La "Bûche de la Fraternité" rassemble chrétiens, juifs et musulmans à Casablanca    Service militaire : Fin de la première phase de formation des appelés du 40e contingent    Ouahbi face aux avocats : Après une trêve fragile, la discorde !    Elections 2026: Fin des inscriptions sur les listes électorales le 31 décembre    Atlantic Business International passe sous contrôle total de BCP    Fiscalité : Le FMI salue la digitalisation de plus de 90 % des procédures au Maroc    Guerre en Ukraine : Nouvel appel "très productif" entre Donald Trump et Vladimir Poutine    Exercice « Acharq 25 » : les FAR resserrent les rangs face aux menaces conventionnelles    CAN Maroc 25 / Côte d'Ivoire - Cameroun : un nul spectaculaire qui relance le suspense dans le groupe F    CAN 2025 : Regragui annonce le retour d'Hakimi et appelle à l'union avant la Zambie    Mercato : Gessime Yassine dans le viseur de deux clubs de Ligue 1    Interview avec Rabiaa Harrak : « Face aux fléaux climatiques, une coopération internationale s'impose pour protéger notre patrimoine culturel »    MAGAZINE : Chris Rea, la guitare perd son slide    Morocco: Orange Alert, Heavy Rain and Strong Winds Until Monday    Achraf Hakimi set to debut in Africa Cup of Nations against Zambia    Despite Polisario's support, African Union refuses to recognize Somaliland    En crise avec la Somalie, le Maroc ne condamne pas la reconnaissance par Israël du Somaliland    CAN 2025 : Lekjaa présent lors de la dernière séance d'entrainement des Lions de l'Atlas    Change : le dirham s'apprécie face au dollar et se déprécie vis-à-vis de l'euro    Coopératives : Vaste offensive de contrôle fiscal dans les grandes villes    El Jadida : Mobilisation générale pour faire face aux répercussions des précipitations    CAN 2025 : le point sur les groupes C et D    CAN 2025 : le programme des matchs du dimanche 28 décembre    Service militaire : le 40ème contingent prête serment au terme de sa formation de base    Santé : les syndicats annoncent une grève nationale fin janvier    La « Bûche de la Fraternité » rassemble chrétiens, juifs et musulmans à Casablanca    Hauteurs de pluie    Alerte météo : Fortes averses orageuses et chutes de neige de samedi à lundi    Soudan : un système de santé au bord de l'effondrement après bientôt mille jours de guerre    Stress hydrique : Amara met en garde contre une crise « sans précédent »    L'icône du cinéma français, Brigitte Bardot, n'est plus    UPF : la Conférence Inaugurale animée par un "Nobel de l'architecture"    Perturbations météorologiques : Suspension des cours à Taroudant    Excédent de 80,5 milliards de dollars pour le commerce chinois en novembre    Un léger tremblement de terre signalé à Rabat sans dégâts ni victimes    Un nul sans âme met à nu les failles des Lions de l'Atlas et les limites de Regragui face au Mali    Energie électrique : la production augmente de 6,1% à fin octobre 2025    Les Etats unis mènent des frappes contre l'Etat islamique au Nigéria    Le temps qu'il fera ce samedi 27 décembre 2025    Vague de froid : Face aux nuits glaciales des « lyalis »... [INTEGRAL]    Renforcer la moralisation des opérations électorales, principal enjeu des législatives de 2026    2025: Une dynamique de percées inédites du Maroc dans les responsabilités de gouvernance des Organisations Internationales    Israël reconnaît le "Somaliland", Trump se dit "opposé", l'UA condamne    Coupe d'Afrique des Nations Maroc-2025 : agenda du samedi 27 décembre    CAN 2025. Le Kenzi Menara Palace célèbre le Nouvel An 2025, avec une soirée événement : L'Afrique en Fête    Le Tifinagh sur la monnaie marocaine : un acte de souveraineté culturelle et de réconciliation historique    WeCasablanca Festival : quand Soukaina Fahsi et Duke font vibrer le cœur de Casablanca    "Bollywood roadshow de dancing Dj Naz" signé Tendansia : Un grand spectacle 100% bollywood investit le maroc les 28 et 29 janvier    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



10 janvier 1966 : «J'ai vu tuer Ben Barka» ou la Une controversée de L'Express
Publié dans Yabiladi le 10 - 01 - 2018

Le 10 janvier 1966, L'Express publiait en Une le témoignage d'un Français ayant assisté à l'enlèvement, quelques semaines auparavant, de Mehdi Ben Barka. Sept jours plus tard, George Figon sera retrouvé mort dans son appartement. Le 20 janvier, un mandat d'arrêt international est lancé contre le général Oufkir et le général Dlimi. L'enquête du média français provoque un scandale. Histoire.
