En décidant de supprimer les protections anticopie de son catalogue musical, la maison de disques met la pression sur ses concurrentes. Ces dernières devraient en effet suivre l'exemple de l'association conclue avec Apple pour relancer un secteur en pleine crise. Cela aura pris plus de dix ans, mais l'industrie musicale commence enfin à se réconcilier avec le MP3. EMI a créé l'événement en annonçant le 2 avril que son catalogue serait désormais accessible en format non protégé à partir de sites de téléchargement payants, iTunes Store d'Apple étant le premier d'entre eux. Les consommateurs pourront copier sans limitation les chansons téléchargées légalement sur ces sites et les transférer sur n'importe quel lecteur numérique, ainsi qu'ils le font déjà avec des fichiers téléchargés à partir de sites de partage ou de CD. Au cours des dernières années, EMI et plusieurs autres majors du disque ont déjà tenté de proposer à la vente des titres non protégés, et le site eMusic a longtemps vendu des MP3 d'artistes de labels indépendants. Mais EMI est la première grande maison de disques à franchir le pas, même si les analystes prévoient que d'autres devraient bientôt suivre. "C'est un événement très, très important", estime Michael Gartenberg, analyste chez Jupiter Research à New York. "Une fois cette porte ouverte, plus personne ne voudra être la dernière maison de disques à ne proposer que de la musique avec un système anticopie." Les spécialistes expliquent que certains consommateurs sont hostiles à l'idée de payer pour des titres qu'ils ne pourront pas librement copier. Ils soulignent également que les maisons de disques se sont concentrées sur la vente de titres à 1 dollar plutôt que d'albums à 12 dollars. Dès lors, même si les consommateurs achètent plus de musique que jamais, ils dépensent en réalité beaucoup moins d'argent. Jusqu'aujourd'hui, seul iTunes proposait le téléchargement légal de titres compatibles avec iPod, le lecteur numérique le plus populaire. Cette exclusivité entre iPod et iTunes constituait un frein pour les autres vendeurs de musique en ligne. En autorisant le téléchargement payant et sans restriction de copies de titres susceptibles d'être lus sur n'importe quel lecteur, les maisons de disques pourraient surmonter cet obstacle. Cela pourrait permettre l'émergence de nouveaux modèles de vente en ligne, potentiellement créateurs de profits, selon les analystes. Au lieu du système de prix fixe proposé sur iTunes, certains sites de téléchargement payant pourraient mettre en place un système de prix variable, longtemps attendu par les maisons de disques, où les prix seraient déterminés en fonction de la popularité du morceau. Les concurrents d'iTunes ont salué la décision d'EMI et annoncé qu'ils s'efforceraient de conclure des accords similaires avec cette maison de disques, et qu'ils feraient pression sur les autres pour qu'elles suivent l'exemple d'EMI. "C'est un grand pas pour l'industrie de la musique en ligne", a déclaré Rob Glazer, président de RealNetworks qui développe des logiciels de lecture numérique. Cette décision pourrait également relancer la concurrence sur le marché des lecteurs numériques. Les concurrents d'iPod ont longtemps contesté le fait que les titres téléchargés sur iTunes n'étaient compatibles qu'avec iPod, limitant ainsi la possibilité pour les consommateurs de choisir un autre lecteur numérique. Quelle qu'en soit la raison, les concurrents d'iPod comme Microsoft, Creative et SanDisk sont loin derrière Apple. Toutefois, même si l'industrie musicale espère s'ouvrir à davantage de concurrence, il n'est guère probable qu'Apple soit détrôné de sitôt. Car "Apple emporte le morceau grâce à l'élégance de son design et à la simplicité d'utilisation de son interface", explique Mark Kirstein, vice-président du département multimédia de iSuppli, un laboratoire de recherche.