L'organisation Amnesty International (AI) a condamné, dans un communiqué parvenu à Albayane, l'usage abusif de la force par les autorités d'Espagne pour disperser des manifestations d'étudiants à Valence (Est) sous prétexte de préserver l'ordre public. La réaction d'AI rejoint celles de nombreuses institutions de défense des droits de l'homme, d'acteurs sociaux et de médias. Des débats aux chaines de télévision et stations radio ont analysé, mardi et mercredi, la brutalité à laquelle ont recouru les forces de l ‘ordre contre des étudiants qui réclamaient davantage de droits et ressources pour améliorer la qualité de l'enseignement public. Rejetant les « doutes raisonnables » dans l'usage excessif de la force par la police, AI retient que l'Etat peut prendre des mesures coercitives et pour cela celles-ci doivent être « le dernier recours pour garantir l'ordre public ». Les forces de sécurité sont appelées, en outre, à « appliquer scrupuleusement les critères de légalité et de proportionnalité », signale l'ONG pro-droits humains. «Le droit de réunion pacifique est un droit reconnu au Pacte International des Droits Civils et Politiques », signale AI qui relève que l'usage de la force « peut être légitime pour des raisons d'ordre public mais à travers l'adoption de méthodes moins préjudiciables» pour les manifestants. Les principes de base sur l'usage de la force et les armes à feu des Nations Unies “rappellent que la force doit être utilisée seulement lorsque les moyens non violents ont été inefficaces, et qu'elle doit être proportionnelle et légitime». Pour AI, «nous avons des doutes raisonnables que ce principe n'avait pas été appliqué dans ce cas». L'article 20 de ce code de principes recommande la prospection d'une solution pacifique des conflits et l'usage de techniques de persuasion, négociation et médiation. D'autant plus, la police doit disposer de moyens lui permettant de résoudre les tensions de manière pacifique ainsi que d'un haut degré de formation sur la manière d'évaluer une situation et de réagir de la forme la mieux appropriée. Aussi bien les manifestations d'étudiants que l'action de la police se sont intensifiées durant les derniers jours dans différents points de Valence. Les données disponibles auxquelles ont accédé les médias en Espagne, dont Albayane, signalent que les affrontements du dimanche dernier ont eu un bilan de 17 blessés au moins de divers degrés, dont des agents de la police, et plus de 26 personnes détenues. La présence des forces anti-émeute a été adoptée par la police locale suite à l'interruption de la circulation routière par les manifestants lors d'un sit in dans une grande rue en face d'un lycée public. Le déploiement des forces de l'ordre a immédiatement provoqué des protestations auxquelles ont pris part différentes organisations estudiantines. Diverses images reprises par les médias montrent comment la police avait fait réellement d'un usage disproportionné de la force contre les manifestants, piétons et journalistes. AI a réclamé, données et images à l'appui, l'ouverture d'une enquête concernant toutes les plaintes déposées contre l'usage excessif de la force, et, l'adoption de mesures disciplinaires ainsi que des peines à l'encontre des responsables des mesures brutales appliquées à l'encontre des étudiants et élèves à Valence. « Outre une évaluation de l'intervention de la police et la responsabilité de ses hauts officiers à titre individuel, il est nécessaire de démontrer qu'il était réellement obligatoire et proportionnel à l'usage de la force », affirme une porte-parole d'AI. Les protestations des étudiants furent la réaction aux réductions budgétaires dans la Communauté autonome de Valence qui affecte les centres d'éducation publics. Cette mesure a provoqué le non règlement des dettes par ces centres à l'égard de leurs fournisseurs. A titre d'exemple, les élèves ont dû souvent apporter des couvertures pour se protéger contre le froid faute de chauffage des salles de classe, les professeurs manquent de matériel scolaire et l'administration a cessé de couvrir les services élémentaires d'hygiène . Dans une déclaration à la presse, le ministre espagnol de l'intérieur a laissé entendre qu'il y avait eu «un certain excès» et une certaine “action disproportionnée » de la part de la police face aux manifestations estudiantines à Valence. Il a toutefois attribué ces excès à « une certaine action individuelle ». Aussi bien le gouvernement espagnol central que régional de Valence ont promis l'ouverture d'une enquête pour déterminer de possibles « excès » dans l'usage de la force par la police. La réaction d'AI révèle que l'Etat de droit est souvent réduit à sa plus simple expression y compris dans les sociétés dites démocratiques et avancées. Le cas de Valence rappelle d'autres tristes épisodes enregistrés depuis le début des jacqueries des jeunes espagnols pour protester contre la marginalisation, le népotisme et le clientélisme au marché du travail ainsi que contre l'indifférence des grands partis politiques à l'égard de la situation de vulnérabilité dans laquelle ils se trouvent face au patronat. Le mouvement du 15 Mai des «Indignés» est né précisément en 2011 pour sensibiliser l'opinion publique aux grands problèmes qui hypothèquent le futur des jeunes, dont plus de 40 % sont en chômage. C'est la raison pour laquelle, le mouvement estudiantin à Valence s'est inspiré du « printemps arabe » pour occuper de manière pacifique l'espace public. C'est aussi le prix à payer pour la nouvelle politique de restriction budgétaire du nouveau gouvernement d'Espagne qui affecte le bien-être de l'ensemble de la société.