encadrement idéologique et de mobilisation politique. Ils veulent que le palais fasse, seul, le travail, et assume, seul, le coût de leurs positions et de leurs attitudes.
Pour le Code pénal, par exemple, nous avons vu et entendu comment l'opposition a fulminé contre les onze situations pouvant conduire à la peine capitale dans le projet de Code pénal, mais cette même opposition avait voté il y a un an comme un seul homme, et femme, avec la majorité, pour le code militaire qui prévoyait cinq cas où l'on condamnait à la peine de mort. En ces temps-là, Mme Khadija Rouissi, députée du PAM, n'avait rien dit, laissant dépasser sa modernité par son authenticité. Il ne faut donc pas venir pleurer aujourd'hui… Comment les modernistes pourraient-ils avoir une once de crédibilité en venant marteler que la peine de mort est inacceptable dans le projet de Ramid aujourd'hui après qu'ils aient accepté le même châtiment pour l'armée, hier ? Cela porte un nom, c'est l'hypocrisie sociale ou la politique des deux poids-deux mesures.


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