En octobre dernier, la disparition de Mehdi Ben Barka, leader de l'Union nationale des forces populaires (UNFP), a entamé sa 52e année sans que l'enquête ouverte devant la justice française ne soit fermée. Kidnappé à Paris le 29 octobre 1965, l'affaire a éclaté lorsque l'hebdomadaire français L'Express publie en Une le témoignage d'un certain George Figon. Les propos de celui qui prétend avoir participé à l'enlèvement et à la séquestration de Ben Barka enflammeront l'opinion publique française pendant plusieurs semaines. Avec la photo du leader de la gauche marocaine en Une, accompagné d'un titre choc en lettres rouge sang, l'enquête de Jacques Derogy et Jean-François Kahn tout comme d'autres articles de presse, pousseront le général Charles de Gaulle, fraîchement réélu président de la Ve république, à qualifier l'affaire de «détestable» et à s'exprimer en conférence de presse, en février 1966 pour faire le point sur l'avancement de l'enquête.
Deux enquêtes, policière et journalistique
Nous sommes le 26 octobre 1965. Mehdi Ben Barka est à Genève. Il prend contact avec le journaliste Philippe Bernier qui prépare un projet de film documentaire consacré à la décolonisation. Le rendez-vous est fixé pour le vendredi 29 octobre à 12h15 à la brasserie Lipp, située au boulevard Saint-Germain à Paris. Le jour de l'enlèvement, Ben Barka, qui était accompagné par Thami Azemourri, un jeune historien marocain, est interpellé par deux policiers qui le conduisent à bord d'une Peugeot 403. C'est la dernière fois qu'il sera aperçu.
Feu Hassan II, alors prince héritier et Mehdi Ben Barka aux côtés du roi Mohammed V lors de l'inauguration, le 5 juillet 1957, des travaux de la route Al Wahda. / DR
Le 2 novembre, une instruction est ouverte par le juge Louis Zollinger. L'enquête sur la disparition du leader de la gauche marocaine est confiée à la brigade criminelle dirigée par le commissaire Bouvier. Parallèlement, Jacques Derogy et Jean-François Kahn commencent leur investigation. Ce jour-là, ils rencontrent Philippe Bernier en compagnie du frère de Ben Barka. «Ils nous apprennent l'insolite présence à Paris des deux ennemis jurés de Ben Barka : Mohamed Oufkir, ministre marocain de l'Intérieur, et le Ahmed Dlimi, chef de la sûreté. Bernier s'inquiète surtout du rôle éventuel joué par le producteur du film, Georges Figon, introuvable depuis le déjeuner chez Lipp», raconte Jacques Derogy dans un article publié en 1995.
La rencontre entre les trois journalistes débouchera sur une autre : un tête-à-tête avec Pierre Lemarchand, l'avocat de Georges Figon. Un premier article, intitulé «Les étranges coïncidences de l'affaire Ben Barka» est publié mais il ne fera pas beaucoup de bruit auprès de l'opinion publique française bien qu'il revient aussi sur les perquisitions opérées dans la villa et dans la maison où Ben Barka aurait été séquestré.
Un premier article sans grand retentissement
Vers la mi-décembre, Georges Figon, ayant fait l'objet d'un mandat d'arrêt, entre en contact avec les deux journalistes. Ses premières révélations feront l'objet d'un deuxième article, le 20 décembre, «sans grand retentissement avec, ce jour-là, la réélection du général de Gaulle». Le deuxième article rapporte le récit de Figon sur l'arrivée du commandant Dlimi et du général Oufkir, alors ministre de l'Intérieur dans la villa où Ben Barka était séquestré et des événements qui s'en sont suivis.
«Le soir, il (Mehdi Ben Barka, ndlr) se couche et nous en profitons pour téléphoner au Maroc à Dlimi, le chef de la police, et à Oufkir, le ministre de l'Intérieur. Les termes sont brefs, tout le monde est parfaitement au courant de ce dont il s'agit. Les Marocains sont sceptiques ; on leur a déjà fait le coup pour obtenir de l'argent. Ironique, Dlimi demande : "Qu'est-ce que ça veut dire, cette fois encore ?" C'est Dubail qui prend alors le téléphone :
- Puisqu'on vous dit que le colis est là !
