La rencontre tenue la semaine dernière entre le chef du gouvernement et un groupe de journalistes était articulée autour de plusieurs thèmes, dont ceux de la grève générale, de la retenue sur salaire du jour non travaillé et de la question des enseignants stagiaires. Des choses ont été dites par Abdelilah Benkirane et les journalistes les ont rapportées, chacun à sa manière. Mais cela n'a pas plus à Mohamed Yatim, qui a été prompt à dégainer, puis à tirer dans tous les sens, avec une admirable générosité dans l'insulte. Ainsi, pour expliquer la logique de la retenue sur salaire des jours de grève, le chef du gouvernement s'était lancé dans une explication, lors de laquelle il avait cité un verset du Coran, dans la sourate Ar-Rahmane : « Et quant au ciel, Il l'a élevé bien haut. Et Il a établit la balance, afin que vous ne transgressiez pas dans la pesée, Donnez [toujours] le poids exact et ne faussez pas la pesée » (55 : 9). Le chef du gouvernement parlait de justice et d'équité et il a trouvé comme illustration à son propos ce verset qui parle de balance. On peut être d'accord, ou non, mais telle est sa manière de penser. Certains journalistes présents à cette rencontre ont relaté le fait, et d'autres l'ont amplifié, affirmant que « Benkirane dit que la retenue sur salaire des jours de grève est indiquée dans le Coran ». L'affaire aurait dû s'arrêter là, car le chef du gouvernement ne faisait que reprendre la réponse du berger à la bergère, la bergère étant la classe syndicale qui avait dit, sur un ton sarcastique, que la retenue opérée par le gouvernement sur les salaires des grévistes devait être considérée comme une Zakat (ou obole légale et réglementée). Mais Yatim a chaussé ses gros sabots et défouraillé sa grosse artillerie, dans une bafouille publiée sur le site pjd.ma. Florilège. « Les pseudos journalistes et les militants ratés », ou « perte de boussole politique et cancan insignifiant », ou encore « mensonge et diffamation, navrante et basse invention d'informations », ou enfin « l'allusion de Benkirane est intelligente, et ne peut servir qu'aux esprits intelligents »… Puis Yatim se lance dans une diatribe vantant les mérites du Coran et des faits et gestes du prophète, arguant que bien des valeurs islamiques ont été reprises par l'humanité. Certes, mais c'est hors sujet. Yatim est coutumier du fait, lui qui avait en novembre dernier quasiment insulté le président du CNDH Driss Yazami pour son rapport sur l'équité et la parité, en recommandant l'égalité successorale des femmes et des hommes. Il avait dit, en substance, que « l'herboriste ne peut pas causer chirurgie, qui nécessite une grande technicité », ce qui n'est gentil ni pour l'herboriste ni pour Yazami. Mais l'homme est aussi celui qui décline ses vérités à géométrie variable, comme cela avait été le cas fin 2014 quand il s'était agi de défendre son fils qui avait participé, et gagné, à un tournoi de poker… Mohamed Yatim avait alors parlé de « jeu d'intelligence », et déclaré que « certaines personnes considèrent ces compétitions comme haram, mais elles sont légales aux yeux de la loi et il y a débat au niveau de la loi islamique ».