«Nouvelles marocaines 2013» Voilà un livre qu'on qualifierait de bienvenu sur toute la ligne. Non pas parce qu'il enrichit la bibliothèque fictionnelle marocaine, chose qui va de soi et mérite l'encouragement dû à toute publication à caractère littéraire. Mais du fait qu'il vient à point affichant l'ambition louable de montrer que l'imaginaire marocain est bien présent, actif, varié et fécond et ne lui manquaient que des initiatives audacieuses pour le prouver. Chose à laquelle s'est attelée la maison d'édition Casa-Express. En effet, existant maintenant depuis plus de deux ans, la maison a eu l'idée de publier des nouvelles d'auteurs marocains, consacrés ou inconnus, après un appel à texte lancé le web et les réseaux sociaux. Le choix s'est porté sur dix-sept textes de très bonne facture qui embrassent une large palette de sujets, de styles, d'approches et de modes d'écriture. Ils témoignent d'un background propre et personnel, mis en œuvre via les exigences du genre de la nouvelle. La nouvelle, ce vivier de la création à part entière possédant ses propres traits de noblesse et sa place dans la littérature moderne et postmoderne, comme voix de l'époque et ses tourments, comme voix criée de l'individu, citoyen du monde, face à toutes sortes de défis. La nouvelle, cette façon de créer l'événement en le cernant, en le pointillant scrupuleusement, en le baignant dans une moule à intrigue et de le finir par la magie d'une logique d'écriture soignée et incisive. Qu'elle soit détail du monde, dialogue entretenu, description, état d'âme, dissertation soutenue ou autres, la nouvelle donne le plaisir de lire et ouvre les portes de la compréhension et de la spéculation heureuse. Quand elle est bien faite, elle subjugue et imprime une trace ineffaçable dans l'entendement du lecteur. Par bonheur tout cela se retrouve dans les textes de cette anthologie marocaine. Une diversité qui permet aux lecteurs de découvrir et le Maroc et la littérature. Chaque nouvelle vise, creuse, narre un pan de notre réalité sociétale avec la manière. Chaque auteur y va de son érudition et sa manne d'imaginaire pour confectionner une intrigue et un univers qui, une fois approché, vous colle et vous vous questionne, surtout que certaines « chutes », ce sésame magique propre à la nouvelle, sont inventives, surprenantes. Il y a de la vitalité juvénile et souriante des jeunes, la sagesse réfléchie des plus âgés, et la compétence, point commun, chez les uns et les autres. De ce fait, on ne se lassera guère à passer de l'un à l'autre. De découverte en admiration, on se prend au beau piège de la diversité des voix, des couleurs, des penchants, des comportements d'une multitude de personnages créés et vivants. Il n'y a que la littérature pour réussir à nous accrocher et nous faire vivre les événements d'une vie et d'une société qui passent inaperçues dans la « banalité » et la «frénésie» du quotidien ! Ce livre nous en donne la version marocaine. Edité pour relancer l'écriture en français au Maroc, on ne peut que saluer l'initiative. Ce penchant de notre littérature n'étant pas limité seulement à certains noms d'un temps ni à une certaine époque bien lointaine (protectorat et post protectorat français). Le français est une majestueuse langue d'écriture littéraire qui permet de judicieuses aventures textuelles et aide à exprimer de la plus belle des manières. Ecrire et exprimer étant les deux piliers de toute entreprise littéraire. Guillaume Jobin de l'Ecole supérieure de journalisme de Paris et notre ami le journaliste et éditorialiste Karim Boukhari, maitres d'œuvre de cette anthologie, méritent qu'on les salue haut la main. Ils ont eu l'heureuse idée d'éditer dans un univers de vie et de société qui n'est pas tout à fait propice à ce genre d'action. Cela demande du courage, bien du courage.