- Quoi, le colis ?
- Oui, le colis.
- Emballé ?
- Oui, emballé.
- C'est bien, on arrive.»
Extrait du témoignage de George Figon, publié par L'Express le 10 janvier 1966.
Ce n'est que le 10 janvier qu'un «document d'une quinzaine de pages», contenant la retranscription du témoignage de Georges Figon, sera publié en Une de L'Express. «Notre scoop provoque une cascade de rebondissements», raconte Jacques Derogy. De nouvelles révélations viendront s'ajouter à l'instruction menée par le juge Louis Zollinger, en plus d'un démenti signé Georges Figon et dans lequel ce dernier fera marche-arrière s'agissant de son témoignage. Le 17 janvier 1966, Figon est localisé par la police dans le 17e arrondissement de Paris mais il sera finalement retrouvé mort. La presse française est en ébullition et pointe du doigt le «caractère troublant» du suicide. Même des médias internationaux, comme le Times et le Daily Mail, reprennent le sujet.
La Une de L'Express du 10 janvier 1966. / Ph. L'Express
Le jour-même, plusieurs personnalités prestigieuses issues des milieux politiques, culturels et scientifiques lancent un appel «pour que la lumière soit faite sur le sort de Mehdi Ben Barka». On y demande à ce que «soient démasqués et châtiés les responsables quels qu'ils soient».
«C'est alors que Dlimi et Achachi montent au premier étage. Dès qu'il voit Dlimi, Ben Barka paraît saisi de terreur ; il arrête de se débattre. On commence à le ficeler avec les cordes qu'est allé chercher Palisse. C'est Dubail qui lui attache les pieds. (...) A ce moment-là, au rez-de-chaussée, arrive Oufkir, coiffé d'un grand chapeau de feutre noir.»
Extrait du témoignage de George Figon, publié par L'Express le 10 janvier 1966.
De Gaulle finit par reconnaître une «complicités françaises à un niveau ''vulgaire et subalterne''»
Le 22 janvier, le juge Zollinger délivre trois mandats d'arrêt internationaux contre le général Oufkir, le commandant Dlimi et un certain Larbi Chtouki qui a aussi pris part à la séquestration de Ben Barka. Deux jours plus tard, L'Express consacre à nouveau 18 pages à cette affaire, dans une série étalée sur cinq semaines d'affilée, intitulée «A verser au dossier de l'instruction».
Le 21 février de la même année, lors d'une conférence de presse, le général de Gaulle finit par évoquer l'affaire Ben Barka. «Le second aspect de l'intervention du Général porte sur l'affaire Ben Barka, du nom de cet opposant marocain réfugié en France et disparu le 29 octobre 1965, enlevé à l'instigation du ministre marocain de l'Intérieur, le Général Oufkir, par des policiers français agissant en liaison avec un correspondant des services du contre-espionnage, ce qui conduira l'opposition à s'interroger sur le rôle exact de l'Etat dans l'affaire», rapporte un document audiovisuel de l'Institut national français de l'audiovisuel (INA). Il y explique qu'il s'agit d'une «ingérence sur le territoire national d'un ministre marocain qui a motivé le 24 janvier le rappel de l'ambassadeur de France à Rabat, opération qui a bénéficié de complicités françaises à un niveau ''vulgaire et subalterne''».
Feu le roi Hassan II et le général de Gaulle en France le 26 Juin 1963. / Ph. DRLe roi Hassan II et le général de Gaulle en France le 26 Juin 1963. / DR
Ce n'est que le 5 septembre que le procès des accusés dans l'enlèvement de Mehdi Ben Barka s'ouvre à Paris pour s'achever le 5 juin 1967. Derrière les barreaux, seuls Antoine Lopez, chef d'escale à Orly et informateur des services secrets marocains (SDCE), et Louis Souchon, l'un des policiers ayant interpellé Ben Barka, sont condamnés à de la prison ferme. D'autres sont acquittés tandis que le général Mohammed Oufkir, Ahmed Dlimi ainsi que cinq autres français en cavale, sont condamnés par contumace à la réclusion à perpétuité.
Implication du Mossad, dissolution du corps de Ben Barka dans une cuve d'acide au Maroc, ou encore incinération de la dépouille du leader de la gauche marocaine en France ; depuis les années 2000, les versions abordant le sort du principal opposant socialiste au roi Hassan II divergent. Aucune ne présente des preuves concrètes, le corps de Mehdi Ben Barka n'étant jamais été retrouvé.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.